Un géographe français et la Roumanie : Emmanuel de Martonne (1873-1955)
de Gavin Bowd

critiqué par JulesRomans, le 5 septembre 2012
(Nantes - 65 ans)


La note:  étoiles
René, des cartes dans cet ouvrage auraient été logiques !
Ce livre permet de réaliser que les frontières actuelles entre la Roumanie et la Hongrie tiennent à un tracé de crayon d’un géographe français. Après avoir insuffisamment présenté la vie du personnage étudié avant son arrivée à l’École normale supérieure, l’on voit comment une thèse régionale sur la Valachie (grande région du sud de la Roumanie) à la Belle Époque amène Emmanuel de Martonne à souhaiter de voir l’ensemble des Roumains réunis dans un même état. Emmanuel de Martonne devient le gendre de Paul Vidal de la Blache en 1900. Après l’engagement de la Roumanie aux côtés des Alliés au moment où l’offensive russe Broussilov met à mal les armées austro-hongroises, ce royaume subit le contrecoup de la désagrégation de l’ensemble des institutions du tsarisme et doit signer un armistice puis la paix avec les empires centraux et la Bulgarie qui occupent une grande partie de son territoire. Aussi Clémenceau par exemple ne considère pas que la Roumanie soit dans le camp des vainqueurs, pour les négociateurs anglais et anglais du Traité de Versailles, dans les Balkans le pays à récompenser territorialement (du fait de son attitude durant la Grande Guerre) est la Serbie et au Banat la question de l’attribution de certains villages à cette dernière ou à la Roumanie se pose. Emmanuel de Martonne obtient de repousser la frontière romano-hongroise au-delà du tracé d’une ligne de chemin de fer qui permettra ainsi de relier la Tchécoslovaquie à la future Yougoslavie (en passant entièrement par les marges frontalières roumaines), ce qui apporte à la Roumanie des territoires à forte majorité hongroise ou allemande. C’est grâce en grande partie aux actions personnelles du général Berthelot (voir l’ouvrage de J.-N. Grandhomme sorti en 2012 sur cet officier supérieur) qui avait dirigé la mission militaire française en Roumanie et au géographe Emmanuel de Martonne que la Roumanie doubla sa superficie atteignant pratiquement 300 000 km2 pour d’ailleurs redescendre à un peu moins de 240 000 après 1945. Une absence totale de cartes est un point très regrettable pour un ouvrage qui traite d’un personnage qui en a dressé des centaines. Quand on nous dit de plus qu’aux cartes présentées par Emmanuel de Martonne (destinées à mettre en valeur par des artifices une forte présence roumaine dans certains lieux) sont opposées d’autres cartes lors des négociations du Traité du Trianon qui suit le Traité de Versailles, la frustration de ne pas voir deux cartes au message diamétralement contradictoire arrive à son comble.