Turlupin
de Leo Perutz

critiqué par Patman, le 18 novembre 2002
(Paris - 61 ans)


La note:  étoiles
Comme un cheveu dans la soupe...
Fin octobre 1642, le Cardinal de Richelieu vit ses derniers jours, cela ne l’empêche pas d’intriguer. Persuadé, à raison d’ailleurs, d’être la cible des complots de la noblesse, il décide d'en finir avec elle, de provoquer une révolution et d'instaurer une république dont il serait le seul maître.
Monsieur de Saint-Chéron, noble déchu qui a passé près de 20 ans en prison, est devenu monsieur Gaspard, simple commis chez un marchand de tissus ce qui ne l’empêche pas de vitupérer publiquement contre la monarchie et les privilèges. Arrêté, il est conduit auprès du vieux Cardinal. Après de longues heures d’entretien secret, Gaspard quitte le palais par une porte dérobée, libre. Dès le lendemain, une rumeur se répand dans Paris : le 11 novembre, jour de la Saint Martin, le grand jeu du volant débutera ! Personne ne sait au juste de quoi il s’agit, mais tous comprennent qu'il va se passer quelque chose. Loin de toutes ces intrigues, Tancrède Turlupin, perruquier de son état, rêve de découvrir le secret de ses origines. C’est que le pauvre fut adopté lorsqu’il était tout petiot et qu'il veut à tout prix connaître ses vrais parents, persuadé qu’il est d'être de noble extraction. Suite à une méprise, il assiste aux obsèques d’un haut personnage du royaume et s'aperçoit que la Duchesse de Lavan, vieille dame de haute noblesse, le regarde avec insistance durant la cérémonie. Il n’en faut pas plus à notre benêt pour qu'il s’imagine qu'elle ait reconnu en lui le fils qu’elle dut abandonner des années plus tôt suite à quelque accident. Voilà notre perruquier prêt à tout quitter pour rejoindre cette mère supposée et le titre de Duc qu’il se croit en droit de porter ! Le grain de sable vient de s’introduire dans la belle mécanique du complot… Un court roman très rythmé où l'humour burlesque côtoie le tragique. Tous les thèmes chers à Perutz se retrouvent ici : la substitution (voir le Cavalier Suédois), l'amour, la mort et la fatalité. Il les traite cependant sous le mode de la comédie quasi loufoque, ce qui est un peu déroutant pour les lecteurs francophones que nous sommes, souvent un peu frileux à l'idée de découvrir se qui s’écrit « ailleurs ». Ce Turlupin est peut être une bonne façon de s'initier à la littérature tchèque, à vous de voir. A découvrir en tout cas !
Humour et suspense 8 étoiles

Présentation éditeur: "Paris, novembre 1642. Le cardinal de Richelieu, dont les adversaires sont plus résolus que jamais, s'apprête à frapper un coup qui devrait pour longtemps briser l'arrogance de la noblesse: il n'est bruit que du " grand jeu de volant de M. de Saint-Chéron " et des dix-sept mille têtes qui vont tomber ce jour-là. Mais le destin, qui suit son propre chemin, en décidera autrement. Grâce à un bouffon, le perruquier Turlupin, qu'un jeu de circonstances cocasse mènera à une fin tragique, la vieille France vouée à la mort triomphera une fois de plus des idées d'un temps nouveau.
Roman burlesque, fantaisie historique,"

Turlupin est un grand roman de 180 pages où l'humour et le suspense le disputent au jeu de style.

Ravenbac - Reims - 58 ans - 5 octobre 2018


Les farces de l'Histoire 10 étoiles

Et si l'Histoire n'avait pas de sens? Et si elle n'était pas l'œuvre de Grands hommes, mais le résultat d'actions absurdes menées par des personnages insignifiants? C'est ce que Perutz donne à entendre dans ce roman pseudo-historique plein d'humour et d'aventures.

Le héros de ces pages, Tancrède Turlupin, est barbier-perruquier dans une modeste boutique parisienne ; mais c'est surtout "un rêveur, plein de bizarreries". Enfant trouvé, il s'interroge sur ses origines jusqu'au jour où, au cours d’un enterrement, il aperçoit la duchesse de Lavan, une dame de la haute noblesse. Dès lors, Turlupin pense avoir élucidé le secret de sa naissance : il est le fils caché de la duchesse et l’héritier du titre ducal. Mais comment s’introduire dans la demeure des Lavan, lui, pauvre jeune homme aux habits rapiécés ? C’est alors que notre héros est pris dans la tourmente de l’Histoire. En 1642, sous le règne de Louis XIII, un conflit oppose le cardinal de Richelieu à la noblesse française, prête à tout pour maintenir ses privilèges. Dans les rues de Paris, une rumeur annonce « le grand jeu de volant », un événement qui doit survenir à la Saint Martin et qui bouleversera profondément le visage de la France. Le parti de Richelieu manipule secrètement le peuple pour faire massacrer tous les aristocrates rebelles dans la nuit du 11 novembre 1642. Et voilà Turlupin embarqué bien malgré lui dans le complot. Pourvu des habits et de l’identité d’un gentilhomme, il est envoyé dans la maison du Duc de Lavan en tant qu’espion, alors que lui n’aspire qu’à rencontrer sa noble mère. S’en suivent de multiples péripéties et des quiproquos savoureux. Le burlesque est présent à chaque page et, au fil du récit, on apprend à aimer ce héros aussi naïf qu’attachant. Le dénouement n’en sera que plus tragique… Il n’empêche qu’un simple barbier aura retardé de 150 ans la révolution française ! Enfin, c’est Perutz qui le dit.

Encore un magnifique petit roman où l’imagination et l’humour de Leo Perutz parviennent à nous mystifier. Bien que la « révolution avortée de 1642 » n’ait jamais existé, l’ingéniosité diabolique de l’auteur est telle qu’elle nous fait douter. Perutz n’est-il pas allé jusqu’à créer de toute pièce de fausses sources historiques ?! Car la confusion entre le rêve et la réalité est un thème récurrent dans l’univers « perutzien ». Une fois entré dans ce monde onirique, impossible de s’en extraire sans connaître le fin mot de l’histoire. C’est là toute la magie narrative de Leo Perutz.

Pierrequiroule - Paris - 43 ans - 1 novembre 2013