Alfred Deller
de Jean-Luc Tingaud

critiqué par Falgo, le 24 juillet 2012
(Lentilly - 84 ans)


La note:  étoiles
Biographie un peu courte
Alfred Deller a été, autour des années de la deuxième guerre mondiale, celui qui a fait revivre la voix, alors oubliée depuis près de 200 ans, de contre-ténor soliste.
C'est une voix d'homme qui développe une technique de chant faisant appel à la fois au registre de poitrine et à celui de fausset. Cela permet de chanter des partitions également dévolues à des voix féminines d'alto ou de mezzo-soprano. Une large part de ces partitions écrites à l'époque baroque l'ont été pour des voix d'homme: castrats ou contre-ténors. Les voix de femmes étant alors interdites pour les cérémonies religieuses, les garçons chantaient les voix de soprano et les contre-ténors celles d'alto. Les castrats, eux, étaient plutôt tournés vers l'opéra.
Donc, dans les années 1920-1930, en Angleterre, Alfred Deller redécouvre spontanément et par lui seul qu'il peut, après la mue, continuer à chanter des parties d'alto en ayant recours à la fois à sa voix de poitrine et à sa voix de fausset. Ultérieurement le soutien de compositeurs comme Michael Tippet et Benjamin Britten lui ouvre les scènes musicales anglaises puis mondiales.
La redécouverte de cette voix si particulière a enthousiasmé des musiciens comme Gustav Leonhardt et Nikolaus Harnoncourt et leur a permis de progresser dans la restitution de l’interprétation "à l'authentique" sur instruments anciens de musiques écrites, pour faire simple, de 1300 à 1800. Décédé en 1979, Alfred Deller aura précédé et accompagné ce mouvement durant toute sa vie.
Autodidacte, peu porté vers la musicologie et le dogmatisme, il ressuscita nombre de partitions par sa seule musicalité, c'est à dire sa capacité à comprendre et restituer une phrase musicale. Cette voie solitaire le conduisit à rester écarté de l'establishment musical, de ses modes et de ses coteries. On le lui fit bien savoir. Il en souffrit toute sa vie.
C'est cet itinéraire que Jean-Luc Tingaud a reconstitué avec une visible empathie. Il retrace de manière très intéressante la formation, les premiers pas en tant que soliste, les succès, les échecs et les moments de dépression. Il s'interroge de manière quasi philosophique sur l'impact de cette voix sur l'auditeur, chapitre du livre que je trouve assez faible malgré la qualité des références.
Au total, le livre est intéressant quoique entaché de nombreuses erreurs matérielles qui gâchent un peu le propos.
A réserver aux amateurs avertis de la musique classique.