La légende des anonymes
de Jérémie Leduc-Leblanc

critiqué par Libris québécis, le 21 juillet 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Une collection de silences
Les protagonistes des nouvelles ne parviennent pas à marcher dans leurs pas. Un monde les sépare d’eux-mêmes. Ce sont des étrangers d’un moi sans mots pour se dire. Chacun cherche à immerger de la solitude. Mais les départs d’autrui les guettent comme un rhume en hiver, la saison qui fait hiberner les ours. Le retranchement n’est pas la vie. Il faut se construire un paysage affectif qu’interdit malheureusement le désert existentiel. Le sable s’empresse d’effacer toute trace du pas en direction de l’autre. L’absence coupe les ponts unificateurs. Bref, les personnages sont des îles que la topographie a oublié d’identifier.

L’auteur a revisité le mythe de Sisyphe en précisant les symboles responsables de la disparition des humains derrière un code postal ou le NIP d’une carte de débit. Les personnages cherchent leur pays des merveilles. Mais il est difficile de naître de son terreau quand on n’est pas écrivain pour écrire le dernier mot de son existence. Choisir le mot qui empêche de faire ses deuils en silence, le mot qui autorise de signifier son existence, de rendre tangible l’absence et le vide.

Cette œuvre très pertinente insiste sur la nécessité de ne pas devenir une légende anonyme dans un univers qui collectionne les silences. Le recueil se signale par ses références culturelles et son atmosphère européenne. À travers ses nouvelles, l’auteur décrit habilement l’enjeu de notre passage sur terre. Il l’a fait avec une cohérence qui confère une grande unité à son œuvre.