Internet rend-il bête ? : Réapprendre à lire et à penser dans un monde fragmenté
de Nicholas Carr

critiqué par Nabu, le 5 juillet 2012
(Paris - 38 ans)


La note:  étoiles
Superbe essai
« Internet rend-il bête ? » est un essai sur la transformation de la plastique de notre cerveau à cause des nouvelles technologies d’information.

Nicholas Carr, l’auteur américian de ce livre, revient d’abord sur l’historique des médias d’information : la voie orale, le livre, google…

Il explique ainsi comment ces médias ont été accueillis à chaque fois par la population et les intellectuels et comment ils ont changé la plastique du cerveau et la manière de vivre. L’écriture était ainsi attachée sans espace, puis la ponctuation a permis une lecture plus aisée ainsi qu’une réflexion plus profonde et silencieuse.

L’auteur enchaîne ensuite sur Internet. Il explique qu’avec l’usage de ces nouvelles technologies, notre cerveau se modifie et nous avons de plus en plus envie d’être connectés aux autres. Nous devenons en permanence demandeurs d’interruptions prouvant que l’on existe au regard du monde. Ces interruptions perturbent la plastique de notre cerveau. Nous devenons alors moins bons pour penser en profondeur et meilleurs pour traiter plusieurs informations à la fois. Nous perdons une compétence pour en gagner une nouvelle.

De plus, Internet, en mettant à notre disposition autant d’informations affaiblit notre mémoire vu que nous n’avons plus besoin de nous souvenir des informations facilement accessibles. Le phénomène était le même avec l’apparition du livre et le passage de l’oral au livre.

L’auteur consacre également des chapitres sur Google qui voit le monde comme un tas de données et le traitement de nos émotions qui devient moins profond.

Le livre est réellement bon. L’auteur est très solide niveau sources et joue dans la cour des grands. On reprochera peut-être sa diabolisation du net, même si celle-ci est fondée, mais on décèle parfois une certaine mauvaise foi, également à propos des liseuses (ce qui est curieux alors qu’il ne blâme pas du tout les SMS et avance que ceux-ci n’auront aucun impact sur la jeune génération).

Le livre est vraiment excellent et permet de déclencher des axes de réflexion à l’aide de preuves solides. Je le conseille à tous afin de voir comment Internet nous change. Ca en est même flippant lorsque l’on sait que nos émotions positives sont le résultat d’un processus lent. Or, Internet nous incite à moins réfléchir profondément, nous devenons donc moins aptes à éprouver ces émotions positives.
Lecture et Internet : amis ou ennemis ? 8 étoiles

Ravie par ma lecture de TV lobotomie, dont le titre m’avait pourtant fait hésiter, je cherchais depuis plusieurs mois à me procurer Internet rend-il bête de Nicolas Carr. Cet américain n’est pas, contrairement à Michel Desmurget (l’auteur de TV lobotomie) un chercheur accomplis. Cela se ressent malheureusement quelque peu. Mais l’idée des 2 auteurs se rejoint : faire le point sur les conséquences sanitaires et sociales de 2 activités phares du 21ème siècle : la TV pour l’un, la navigation sur le web pour l’auteur.
N Carr le souligne lui-même : les études scientifiques s’intéressant à l’impact d’internet sont encore peu nombreuses alors que celles sur la tv affluent. En cela, l’ouvrage de N Carr fait défaut, car il alterne trop souvent témoignage, opinion personnelle, idée reçue, raisonnement déductif et connaissance objective, sans vraiment accorder plus de poids à l’un ou à l’autre. La construction de son essai en pâtit : on a du mal à en saisir la trame. Les références sont certes conséquentes mais elles renvoient assez régulièrement à des liens sans réelle valeur scientifique, tandis que le ton de N Carr reste le plus souvent catégorique. L’ouvrage demeure pertinent, d’autant plus que c’est le seul sur le sujet à ma connaissance.

Sa thèse est la suivante : internet en tant que média a une influence importante et plutôt négative sur notre façon de penser et d’agir, quel que soit son contenu. Il se réfère ainsi fortement au livre précurseur de McLuhan datant de plusieurs décennies, Pour comprendre les médias.
Il aborde dans un premier temps les thèmes de la plasticité cérébrale puis celui de l’histoire de l’objet livre. C’est passionnant, bien que d’autres auteurs se soient déjà penchés sur ces thèmes, mais on attend que les liens avec internet soient mieux tissés. Il énonce tout cela seulement parce que l’influence d’internet doit être saisie en regardant le contexte plus complet de l’histoire intellectuelle, celle-ci étant survolée.
Les études les plus pertinentes selon moi sont celles qui ont montré que lorsqu’on lit un livre traditionnel, les aires corticales stimulées sont celles gérant la vision, le langage et la mémoire, alors que lorsqu’on lit et surfe sur internet, ce sont surtout les aires chargées de la prise de décision et de la résolution de problèmes. Cela s’explique par la présence constante et abondante de liens hypertextes cliquables qui alourdissent la charge cognitive et la capacité de stockage de la mémoire courte dite de travail. Sur internet, nous pouvons difficilement lire de manière « profonde ». Les concepteurs des journaux en ligne tels que le Monde en sont conscients ; il n’y a qu’à observer l’évolution structurelle de leur site en ligne, de plus en plus porté vers les infos flash et les résumés d’articles à la une.
Ces conclusions passionnantes sont gâchées par des passages farfelus, comme celui-ci pour expliquer en quoi les technologies engourdissent les facultés qu’elles sont censées stimuler : « quand nous sommes au volant de notre voiture, nous pouvons couvrir une bien plus grande distance que naguère à pied, mais nous perdons le contact intime avec le sol ».
L’auteur traite d’autres thématiques : les liseuses, l’entreprise Google, l’Effet Flynn, que vous découvrirez sans doute avec plaisir. Mais l’apport objectif sur ces sujets semble moins fiable.

Indispensable à lire pour tous ceux qui aiment tout autant la lecture qu’internet, et qui auraient tendance à se laisser dépasser par le web, surtout si cet ouvrage est bien le seul sur le sujet.

Elya - Savoie - 34 ans - 1 septembre 2012