L'empire de la honte de Jean Ziegler

L'empire de la honte de Jean Ziegler

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Economie, politique, sociologie et actualités

Critiqué par Mithrowen, le 4 juillet 2012 (La Chaux-de-Fonds, Inscrite le 23 août 2011, 35 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 3 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (24 240ème position).
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La soumission par la dette et la faim

Jean Ziegler, éternel pourfendeur des puissants et des affameurs, nous livre ici un ouvrage qui explique comment les puissants recréent une sorte de reféodalisation à travers l'instrumentalisation de la dette et de la faim.

Si l'on est attentif aux problématiques du Tiers-Monde et des relations internationales, ce que raconte Jean Ziegler n'a rien de surprenant. Mais cela n'enlève rien à la révolte que provoquent les faits énoncés.

Jean Ziegler nous explique globalement que la dette des pays pauvres (qui maintient artificiellement les pays dans le sous-développement) pourrait être annulée sans causer d'énormes problèmes au système bancaire international, mais bien sûr cette dette rapporte trop aux créanciers pour qu'elle soit annulée. Il explique également que certains doivent s'atteler à rembourser des dettes "odieuses" car creusées par des dictateurs et des génocidaires.

Ils montrent également comment la dette crée la faim même dans des pays "verts" car elle empêche tout investissement dans l'agriculture.

En bref, "L'empire de la honte" est un livre à lire d'urgence si l'on croit encore que les pays du Tiers-Monde sont totalement responsables de leur sous-développement parce que leur peuple est paresseux et inorganisé.

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La faim du capitalisme

8 étoiles

Critique de Heyrike (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 56 ans) - 20 octobre 2013

L'auteur annonce dès le début de son essai que celui-ci est une arme de combat destiné à repousser les assauts du capitalisme prédateur qui répand la mort dans les pays du sud. L'OMC et le FMI (fidèles alliés des prédateurs) imposent leurs diktats aux pays étouffés par la dette, ouvrant ainsi la porte au pillage des richesses et la destruction des services publics.

Chaque enfant qui meurt de faim sur cette planète n'est pas une fatalité mais le fait principalement du cynisme et de la cupidité des pays créanciers qui mettent tout en œuvre pour assujettir les pays du sud à leur politique néolibérale, une forme de reféodalisation du monde.

Jean Ziegler sait parfaitement de quoi il parle, il a été longtemps rapporteur spécial auprès de l'ONU pour tout ce qui concerne les questions liées à l'alimentation mondiale. A ce titre, il a eu maintes fois l'occasion de parcourir les pays dépendants de l'aide alimentaire internationale pour faire face aux nombreuses famines qui les frappent régulièrement. A chaque fois, il a pu faire le constat des conditions de vie épouvantables des pauvres hères rejetés aux frontières de l'humanité.

En dehors des catastrophes naturelles qui provoquent des pénuries alimentaires, c'est le système mondialisé et le poids de la "dette odieuse" qui sont les principales causes de la famine dans le monde. Des dettes colossales pèsent sur ces pays qui doivent consacrer chaque année une part très importante de leur PIB pour honorer les échéances non négociables. Beaucoup d'entre eux ont hérité des dettes contractées par les régimes autoritaires issus de la décolonisation, maintenus au pouvoir par les anciens maîtres qui leur fournirent une aide financière et les équipements militaires nécessaires pour réprimer toute contestation. En échange de quoi ces derniers purent faire main basse sur les ressources naturelles et implanter leurs industries dans ces zones de non-droits, excellentes pourvoyeuses en main d'œuvre bon marché.

Lorsqu'un pays endetté ne peut plus rembourser, il peut faire un appel de fonds auprès du FMI, qui s'empressera de lui accorder un nouveau prêt à la condition sine qua none qu'il mette en place des réformes structurelles. Le terme de réforme structurelle est un doux euphémisme employé pour ne pas effrayer les masses (un peu comme le terme de plan social chez nous), mais en fait il signifie purement et simplement une mise en coupe réglée du pays par la privatisation de tous les services publiques que les multinationales rapaces, toujours dans le sillage des organismes internationaux, s'empressent de racheter et de démolir afin d'y implanter des services privatifs.

Ainsi garrotté, les pays du sud se voient privés de toute autonomie politique et économique réelles, entièrement vaincus et exsangues, ils sont contraints de mettre en place des activités économiques entièrement dédié aux besoins de l'occident (tel le café, le cacao et surtout la mise à disposition d'immenses champs pour les agrocarburants, au détriment de l'agriculture vivrière). Et cerise sur le gâteau du capitalisme nécrophage, les denrées alimentaires produites en occident sont moins chères que celles produites localement grâce au dumping exercé par les multinationales qui enfreignent la règle de la concurrence libre et non faussée (ce qui relève presque du pléonasme) édictée par elles-mêmes, entraînant une importation alimentaire massive payée par les prêts qui leurs sont généreusement octroyés, et la boucle est bouclée.

Les profits engrangés par les puissances d'argent, les tas d'or sur lesquels sont assis les milliardaires (de plus en plus nombreux chaque année), les budgets militaires tous pays confondus (mille milliards de dollars en 2004, le budget militaire Américain représentant 47% de la somme totale), pourraient permettre d'effacer "les dettes odieuses" facteur de honte pour ces pays jetés à terre par la machine économique guerrière qui fait régner la loi du plus fort dans un monde livré pieds et poings liés à la sauvagerie des "marchés financiers libres et non faussés". Et de l'argent il en resterait encore pour les bonnes œuvres auxquels les riches de ce monde aiment se consacrer pour soulager, sous les projecteurs des caméras, leurs consciences arides de toute compassion humaine.

Homme de convictions, Jean Ziegler nous éclaire sur les mécanismes qui broient les hommes sous toutes les latitudes, il n'hésite pas dénoncer tous ceux qui collaborent à cette immense entreprise de destruction massive des sociétés humaines et de leur environnement. Malgré de nombreuses menaces de mort, il continue sans relâche à pourfendre les puissances de l'argent, espérant qu'un jour viendra où la révolte citoyenne et pacifique sera guidée par une volonté de justice et d'équité sur l'ensemble de notre planète.

Elya s'interroge, à juste titre, sur l'intérêt de ce type d'ouvrage qui dénonce un système inique plus qu'il ne propose de solution pour faire barrage à cette diagonale du fou. Mais justement, il me semble que la solution doit venir de chaque citoyen qui sous nos latitudes a le droit, le devoir et le pouvoir d'inverser le cours des événements. Et pour ce faire il possède une arme de dissuasion phénoménale, qui est le vote citoyen. Car qui d'autre que les citoyens barbotant dans la démocratie peut exprimer ce qu'il veut et surtout ne veut pas ? Mais avant tout, pour parvenir à cela, il faut une prise de conscience, que dis-je d'un raz de marée qui permette de renverser la pensée unique des prédateurs (qui conçoivent le monde comme un terrain de jeux sans foi ni loi) et arracher la perfusion idéologique des maîtres du monde qui distille leurs venins dans nos cerveaux atrophiés, relayé en cela par les flatulences médiatiques complaisantes qui recrachent les discours formatés et débilitant de leurs commensaux. Et c'est en cela que ce genre d'ouvrage peut être utile, il dessille nos yeux rivés à l'imposture des bonimenteurs de tout poil et pose les bases d'une réflexion sur une mondialisation déshumanisée et dépourvue de toute moralité et de justice qui nous enveloppe et nous étouffe à petit feu. Le pouvoir est dans l'urne … un rêve passe … le chemin est encore long et semé d'embûches. Mais pourquoi pas !

Inégalités "Nord-Sud", dette et faim

8 étoiles

Critique de Elya (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans) - 17 mars 2013

Difficile de choisir par quel ouvrage commencer de Ziegler, tant leurs titres et leurs résumés se ressemblent ; ils expriment de manière plus ou moins explicite ou métaphorique les inégalités Nord Sud, les désastres que créent la faim dans le monde et la « suprématie » de l’ « occident ». Ce n’est pas étonnant au vu de la profession de Jean Ziegler, qui a travaillé à l’ONU en tant que rapporteur sur le droit à l’alimentation dans le monde.

J’ai sélectionné L’empire de la honte comme première approche avec l’auteur, tout simplement parce que c’est le premier qui est arrivé entre mes mains à la bibliothèque.

Dans ce livre, Jean Ziegler alterne ses sources : ouvrages historiques, témoignages d’hommes et de femmes à travers le monde, récits personnels, comptes-rendus d’organismes internationaux (ONU, OMS…). Cette pluralité rend le contenu distrayant et instructif à la fois. Jean Ziegler s’attelle autant à décrire les atrocités de certains pays dits du Sud (corruption, famines, faiblesse voire inexistence des services publics, travail et mort des enfants…) que leur richesse naturelle de paysages et climats.

Selon Ziegler, « L’économie n’est pas un phénomène naturel. Elle n’est qu’un instrument, qu’il convient de mettre au service d’un but unique : la recherche du bonheur commun ». Il tente ici, comme il le précise en préface, de pointer les obstacles empêchant l’accès à ce bonheur par tous les hommes. Mais il n’explique pas concrètement comment les démanteler. Etre lucide de ces horreurs semble être le b.a.-ba.
Comment agir à titre individuel ? C’est à nous d’y réfléchir.
Quand aux autorités et aux Etats, ils devraient s’atteler à annuler la dette des pays en sous-développement. Celle-ci est une aberration économique et sociale. L’aide publique apportée à ces pays dans le besoin par les pays dits « industriels » est bien inférieure aux sommes reversées à titre de remboursement de la dette par les pays du tiers-monde.

Jean Ziegler n’hésite pas à critiquer des expressions que l’on entend ou lit au quotidien dans les médias : « la dette inéluctable », « la légitimation de la dette » ou encore « la confiance des marchés ». Ces expressions aliment souvent des discours creux, politiquement correct ; ceux qui les emploient ne prennent pas souvent le temps de décrire ce à quoi elles renvoient. Ziegler ne se prive pas de donner son avis sur la fameuse « confiance des marchés » :

« pour ne pas être attaqué, dévasté, mis à genoux par le capital financier mondialisé, un peuple doit –par sa conduite économique- gagner la « confiance des marchés ». Mais comment mérite-t-on cette « confiance » ? Tout simplement en se soumettant corps, esprit et âme au diktat des cosmocrates »

Dans ce livre sont aussi dénoncées certaines actions atroces gouvernées par le mercantilisme de grandes entreprises comme Nestlé. Certains organismes délivrent par exemple du lait en poudre gratuitement pendant quelques temps à des mères, leur vantant les mérites pour la santé de leur enfant comparativement au lait du sein. Mais elles ne s’assurent pas de la sanité des eaux avec lesquelles les mères mélangent le lait ; ce qui conduit au décès de nombreux nourrissons.

Ce livre tient plus du constat que de la résolution. Je ne sais pas si les autres livres de Ziegler ont la même teneur, ainsi je ne peux pas dire si celui est vraiment à lire comparativement aux autres. Il me laisse avec une désagréable sensation ; celle de pouvoir lire quantité d’ouvrages dans ce genre sans faire avancer le schmilblick pour autant.

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