Euclidiennes
de Eugène Guillevic

critiqué par Eric Eliès, le 3 juillet 2012
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Un court recueil, d'une grande sobriété, qui utilise les figures mathématiques comme symboles de la condition humaine
Ce court recueil de Guillevic, publié en 1967, est très caractéristique de son art poétique, d’une extrême sobriété et d’un souffle retenu qui, en quelques mots, effleure un objet du quotidien pour le faire résonner d’échos qui questionne la condition humaine…
Chaque poème du recueil est conçu de la même façon : un titre, qui est simplement le nom d’une figure géométrique, une représentation de la dite figure géométrique puis quelques vers qui, sur un ton presque de confidence adressé à la figure géométrique, s’appuient sur la description formelle de la figure pour la transcender et éveiller dans l’esprit du lecteur une inquiétude ou une angoisse existentielle. Malgré sa sobriété presque solennelle (notamment parce que Guillevic n’utilise quasiment aucun adjectif) et sa sensibilité fondée sur les mathématiques, il n’y a aucune froideur dans la parole de Guillevic. Dans Euclidiennes, recueil marqué par une sorte d’étrange « anthropocentrisme mathématique » accentué par le recours, non systématique, au « je » comme si la figure se confiait à nous, les figures géométriques, qui représentent en théorie une perfection conceptuelle, apparaissent comme des symboles dévoilant nos faiblesses et nos fragilités.
Par exemple, Guillevic évoque ainsi les parallèles (p.10 de l’édition originale) :

Vous criez dans l’espace
Qui doit vous séparer.

Vous criez aussi fort
Au moins vers l’autre espace
Que vous coupez en deux,

Comme si vous étiez
A tout jamais les seuls
A ne pouvoir vous rencontrer.