Les Travaux du Royaume
de Yuri Herrera

critiqué par Débézed, le 16 juin 2012
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Un corrido pour la liberté
Au Mexique, probablement près de la frontière américaine, Lobo, un jeune garçon venu d’on ne sait où est abandonné par ses parents avec son accordéon et ses « corridos », les chansons qu’il a composées pour louer la geste des personnages qu’il rencontre. Un jour, dans une taverne douteuse, son « corrido » séduit celui qu’il prend, avec son habit scintillant, pour un roi ; celui-ci l’emmène alors dans ce qu’il considère être un palais où il rencontre, en guise de courtisans, une population, haute en couleurs, composée d’assassins et de tortionnaires cruels et sanguinaires, d’une sorcière, d’une fille à peine pubère qui l’initie aux plaisir de la chair.

Bien sûr, la petite troupe vit du trafic de la drogue avec les « gringos » installés de l’autre côté de la frontière toute proche et passe son temps à rivaliser avec d’autres bandes en des combats sanguinaires, règlements de comptes et provocations. Le roi n’est que le chef d’un cartel de narcotrafiquants de plus en plus contesté par ses troupes et ses rivaux.

Dans ce milieu qui le nourrit, l’émerveille, l’inquiète et finit par le révolter, le jeune garçon écrit des chansons pour flatter chacun au risque, parfois, de déplaire. Troubadour des temps modernes, il est l’héritier de ceux qui ont chanté Zapata, Vila, … et qui désormais flattent les chefs des cartels de la drogue. Il chante le destin fatal de ces pays qui semblent condamnés à vivre éternellement sous la botte de héros sanguinaires : conquistadors, révolutionnaires, aventuriers, narcotrafiquants, …

Dans ce petit texte, comme dans de nombreux romans mexicains, la violence est banalisée à souhait, l’atrocité est étalée à longueur de pages, la loi du talion et la surenchère dans la cruauté sont presque nécessité. Un texte minimaliste, condensé, concentré, fulgurant, un discours entre épopée mythologique, aventure crapuleuse et fantasme romanesque pour combattre pour la liberté même dans la misère la plus sordide et la violence la plus cynique. « Que le bourgeois ait peur, qu’il soit choqué, vous devez vous en foutre. Autrement, à quoi bon être un artiste ? »