Diamants et silex
de José María Arguedas

critiqué par Débézed, le 3 juin 2012
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Tragédie quechua
Dans ce roman court, dépouillé, puissant, bâti comme une tragédie grecque, José Maria Arguedas, avec une intrigue banale, simple, tragique, évoque l’impossible rencontre des deux cultures qui cohabitent mal au Pérou : l’hispanophone du littoral et la quechua des hauts plateaux. Cette rencontre manquée qui fut aussi son histoire de métisse qui n’a jamais accepté l’opposition entre ces deux cultures au point de se donner la mort.

Chassé du village par son frère, à la mort de leur père, Mariano un jeune indien un peu « simple » vit avec un faucon et joue excellemment de la harpe, mais seulement pour le riche propriétaire, descendant des conquistadors espagnols, qui possède la plupart des propriétés et des Indiens du gros bourg où se déroule cette tragédie. Il devient ainsi le musicien attitré du maître qu’il sert fidèlement jusqu’au jour où une jolie blonde arrive en ville mettant en émoi tous les garçons en âge de se marier, et plus encore leur mère, mais surtout le maître des lieux qui succombe au charme de la donzelle malgré la promesse qu’il a faite à la belle indienne au chant merveilleux qu’il a installée dans le bourg.
L’indienne entreprend alors la reconquête de son amant par le charme de son chant accompagné de la musique de la harpe de Mariano. Fou de rage de se laisser séduire par ce sortilège musical, le maître détruit brutalement l’instrument du jeune Indien. Le drame est noué, la tragédie éclate.

Cette histoire peut être lue comme une parabole de la destruction de la minorité indienne par les conquistadors espagnols mais on peut aussi y déceler, en filigrane, les forces occultes des civilisations amérindiennes capables de renverser la loi des envahisseurs. L’auteur essaie de nous prouver que la magie de la musique issue du fond de la culture andine, et la superstition qui dépasse la foi chrétienne, peuvent agir comme des sortilèges plus forts que la brutalité et le mépris que les conquistadors infligent à leurs « laquais » comme ils désignent les indigènes.