La langue d'Adam
de Derek Bickerton

critiqué par Elya, le 19 mai 2012
(Savoie - 34 ans)


La note:  étoiles
L'origine et l'évolution du langage
Voici le dernier livre en date de Mr Bickerton, 80 ans, éminent linguistique américain qui a consacré un bon bout de sa carrière à tout ce qui tourne autour du langage.

L’idée de ce livre est d’expliquer sa théorie concernant les origines du langage. Pour cela, il faudra essentiellement répondre à cette question : pourquoi nos ancêtres ont-ils brisé le mode de communication animale ? Il s’agit bien de sa théorie ; à l’heure actuelle, il n’y a pas de consensus établi sur les origines du langage. Ainsi, de nombreux scientifiques apportent leur contribution depuis les années 90. De nombreux débats ont lieu. D’ailleurs, Bickerton fera à notre plus grande joie le tour des différentes théories qu’il existe, en expliquant à chaque fois pourquoi elles sont fausses selon lui. Difficile quand on n'est pas du milieu de trouver les éventuels biais de ces théories, ni les biais du raisonnement de Bickerton ; c’est le principal « reproche » à cet ouvrage : l’auteur ne distingue pas assez les choses établies, qui sont admises par une majorité de la communauté scientifique, des choses sur lesquelles il s’avance.

Mais finalement, peu importe, car ce n’est pas seulement qu’une théorie du langage qui nous est contée ici. Bickerton nous explique différentes théories de l’évolution : celle des équilibres ponctués, du chaos, ou encore, et surtout, la théorie de la construction d’une niche. L’auteur l’explique extrêmement bien ; il me semble l’avoir saisie alors que je n’en avais jamais entendu parler. Cette théorie stipule que la relation entre l’environnement et les animaux/l’homme n’est pas à sans unique ; la niche crée l’espèce, mais l’espèce crée aussi la niche, exerçant un biofeedback permanent sur cette dernière. La thèse de Bickerton est que le langage, comme la culture, sont des niches humaines. Les premiers mots seraient apparus lorsque les hommes préhistoriques avaient besoin de rameuter des troupes pour s’octroyer des carcasses de gros mammifères.
De nombreux points sont abordés ici : les différents systèmes de communication animale et en quoi nous nous démarquons de ceux-ci, les propriétés indispensables auxquelles doivent souscrire toute théorie du langage, les proto-langages et les pidgins, la différence entre les hommes et les non hommes…
L’auteur n’hésite pas à confronter ses opinions avec celles d’autres linguistes, n’hésitant pas à critiquer de manière argumentée Noam Chomsky qui a selon lui une idée erronée des origines du langage, car il ne l’explique pas avec l’aide de l’évolution. Mais il est d’accord avec celui-ci pour dire que le langage n’est pas seulement un système de communication, mais aussi de conceptualisation (ce qui nous diffère des animaux).
Il insiste également tout au long de l’ouvrage sur le fait que le langage induit la pensée abstraite et le développement du cerveau, et non l’inverse, comme on l’entend souvent.

C’est un ouvrage très riche, d’une grande simplicité. Il y a quelques erreurs d’orthographe et de syntaxe qui ne perturbent que peu la lecture, qui reste passionnante. Quand à la valeur intrinsèque de la théorie, seul le temps nous dira si Bickerton avait raison. Mais peu importe sa véracité, l’ouvrage est un très bel exemple de vulgarisation scientifique et apporte des notions intéressantes qui tournent autour de l’évolution, dénonçant tous les extrêmes (religieux comme rationalistes).