Glenn Gould
de Mark Gerald Kingwell

critiqué par Dirlandaise, le 19 mai 2012
(Québec - 68 ans)


La note:  étoiles
Un grand pianiste canadien
Mark Kingwell, philosophe, écrivain et critique canadien, détient une maîtrise et un doctorat de Yale et fait partie du département de philosophie de l’université de Toronto. Le bagage intellectuel de l’auteur annonce la couleur du livre. Il s’agit d’une biographie du pianiste canadien Glenn Gould mais attention, ce livre demande une bonne ouverture d’esprit doublée d’un amour de l’érudition car c’est un bouquin qui ne se lit pas facilement. Il demande au lecteur une bonne capacité de concentration car les références philosophiques et psychanalytiques sont nombreuses. L’auteur aborde chaque chapitre en développant son sujet et ensuite, il le rattache à la vie du pianiste. Par exemple, il développe des thèmes tels que l’apparence, le progrès dans l’art, l’émerveillement, l’architecture de la musique, le temps et la communication pour ensuite rattacher ces thèmes à l’univers gouldien.

Pourtant, certains passages relatent la vie concrète du pianiste, ses manies, ses relations difficiles avec les autres, ses phobies, son hypocondrie, sa dérive médicamenteuse etc. Ces passages se lisent définitivement plus facilement mais ils sont assez restreints. J’ai cependant appris des faits étonnants sur le grand pianiste et aussi des choses tristes comme son accoutumance aux médicaments. Certains aspects de sa personnalité sont toujours aussi insaisissables et ce livre ne livre pas tous les mystères de la pensée gouldienne mais il constitue une bonne approche par son côté fortement axé sur la psychanalyse, moi qui ai toujours aimé cette discipline, cela n’était pas pour me déplaire au contraire.

Le livre est aussi intéressant par son approche et analyse du phénomène de la musique. L’auteur déroule une brève mais fort pertinente histoire de la musique mais il va plus loin, beaucoup plus loin en analysant l’impact de cet art sur la vie humaine Il s’interroge aussi sur son utilité et sur son avenir, questions qui hantaient Gould au plus haut point. Mark Kingwell tente à plusieurs reprises d’expliquer l’abandon des salles de spectacle par Gould en 1964 pour se tourner vers l’enregistrement.

Plusieurs références littéraires méritent d’être notées telles que le livre « Train de nuit » de Martin Amis, « Le naufragé » de Thomas Bernhardt et aussi « Musicophilia. La musique, le cerveau et nous » de Oliver Sacks. Ce livre m’a aussi fait connaître la grande pianiste Angela Hewitt et d’autres ouvrages qui me semblent intéressants tels que « Haute fidélité » de Nick Hornby et « Meat is murder » de Joe Pernice.

C’est un travail d’une grande qualité effectué par un homme dont l’érudition ne peut être mise en doute. À conseiller donc à ceux qui aiment le pianiste, désirent mieux le comprendre et que la lecture exigeante ne rebute pas. Un dictionnaire m’a été fort utile. Une lecture difficile mais très enrichissante.

« La plupart des gens qui vont au concert ne sont certainement pas des musiciens et ne s’intéressent pas vraiment à la musique, je pense. Ils y vont à la fois pour assouvir un besoin de réconfort atavique – une nostalgie illicite qui n’a rien à voir avec la musique, qui est délirante dans sa quête de proximité musicale – et pour le désir pervers de débusquer l’imperfection afin que l’imperfection de leur propre vie soit ainsi cautionnée. » Glenn Gould

« La justification de l’art réside dans la combustion interne de ce qu’il embrase dans le cœur des hommes, et non dans ses manifestations publiques, extérieures et creuses. L’objectif de l’art n’est pas le déclenchement d’une sécrétion momentanée d’adrénaline, mais la construction progressive, sur la durée d’une vie entière, d’un état d’émerveillement et de sérénité. » Glenn Gould