1914 Les atrocités allemandes : La vérité sur les crimes de guerre en France et en Belgique
de John N. Horne, Alan Kramer

critiqué par Radetsky, le 20 avril 2012
( - 81 ans)


La note:  étoiles
La vérité en face
On nous l'avait bien dit, pendant tout le second après-guerre : les récits abominables sur les agissements des armées d'invasion colportés en 1914-1918 par des folliculaires avides de sensations n'ont été que de la propagande destinée à aviver la haine, des médisances calculées, bref de la calomnie, arme utilisée par tous les belligérants afin d'asseoir un peu mieux leurs légitimités de bouchers sur l'exemple de ceux d'en face... Et puis il fallait "construire l'Europe", insister sur ce qui nous réunissait, ce qui pouvait donner matière à un projet commun ; par conséquent, mieux valait mettre peu ou prou sous le boisseau les détails embarrassants, en tordant le cou à l'Histoire comme on savait le faire en cas de besoin.
Le mérite revient à deux universitaires irlandais d'avoir secoué la poussière du temps afin de mettre en lumière ce qui s'était réellement passé ; sans doute, l'Irlande non-belligérante était-elle la moins mal placée afin d'émettre un jugement sans haine ni complaisance...
Eh bien oui...! Les Allemands se sont comportés comme des sauvages, puisqu'entre août et octobre 1914 ce ne sont pas moins de 6500 civils Belges et Français qui ont été volontairement trucidés, des centaines de villages détruits systématiquement sans que des nécessités d'ordre purement militaires se soient révélées évidentes : rien d'accidentel, pas de "balles perdues", mais des pelotons d'exécution contre de pauvres gens aux mains nues.
J.Horne et A.Kramer font parler tous les documents disponibles des deux côtés du front (journaux de marche d'unités combattantes, documents administratifs, témoignages de populations, réactions des autorités locales civiles et religieuses, etc. etc.) afin d'établir un faisceau de preuves accablantes à l'encontre de l'Etat-Major allemand lequel n'a, au fond, pas dérogé à de vieilles habitudes héritées de conflits précédents. La politique de la prise d'otages, de la terrorisation des populations, est une constante dans "l'art germain de la guerre".
Les militaires allemands, notamment depuis 1870, vivent dans la hantise d'un monstre conceptuel, d'une aberration existentielle, d'une altération du sens commun (allemand) : le franc-tireur...! Et tout vient à point nommé, tout est bon afin d'en évoquer le "risque" ou la fantasmatique présence, et d'en tirer la nécessité de brutaliser les habitants d'un pays occupé.

Ceux d'entre vous qui ont pu voir le film "Le Chagrin et la Pitié" se souviennent peut-être de cet ex-commandant de la Wehrmacht lequel, lors d'un banquet de mariage, confiait les souvenirs de son séjour en France dans les années 42/43, en manifestant sa totale incompréhension, son absolue réprobation des "terroristes" de la Résistance : comment ? des types sans uniforme, ne prenant pas la peine de signaler leurs intentions (!) se permettaient d'attaquer les armes à la main une armée qui avait vaincu en 1940...!! Et encore s'agissait-il dans ce cas de vrais partisans, d'authentiques combattants de l'ombre dressés contre un occupant.
Rien de comparable avec ce que l'armée allemande affrontait en 1914 justement : une illusion.

Cet aparté m'est venu à l'esprit afin de faire sentir la distance qui sépare l'univers mental allemand de tous les autres. La crainte du franc-tireur finit par l'emporter sur la raison, et on tire sur tout ce qui bouge. Dans l'arsenal des épouvantes qu'il s'est constitué, le militaire allemand a placé en bonne place tout ce qui échappe au contrôle, à l'ordre, à la discipline. Au fond, un coq trop bruyant, un cochon tentant de s'échapper en couinant d'une cour de ferme, sont peut-être des auxiliaires occultes des francs-tireurs...? Fusillés !
Et pour en appeler à d'autres exemples comparatifs, vit-on jamais (à part l'exemple ponctuel d'Andreas Hofer dans le sud-Tyrol de 1809) des Allemands s'organiser en groupes informes afin de résister à l'envahisseur...??? Non. La chose leur est totalement étrangère, et c'est ce qui demeure inquiétant.

Cette excellente étude très fouillée explore toutes les sources disponibles de nos jours, mais si on veut avoir accès à l'apparat critique, il est inutile de chercher dans le livre les documents liés aux renvois : le Editions Tallandier ont fait le choix de laisser toute la base documentaire sur internet... (avec une réserve : le site de l'éditeur étant "en construction", il faut, si on est intéressé par ces compléments, téléphoner chez Tallandier qui les enverra via un dossier en format .pdf). Tant pis pour les autres ; mais le prix de l'ouvrage s'en ressent aussi, alors...