L'autoroute du soleil : Intégrale
de Baru

critiqué par Blue Boy, le 16 avril 2012
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
Highway to hell
Dans une cité minière de Lorraine, on s’apprête à dynamiter le dernier haut-fourneau. C’est dans cette région ravagée par la crise de l’acier où il n’y a rien à faire ni à espérer que Karim occupe ses jeunes années, entre sa passion pour les fifties et son goût pour les belles bourgeoises… et leur argent… Alexandre Barbieri lui voue une admiration sans bornes, lui le binoclard au physique pas facile, ado puceau et pas fini, l’image quasi inversée de Karim… Tout suffoque l’ennui autour d’eux, jusqu’au jour où leurs destins vont croiser celui du Dr. Raoul Faurissier, petit notable du parti fasciste régional prospérant sur la crise et le chômage, puis celui de René Loiseau, fils héritier d’un entrepreneur fortuné de la région PACA, dont la fortune a su aiguiser les appétits d’une épouse vénale. Quatre destins pour un thriller qui démarre sur des chapeaux de roues dans une longue course-poursuite à tombeau ouvert vers le Sud de la France…

Que les amateurs de belles planches montrant des paysages grandioses avec moult détails soient prévenus, Baru, lui, se contente d’aller à l’essentiel, utilise le lavis noir et blanc, accorde beaucoup plus d’importance à l’intrigue et aux personnages. Du coup, le trait est nerveux, le cadrage serré et les mouvements rapides, parfois au détriment de la lisibilité, mais d’une manière générale ça fonctionne plutôt bien. La mise en page m’a rappelé vaguement le manga japonais, et cela ne m’a pas tellement surpris de voir que l’auteur avait publié au « pays du soleil irradiant ». Le récit glisse tout seul et les pages se tournent rapidement. Cependant, il m’a semblé que le scénario lorgnait parfois vers la facilité (incroyable comme les coïncidences jouent en faveur de Faurissier pour lui permettre de pister sa proie, c’est presque magique, mais on dira que c’est du cinéma…). D’autres fois, j’ai cru déceler un certain manque de rigueur (j’ai trouvé certaines cases incompréhensibles) même si l’histoire retombe toujours sur ses pattes.

Là où l’intérêt de cette bédé réside vraiment, c’est dans son aspect social, ancré dans la réalité d’un quotidien miné par le contexte de crise économique des « quarante foireuses », ce qui pour moi place Baru dans la même famille que Davodeau. Les dialogues sonnent vrais, de plus les deux personnages principaux sont atypiques et attachants. D’abord Karim, le beau gosse « reubeu de la 2ème génération », gigolo gominé comme Elvis car il rêve d’Amérique et de belles femmes, se révélant également loyal et fragile. Ensuite Alex, jeune paumé un peu balourd, dont l’évolution à l’intérieur du récit est intéressante. Maladroit et peu sûr de lui au début, il va progressivement prendre de l’assurance (l’élément déclencheur étant la perte de ses lunettes), et finira même par s’attirer les faveurs de la fille de Loiseau… Seul le personnage de Faurissier est assez caricatural dans sa folie et sa méchanceté, mais on se doute bien que Baru ne porte pas l’extrême-droite dans son cœur… Au final, c’est une belle histoire d’amitié, ainsi qu’une ode à la liberté et au dépassement de soi.