Le goût de la pluie : Nouvelles et prose de circonstance de Shi Zhecun

Le goût de la pluie : Nouvelles et prose de circonstance de Shi Zhecun
(雨的滋味)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Camarata, le 13 avril 2012 (Inscrite le 13 décembre 2009, 72 ans)
La note : 10 étoiles
Visites : 3 381 

la Chine des années 30

Quatorze nouvelles sur la Chine des années 30 .Dans un style classique, élégant, affectif plus que psychologique, très pictural. L’auteur décrit avec délicatesse des personnages originaux, typiques de la Chine de l’époque, des situations anodines ou déconcertantes. Dans la description de la vie quotidienne des chinois, les réalités sociales et culturelles surgissent, mais sans jamais prendre le premier plan.

Dans : « le poète » on a la vision saisissante de clarté d’un personnage haut en couleur :

« Un dimanche alors que je prenais un thé à Songyuan, je perçus soudain une animation à l’étage ; J’appris que le poète était revenu . Toujours vêtu de sa longue robe de camelin et coiffé de son chapeau de paille, il portait une paire de lunette sans verres, et une gourde d’eau chaude accrochée à la taille, tenait une ombrelle qui lui servait probablement de canne. »


Dans « chronique d’un automne à Minhang », on a une idée précise des transports en commun bondés, dont la destination est fonction de l’état de sobriété du chauffeur.
Cela permettra néanmoins au héros de faire connaissance d’une belle jeune femme, hélas trafiquante d’opium.

« Le car filait à une allure folle . Apparemment le chauffeur était sous l’emprise de l’alcool. La campagne déserte . Nous étions bringuebalés jusqu'à la nausée ; jamais encore je n’avais voyagé dans de telles conditions. Avec une ravissante passagère à bord, me dis-je, il y avait des chances que cela tourne mal, c’était imparable. »


Le car percute une falaise, les voyageurs commotionnés s’extirpent du car à grand peine .

« L’un après l’autre, les passagers entassés pêle-mêle sur leurs voisins sautèrent hors du bus. Chacun se frictionnait, les pieds écrasés dans la bousculade ou serrait entre ses mains sa tête prise d’étourdissements. Maintenant que le car était hors d’usage, il était inutile de vociférer, de demander des comptes ou de se lamenter. »


Une vision intimiste et nostalgique du couple affleure dans « lune décroissante de l’automne », où un époux accaparé par l’écriture d’un roman, veille sur sa femme malade :

« La lune décroissante d’automne laissa filtrer ses rayons dans la petite pièce tranquille.
Au bout d’une durée indéfinissable, le mari eut froid . Il se leva, alla fermer la fenêtre, tira les rideaux, alluma la lumière. Il s’approcha du lit. Elle était profondément endormie. Les joues empourprées, elle souriait comme illuminée par le clair de lune, ou comme rêvant qu’il la rehaussait sur le bloc de granit, qu’ils allaient au parc en voiture à cheval, ou qu’elle voyait la jolie tombe de Caicai.
En soupirant, il remonta la couverture sur elle. »


Une sensualité discrète et une pointe d’ironie se révèle dans la nouvelle « Les leonides « où une jeune femme marié à un homme devenu obèse et indifférent, ressent les émois de son age , grâce à la promiscuité des transports en commun,:

« Elle avait l’impression que c’était un candide et charmant jeune homme. Compressé et secoué comme tous les autres voyageurs dans l’habitacle, il avait appliqué sa cuisse à plusieurs reprises contre son genou. Pour ménager sa délicatesse, elle ne l’avait pas déplacé - d’ailleurs ou aurait-elle pu le mettre ? Elle n’avait d’autre choix que de prendre appui au montant de la fenêtre en s’efforçant de résister à la pression de ses voisins. Il lui sembla que ce garçon était exténué, car il fronçait les sourcils et ses joues avaient pris des couleurs. Elle aurait voulu lui dire de ne pas être scrupuleux à ce point, que même si sa jambe était un peu -et même entièrement –collée à la sienne, cela n’avait pas d’importance, qu’il était tout excusé. Mais comment aurait-elle pu lui expliquer pareille chose ? »


Ce roman met en scène un éventail de situations et de personnages variés du siècle dernier dans ce grand pays inconnu, qui nous semble à la fois familier et différent, grâce au talent de Shi Zhecun.
Une lecture délectable et dépaysante, d’un livre merveilleusement écrit, plein de sentiments mais dépourvue de niaiserie.

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