Hôpital silence
de Nicole Malinconi

critiqué par Kinbote, le 28 septembre 2002
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Souffrances sans parole
En 85, bien avant « Urgences » et à l'écart des romances d'un Guy des Cars, un livre raconte l’hôpital comme jamais. Ca sort chez Minuit, au même moment où Duras connaît la faveur du grand public avec l'obtention du Goncourt; Duras qui saluera ce livre très écrit bien qu'il paraisse alors dans la collection « Documents » des Editions de Minuit.
Le titre d'abord, ambigu, car il n'invite pas au silence comme un écriteau le ferait au seuil d’un établissement de soins, mais il dénonce l'absence de parole régnant dans les hôpitaux à cette époque et peut-être, et sans doute encore aujourd'hui. Malinconi perce littéralement le mur de ce silence, ancré dans la haine, qui est involontaire, dit-elle, régnant dans ces enceintes où le corps souffrant est contraint de se taire, de se passer de mots. Ce que l’auteure dénonce, c'est moins la propension très humaine à la méchanceté du personnel (pour ne pas dire du corps) médical et soignant que le pouvoir qui lui permet d’exercer sans répondant possible ses mauvais penchants.
Un livre souvent insoutenable quand il rapporte les souffrances inhérentes à l'avortement mais plus encore quand il dénonce dans les faits la violence froide infligée par les réactions, le comportement des aides-soignantes, des médecins; insoutenable quand il pointe le défaut d'instances chargées à ce moment-là de recueillir la parole de ces femmes condamnées, et toujours à leur corps défendant,à se séparer définitivement d'un être programmé pour vivre.
Un livre souvent insoutenable à lire, en 85 comme aujourd’hui.
Egalement disponible dans la collection Espace Nord des éditions Labor.
A lire 8 étoiles

"Hôpital Silence " ( suivi de l'Attente) de Nicole Malinconi (208p)
Ed. Espace Nord

Bonjour les fous de lectures...
Voici deux courts récit qui font partie des premiers écrits par cette auteure prolifique.
Nicole Malinconi est assistante sociale de formation. Elle a travaillé pendant 5 ans dans un hôpital de la région namuroise qui pratiquait l’avortement.
A l’époque, au début des années 80, l’avortement n’était pas légalisé en Belgique et même la publicité pour la contraception était interdite.
En tant qu’assistante sociale, elle était notamment chargée de rencontrer les femmes qui voulaient avorter.
Touchée par la souffrance de ces femmes mais aussi marquée par la dureté, voire la haine contenue dans les propos de certaines infirmières, elle a voulu mettre en mots les silences, les non-dits, le temps qu’on ne prend pas ou qu’on ne veut pas prendre pour accueillir, expliquer.
On y parle de la peur et de la solitude de ces femmes qui se sentent jugées, exposées aux regards de tous, même du personnel soignant qui ne peut pas, ou ne veut pas, prendre le temps.
Voila pour "Hôpital Silence"

Dans "l'attente" on découvre la vie de Louise Blanc, une femme partie vivre à la ville et revenue dans son village où elle habite avec son fils, sous la coupe et les coups d’un homme alcoolique et la mère de celui-ci. On suit, le temps d’une journée, sa vie coupée en deux : amoureuse, parleuse et rieuse quand elle était à la ville ; privée de mots, de regard, d’avenir, plus morte que vive depuis son retour. Toujours plus morte.
Un portrait de femme.
Une tranche de vie.
"L'attente" est le seul texte de fiction de l'auteure.
Remarquée par Marguerite Duras, Nicole Malinconi a reçu le Prix Rossel en 1993.

Faby de Caparica - - 62 ans - 29 novembre 2020


La souffrance jugée 10 étoiles

Impossible de rester de glace à la lecture de « Hôpital silence ». Il s’agit d’une succession de scènes dans une maternité, lieu normalement fait pour accueillir la vie, mais qui procède aussi, parfois, à des avortements. Loin du débat « pour ou contre » l’avortement, Nicole Malinconi porte un regard terriblement humain sur ces femmes qui en sont arrivées à prendre cette décision. Confrontées à des remarques cinglantes de la part du personnel infirmier, ces femmes repartiront amputées, amputées d’une partie de leur chair, amputées d’une partie de leur âme, la culpabilité au ventre, le vide à l’âme.

Certains passages sont proches de l’insoutenable. On continue la lecture parce qu’on sent que Nicole Malinconi, infirmière de profession, sait de quoi elle parle. On continue parce que son écriture, froide, décrit très posément les états d’esprit, les actes, les paroles, parce que son écriture ne s’appesantit pas, ne cherche pas à vous tirer des larmes. Et pourtant, des mers de larmes encombreront votre gorge, longtemps encore après cette lecture, les larmes de ces femmes mutilées, jugées, pour qui la souffrance a des relents de tabous. Comme si la douleur du renoncement, de la coupure n’était pas suffisante…

L’édition que je possède présente un second texte : « L’attente ». Guère plus joyeux... Louise est rentrée chez elle après y avoir abandonné son homme, sa belle-mère et son fils. A travers les commérages des villageoises, nous apprenons petit à petit pourquoi Louise était partie et pourquoi elle a choisi de revenir. C’est qu’il n’est pas commode, son homme... Il boit, il frappe... Et la belle-mère... Le fils, lui, passe ses journées sur son vélo. Et puis, un soir, on se rend compte que, tiens c’est bizarre, habituellement, il est déjà rentré à cette heure-là...

Même style, même dépouillement que dans « Hôpital silence » : des phrases courtes, pas de fioritures, beaucoup de non-dits, de sous-entendus : l’éloquence tient dans les creux ; les mots, parcimonieusement utilisés, révèlent ce qu’ils taisent. En découle une violence à l’état brut, infiniment plus intolérable que dans les films où les héros sont des armes à feu...

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 4 mai 2004