Propagandes silencieuses, Masses, télévision, cinéma
de Ignacio Ramonet

critiqué par Aleph, le 10 janvier 2001
(Bruxelles - - ans)


La note:  étoiles
Dans la ligne directe d'Aldous Huxley
Je vous propose de déplacer un instant votre esprit dans le monde d'Ignacio Ramonet.
Pour ceux d'entre vous qui ne le connaissent pas, il est le directeur de la rédaction et l'éditorialiste du mensuel :" le Monde Diplomatique " ; il est également très actif dans le bimensuel " Manière de voir ".
Je vous conseillerais tout d'abord de vous y référer afin d'apprendre à connaître le personnage et ses conceptions de notre monde, sa grande intelligence et son ouverture d'esprit. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages déjà dont " Géopolitique du chaos ", qui vient de paraître en Folio.
Propagandes silencieuses est un livre qui analyse la question de la manipulation des masses au travers des médias, de la radio, de la tv, d'internet et tout autre mode de communication. Il essaye de comprendre comment cela se passe et de nous faire réagir. Car étant manipulé, même inconsciemment, on perd notre liberté.
Je vous invite à le lire, car je ne voudrais pas vous en dire plus, sans risquer de trahir ses propos au travers d'un résumé par trop simpliste. Il est des livres qui remuent les esprits et qui nous font prendre conscience… En voilà un.
E oui, Bolcho !... A nouveau moi... 7 étoiles

Je vois que nous sommes bien collés l'un à l'autre avec nos nouvelles critiques. Et me revoilà pour te titiller...

Tu parles de mensonges et d'envahissements, je parle de Machiavel. Nous sommes très proches: tous les deux dans la politique...

Par où commencer...

- Oui, l'Amérique est très forte pour vendre ses images. Est-ce elle qui est si forte ou bien nous qui en demandons ? Et si c'est -elle qui est forte, plus productive ou plus dynamique comment reprocher cela à quelqu'un ?...

Que demandait le peuple au lendemain de la guerre ?... Du film d'avant garde ou de bons westerns pleins d'actions, de cavalcades, de mauvais indiens opposés à un grand civilisateur comme John Wayne accompagné lui-même de ces charriots cahotants soit disant également remplis de notre grande civilisation européenne.

Soyons clairs: ce qui a quitté notre continent à l'époque de la ruée vers l'Ouest c'était notre trop plein de pauvres, d'illettrés, de fuyards etc. Bref, pas nos élites, à quelques exceptions près !

Mais il fallait aussi du courage pour émigrer, partir vers la grande aventure. Aussi ce nouveau continent a reçu des gens courageux, prêts à tout car n'ayant rien à perdre.
Il en reste quelque chose dans le mental américain. La culture, le raffinement ne sont pas leurs soucis premiers.

Ils sont fonceurs, dynamiques et essentiellement tournés vers l'action plutôt que les grands discours.

Cela fait à la fois leurs qualités et leurs défauts, comme toujours.

- Nous ne devions pas rembourser les fonds du plan Marshall, c'est un fait. C'est aussi un fait qu'ils savaient que cet argent leur reviendrait bien vite puisque nous devions nous rééquiper. Et qui pouvait nous fournir ce qu'il fallait ?... Eux ! Pas les Russes, encore plus pauvres que nous, pas les Allemands ayant été détruits et le peu qui pouvait encore servir avait été démonté par l'occupant soviétique quand il était passé par là.

Il était donc évident que leur argent allait faire tourner leurs usines. Mais nous le recevions cet argent, nous n'allions quand même pas pleurer ou nous plaindre en plus !... Ou le leur reprocher !... de Gaulle et la France ont repoussés le plan Marshall avec dédain. Quel beau geste, quelle grandeur !...

C'était très beau ! Mais la France a mis plus de 15 ans pour arriver péniblement à notre niveau de vie et encore plus pour rattraper les industries allemandes reconstruites avec l'argent américain.

Je dis vive le plan Marshall, comme les Japonais n'ont pas plus refusé les aides à la reconstruction des Américains.

- Le côté manichéen de leur cinéma... C'est tout à fait exact, surtout quand nous parlons de série B.

Nous pouvons y mettre une bonne partie de la production des années 50 et 60 que nous attendions d'ailleurs avec la plus grande impatience: du film d'action, du romantisme à bon marché, ils nous en donnaient des paquets ! Mais nous en redemandions ! A nouveau, leur cinéma était efficace et le marketiong était bon, les vedettes aussi.

Mais je voudrais rappeler que "Ouragan sur le Caine", "Le septième homme" et bien d'autres films existaient aussi comme ceux de Hitchcok. Et aujourd'hui il en va de même !

Il y a peut-être dix navets à la con pour un bon film, mais quand il font du bon, c'est très bon ! Woody Allen, "Capote", "Babel", le film sur le sida, de nombreux films avec Dustin Hoffman, Merryl Streep et combien d'autres. J'oublie les noms et les titres mais le cinéma US nous donne aussi de très bons films et dans lesquels ils ne se gênent pas pour se critiquer. Je ne reviens pas sur le nom de ce film très récent, en noir et blanc, qui montre la lutte d'une petite partie la presse contre le McCarthisme. C'était un grand film !...

Bien sûr il y a de grands films européens aussi (ils commencent même à nous en acheter !...) comme nous pouvons être les rois du navets, comme eux !... Nous faisons bien plus de série B que de grands films.

Et, à nouveau, que demande le peuple ?... J'entends bien la majorité des gens avant de choisir un film: "Oui, mais... c'est gai ou c'est intello ?... Moi j'ai envie d'une bonne détente, pas de me casser ma tête..."

Plusieurs de mes copains ont refusé d'aller voir Babel "Il paraît que c'est pas drôle!..." Non c'était pas drôle, mais très bon !... Cela dit j'aime aussi beaucoup d'aller voir un délassant (et bon dans son genre) comme "Fauteuil d'orchestre" ou "Quand j'étais chanteur"

Je ne critiquerais pas si vite ce que fant les US quand nous ne sommes ni moins bons ni meilleurs.

Je dois partir et je répondrai à la suite plus tard.

Mais dès maintenant je voudrais insister sur le fait que je ne suis ni pour ni contre l'Amérique. Je trouve simplement que, pour le moment, nous les diabolisons trop tout simplement parce qu'ils ont une vraie catastrophe à leur tête. Mais aujourd'hui, cette catastrophe n'a plus que 28% pour elle !... Et dans les plus grands moment elle se limitait à 57% (je crois) ce qui voulait dire qu'il y avait, au moins !, 43% d'Américains aux idées plus ouvertes.

Jules - Bruxelles - 79 ans - 24 janvier 2007


Un antiaméricanisme...secondaire 8 étoiles

Comment les Etats-Unis ont-ils faits pour coloniser toute la planète ? Je caricature un peu, mais c’est malgré tout, d’une certaine manière, le sujet de ce livre.
Ils y sont parvenus notamment grâce à leur capacité d’inonder le monde entier de leurs images. Ramonet nous donne quelques faits dont celui-ci : « Les Etats-Unis, qui ne produisent que 5% des films réalisés dans le monde, perçoivent plus de 50% de toutes les recettes cinématographiques mondiales ».
Et tous ces films, dont la forme est de plus en plus proche de celle des spots publicitaires (2 plans à la seconde en moyenne, de manière à capter le regard) ont fait partout la publicité du mode de vie et des produits américains.
Ramonet ne le dit pas, mais il faut savoir que lors du Plan Marshall, une partie non négligeable des sommes apportées par les Etats-Unis n’était pas destinée à être remboursée. Oui, c’était un don. Généreux ? Bof. En échange, il fallait ouvrir les marchés européens aux produits américains et surtout – c’était explicitement précisé – aux productions d’Hollywood. Dans le genre investissement publicitaire à long terme, on n’a jamais fait mieux…
A propos de la publicité dans nos pays « démocratiques », ce mot de McLuhan : « la liberté démocratique consiste en grande partie à oublier la politique et à s’inquiéter plutôt des périls que nous font courir les pellicules, les poils disgracieux, les intestins paresseux, les seins affaissés, les déchaussements des dents et le sang ‘fatigué’ ». Joli, non ?
Ramonet détaille quelques grands genres cinématographiques porteurs des obsessions américaines.
Les « films-catastrophes », où les civils sont infantilisés et que l’on encourage à obéir pour leur bien. Il faut faire confiance à l’armée, à la police ou à des hommes providentiels, même s’il faut pour cela sacrifier partiellement la démocratie. Là aussi, cela correspond à répandre la vision américaine du monde, à servir son impérialisme culturel.
Les séries policières comme Kojak ou Columbo, qui font de la police un défenseur de la classe moyenne, que ce soit face aux immigrés à intégrer au mieux (Kojak) ou face aux riches suffisants dont le malin Columbo démontrera qu’ils ne sont pas au-dessus des lois (alors pourtant qu’ils le sont…).
Ramonet parle ensuite du traitement cinématographique de la guerre du Vietnam (largement critique –durant le conflit– grâce à des films comme Soldat Bleu, Little Big Man, Johnny s’en va-t-en guerre, Abattoir 5, Catch 22, Mash…Apr ès le conflit par contre, d’autres films ont eu des messages beaucoup plus ambigus : Deer Hunter, Apocalypse Now…
Suivent des commentaires, toujours très pertinents sur d’autres genres : les films de comédie sur la seconde guerre mondiale, les westerns italiens, le cinéma militant.
Ramonet termine bien sûr en évoquant le mensonge d’Etat qui a permis la guerre en Irak. Et il rappelle les précédents mensonges d’Etat qui ont permis aux Etats-Unis d’entrer en guerre contre l’Espagne (1898, la destruction du cuirassé Maine dont il sera prouvé ensuite qu’elle était accidentelle), contre le Vietnam (deux destroyers attaqués à la torpille dans le golfe du Tonkin en 1964 ; les équipages ont admis ensuite que c’était pure invention), et ce discours ahurissant du Secrétaire d’Etat Georges Schultz en 1984 pour justifier l’aide massive à la guerilla antisandiniste (« Le Nicaragua est un cancer qui s’insinue dans notre territoire, il applique les doctrines de « Mein Kampf » et menace de prendre le contrôle de tout l’hémisphère »). Faut-il rappeler les mensonges permettant la guerre du Golfe de 1991 (l’Irak, « quatrième armée du monde », le « pillage des couveuses » de Koweit City, la « ligne de défense inexpugnable », les « frappes chirurgicales »…) ? Oui, l’auteur les rappelle.
Et il rappelle aussi ceci.
En février 2002, le New York Times dévoilait le plus fameux projet de manipulation des esprits : le Pentagone avait créé un mystérieux Bureau de l’influence stratégique OSI (Office of Strategic Influence) avec pour mission de diffuser de fausses informations servant la cause des Etats-Unis, et l’autorisation de pratiquer la désinformation. L’OSI a été officiellement dissous. Mais les manipulations continuent. En particulier la spectaculaire libération de la soldate Jessica Lynch, prétendument détenue dans un hôpital et maltraitée par ses gardes irakiens. Des commandos américains l’auraient délivrée malgré la résistance irakienne. En fait, Jessica Lynch était bien soignée, les médecins de l’hôpital avaient averti l’armée américaine de la présence de la soldate et l’armée irakienne s’était retirée depuis deux jours. L’arrivée des commandos superéquipés a surpris le personnel de l’hôpital qui a pu assister au tournage d’un film d’action : « C’était comme dans un film de Hollywood. Il n’y avait aucun soldat irakien mais les forces spéciales américaines faisaient usage de leurs armes. Ils tiraient à blanc et on entendait des explosions. Ils criaient : « Go !Go ! Go ! ». L’attaque contre l’hôpital était une sorte de show, ou un film d’action avec Sylvester Stallone ». (Dr Anmar Ouday interrogé par la BBC)
Ivres de pouvoir, M. Bush et son entourage ont trompé les citoyens américains et l’opinion publique mondiale.
J’ajouterais tout de même qu’il fallait avoir très envie de les croire pour tomber dans le panneau. En Europe, ces mensonges ont été repris sans vergogne par Bernard Kouchner, Pascal Bruckner, André Glucksman, Alain Finkielkraut, etc.

Bolcho - Bruxelles - 75 ans - 23 janvier 2007