Le casino de Barbazan de Pierre Benoit

Le casino de Barbazan de Pierre Benoit

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Shelton, le 24 mars 2012 (Chalon-sur-Saône, Inscrit le 15 février 2005, 67 ans)
La note : 8 étoiles
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Un très bon roman...

Sans entrer dans tous les détails de la vie de Pierre Benoît – il existe pour cela la très bonne biographie de Gérard de Cortanze, Pierre benoît le romancier paradoxal – il est bon, avant de lire Le casino de Barbazan, de préciser que nous avons-là un de ses romans écrits après la Libération, c’est à dire après son passage en prison. Qu’il ait été enfermé à tort, que ce fut une erreur de le considérer comme collaborateur, que toute sa vie durant l’occupation fut exemplaire, rien de tout cela n’empêchera Pierre Benoît de porter sur lui une peine et une blessure inguérissable, ineffaçable, indélébile… Son biographe écrit : « Brisé par la guerre, Pierre Benoît sait qu’il ne se relèvera pas de ces attaques permanentes et injustes. »

Dans le même temps, il apprend que sa femme bien aimée, celle qui a réussi à l’apprivoiser, à le dompter, à l’aimer totalement, est atteinte d’un cancer. C’est irrémédiable, et pour le moment il est seul à porter cette information comme un fardeau terrible et minant.

Ces deux faits éclairent considérablement certains aspects de ce roman que j’ai bien apprécié et dont je n’avais pas conservé trace dans ma mémoire au point de me dire que je ne l’avais probablement pas lu… Au moins, c’est maintenant chose faite !

Revenons à Pierre Benoît. On dit souvent que cet auteur avait besoin de connaître les lieux, d’arpenter les chemins et les rues avant de parler d’un village et de ses habitants… C’est confirmé par ce roman. En effet, il est venu à Barbazan, presque tous les ans et lors d’un de ses séjours, en 1948, il est quasiment resté enfermé dans sa chambre pour écrire son roman. Il était, cela ne surprendra pas le lecteur, un ami personnel du directeur de l’établissement qui était réputé par sa salle de spectacle, que nous allons retrouver dans le roman.

Pour une fois, nous ne partirons donc pas au Proche Orient ni en Afrique, mais nous allons prendre la route de Barbazan, comme Pierre Benoît. Barbazan ? Oui, comme moi, certain vont se demander dans quelle direction partir… Barbazan, est une petite ville thermale de Haute-Garonne, aux portes des Pyrénées. Climat doux, des sentiers de promenades et de randonnées par centaines, un lieu de villégiature pour les bourgeois qui ne supportent pas l’été en plaine…

Nous arrivons en vacances avec plusieurs familles. Le narrateur de notre roman, Maurice est là avec sa femme, Etiennette, et ses enfants. Ils sont invités, en ce début d’été, par Serge et Mathilde, un couple qui a ses habitudes à Barbazan. Sur place, ils retrouvent Antoine, le directeur du casino, du fameux casino de Barbazan, et Juliette son épouse.

Certains sont déjà en train de se dire que je me suis trompé dans les prénoms des femmes puisque dans tous les romans de Pierre Benoît, il existe une héroïne dont le prénom doit commencer par un A. Il y a comme un fétichisme chez ce romancier, ou plus exactement comme un petit jeu avec le lecteur. Oui, il y aura bien une femme de cette nature ? Pourtant, son apparition dans le roman ne déclenchera pas un silence admiratif, ne provoquera pas de frissons chez les uns ou les autres, car elle semble petite, boiteuse, et elle n’est qu’une musicienne de casino, une pianiste ordinaire… Oui, ils ne sont pas nombreux à se retourner vers Argine quand elle s’installe devant son instrument…

Par contre les liens sont si forts entre nos amis, que l’on se demande durant une bonne partie du roman si Maurice ne va pas partir avec Mathilde ou si Antoine ne va pas jeter son dévolu sur Etiennette… Mais si Pierre Benoît sait être torride, du moins comme on savait l’être à cette époque, il est aussi plus sage qu’avant. Son épouse Marcelle lui a appris une forme de fidélité, d’amour passion et raison… Le narrateur, Maurice, est une forme de Pierre Benoît. Il va, durant cet été et les mois qui suivent, tenter d’apprendre la vie, comprendre ce qu’est l’amour, reprendre des forces dans sa vie et partir pour un grand bonheur, un véritable bonheur…

Et Argine ? Ne tente-t-elle pas de s’amouracher de l’un de ces hommes mariés ? Non, ce roman n’est pas le récit d’un amour illégitime comme on pourrait le croire au départ. Pourtant, c’est vrai que l’un des ménages va exploser en plein vol, qu’un homme va finir par partir avec Argine… mais tout est beaucoup plus complexe. D’ailleurs, je ne vais certainement pas vous dire ce qui va se passer. Ce n’est pas mon rôle ! C’est à vous de lire cette très belle histoire, une aventure humaine à plusieurs facettes qui montre que l’amour avec un A peut exister, que ce sentiment a la vie très dure, qu’on ne peut pas s’en débarrasser sur un coup de tête, que parfois les êtres humains se compliquent bien la vie…

Un bon roman, bien construit, qui surprendra plusieurs lecteurs habitués de Pierre Benoît car il n’est pas hérétique, du moins à mon avis, de penser que l’auteur, dans les années trente, aurait terminé son roman de façon plus dramatique. J’avais envisagé quelques autres issues possibles… Mais, en même temps, j’avoue ne pas avoir vu le temps passer dans cette lecture et ne pas regretter les autres fins possibles. Je crois qu’un bon roman est celui que nous aurions pu écrire autrement, celui qui fait travailler notre imagination à fond, sans limites…

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