Falk
de Joseph Conrad

critiqué par Tistou, le 13 mars 2012
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Même les « durs » des colonies tombaient fou-amoureux …
Histoire maritime là encore, qui trouve sa place en Mer de Chine. Falk est un capitaine norvégien qui s’avère incontournable pour tout navire venant embarquer ou débarquer des cargaisons puisqu’il a le monopole du remorqueur-pilote, le seul à même de permettre aux navires de mer de passer sans encombre les passages dangereux du fleuve amenant aux quais. Homme taciturne et brutal, il n’est aimé de personne.
Le narrateur est un jeune capitaine sans grande expérience, qui vient d’être nommé sur un bateau dans le même port, qui va côtoyer Falk et être amené à gérer un épisode de sa vie. L’autre personnage central de cette affaire est la nièce orpheline de la famille Hermann :

« Chez elle, c’était la forme et la taille. C’était de par sa personnalité physique qu’émanait ce charme imposant. Elle eût pu aussi bien être spirituelle, intelligente et bonne à un degré exceptionnel. Je n’en sais rien et ce n’est pas là la question. Tout ce que je sais, c’est qu’elle était bâtie selon des proportions magnifiques. Bâtie est le vrai mot. Elle était construite, elle était érigée, pour ainsi dire, avec une royale prodigalité. On était ahuri de constater une dépense aussi insensée de matière pour un simple brin de fille. Elle était jeune et en même temps parfaitement mûre, comme s’il se fût agi d’une heureuse immortelle. Elle était lourde aussi peut-être, mais cela n’avait pas d’importance. Cela ne faisait qu’ajouter à cette sensation de permanence qu’elle vous donnait. Elle avait tout juste dix-neuf ans. Mais quelles épaules ! Quels bras ronds ! Et ce déploiement de membres puissants, lorsqu’en trois enjambées à travers le pont elle fondait sur le petit Nicolas étalé – c’est tout à fait impossible à décrire. »

La famille Hermann en question est une famille allemande atypique, travaillant avec son bateau : le père, la mère, deux enfants et donc la nièce fabuleuse décrite plus haut, recueillie par la famille pour s’occuper des jeunes enfants. Mais elle a grandi et maintenant que la famille Hermann envisage vendre bateau et affaire pour s’en revenir à Brême, en Allemagne du Nord, Hermann père la voit plutôt comme une cabine supplémentaire à payer sur le bateau de retour ! Un peu l’Arlésienne, cette nièce. Toujours dythirambiquement présentée par Joseph Conrad, qui jamais ne la fera parler.
Deux hommes sont attirés par elle. Le narrateur, vaguement amoureux, et Falk, totalement déterminé. Falk met à profit son monopole de remorqueur sur le fleuve pour mettre hors jeu le narrateur. Et même lui demander d’intercéder pour lui auprès de Hermann père qui n’apprécie pas Falk. Les choses vont leur train jusqu’à ce que Falk avoue à Hermann le secret qu’il cache au fond de lui : le pire péché que puisse commettre un homme.
Le reste sera la péripétie de ce drame sociétal dans le monde particulier du Sud Est Asiatique fin XIXème siècle.
Très « Conradien » dans son approche (histoire racontée dans un cercle de marins, un peu comme « Au cœur des ténèbres ») et son traitement. Un excellent moyen d’avoir la vision de ces Occidentaux dans ce monde colonial fin XIXème.