Le soleil est aveugle
de Curzio Malaparte

critiqué par Pendragon, le 23 septembre 2002
(Liernu - 53 ans)


La note:  étoiles
... et nous fermons les yeux !
« Le soleil est aveugle » est un roman court, un ensemble de notes, de phrases, de pensées et de sensations jetées sur le papier. C'est un cri. Un cri de révolte de la part de Curzio Malaparte qui s’indigne que la guerre de 40-45 puisse mettre face à face ses frères alpins sous le prétexte que les uns sont des alpins français et les autres des alpins italiens.
Il nous raconte la guerre, sa guerre, au travers de quelques jours de la vie d’un capitaine dans la tourmente du froid et de la neige, mais aussi au travers de sa tourmente intérieure qui le pousse vers cet étrange fantassin qui porte une cloche autour du cou en souvenir de ses vaches conduites à l'abattoir…
Nous suivons ainsi ce capitaine aller de place en place, croiser tel ou tel soldat, tel ou tel colonel, sans ordre, sans but, sans raison… et tout est folie dans ce récit. le ton est à la fois jovial dans ce parler chantant qu'est l'argot italien et à la fois sombre, pathétique, triste, horrible, froid et glacial, noir de douleur et d'absurdité.
Et toujours les absurdités de la guerre, sa boucherie et ses bombes qui détruisent les vies, creusant des fosses communes pour les deux camps.
Ce conte cynique était, au départ, destiné à se révolter contre le gouvernement en place, il en ressort une oeuvre témoignage d'une souffrance d’hommes comme l'est « A l'ouest rien de nouveau » de Remarque.
Le style de Malaparte est lyrique et envolé, avec une syntaxe parfois étrange, je le rapprocherai de celui de Queneau. qui n’est pas mon style préféré… d'où la cote…
Plaidoyer contre une guerre 6 étoiles

Juin 1940 : la France est écrasée par les armées allemandes. Mussolini pour tirer partie de cette débâcle, déclare la guerre à notre pays à l’agonie.
Ce court roman se déroule pendant l’attaque du massif du Mont-Blanc par les chasseurs alpins de l’armée italienne. Dans un cadre naturel majestueux, de durs combats vont entrainer des morts inutiles et la folie d’un capitaine…
Malaparte est un écrivain hors norme. Francophile (il s’est engagé à 16 ans dans l’armée française en 1914), et opposant à Mussolini, cette forte personnalité a payé son audace antifasciste de 5 ans de déportation au début des années 30.
Correspondant de guerre, il a écrit ce récit en 1940 pour marquer son opposition à l’infâme attaque de la France, mais sous une forme permettant d’espérer échapper à la censure.
Ce livre est donc plein d’allusions au second degré. Le démarrage est lent et poussif avant d’atteindre son apogée lors d’une superbe description des combats. Le style est classique lyrique et poétique. On est parfois proche de Malraux ou de Hemingway avec des touches de surréalisme.
Bref, sur le thème universel de l’absurdité de la guerre et dans un contexte très spécifique, ce roman est très en dessous de ses suivants Kaputt et La Peau. Délivré des contraintes de la censure, cet immense écrivain va alors illustrer l’horreur de la guerre avec une verve baroque inégalée.
A lire si vous connaissez déjà Malaparte, en prenant le risque d'être déçu

Poignant - Poitiers - 57 ans - 8 août 2010