Contes butô
de Ook Chung

critiqué par Montréalaise, le 2 mars 2012
( - 31 ans)


La note:  étoiles
La solitude humaine dans toutes ses images
Ook Chung, né au Japon de parents coréens, immigré au Québec à l'âge de 3 ans, nous livre dans les « Contes Butô » sept nouvelles centrées sur un thème commun : la solitude de l'être humain.

Que veut dire le terme « butô »? C'est un courant chorégraphique japonais des années 60, rompant avec les formes de dans traditionnelles et où les danseurs, poudrés de blanc, explorent avec une économie de mouvement des thèmes comme l'érotisme, la violence et la mort.

On peut dire que ces nouvelles (ou conte dans le cas du coréen « L'enfantement », où l'héroine est née toute en blanc) sont à l'image du « butô », c'est-à-dire, écrites dans une écriture simple et économique, tout en parvenant à nous plonger dans des thèmes aussi puissants que les trois cités ci-dessus. On peut voir dans le style d'Ook Chung une similarité avec les écrivains japonais de l'après-guerre tels Kawabata ou Mishima.

Chacun des personnages de ces nouvelles est irrémédiablement unique, irrémédiablement seul.

Que ce soit cette frêle jeune femme qui s'amourache d'un énorme lutteur de sumo, ou cette autre dont les cheveux sont, dès sa naissance, d'une couleur différente de ceux de tous les autres villageois, ou cette autre encore qui est prisonnière des nombres et des mots que le syndrome Gilles de la Tourette libère dans son esprit comme autant de chiens fous, chacun est un « monstre de solitude ». Solitude qui est parfaitement symbolisée par une image qui couronne toutes ces nouvelles, celle des « stragglers », ces soldats japonais qu'on a retrouvés dans des îles du Pacifique et qui ne savaient toujours pas que la Seconde Guerre Mondiale était terminée vingt-cinq ans après l'armistice.

Ces personnages sont donc condamnés à occuper tant bien que mal le centre du monde qu'ils ont construit autour d'eux, mais n'est-ce pas là le sort de chacun d'entre nous?

Les multiples forces de ces « Contes Butô » ont mérité à son auteur le tout premier Prix littéraire des collégiens en 2004. Une oeuvre irrémédiablement très réussie, une oeuvre captivante d'émotions, d'angoisses, de réflexions et de souffrances.