Un pilier de la contre-Révolution

Edmund Burke était un politicien britannique très célèbre en son temps. Parlementaire whig il avait des positions radicales, par exemple s'opposant aux persécutions des catholiques ou encore apportant son soutien à la Révolution américaine. En 1790 une correspondance le lia avec un noble français, Francois-Louis-Thibauld de Menonvillle, député du Tiers-Etat et qui lui demanda son avis sur les récents évènements en France. Le produit de cette correspondance sera un ouvrage tout aussi radical, devenu depuis un piler de la contre-Révolution : "Réflexions sur la Révolution de France".

Certes, Edmund Burke s'y montre énervant à plus d'un titre. Naïf, s'il ne défend pas l'absolutisme il semble néanmoins en sous-estimer l'impact. Ses louanges de Louis XVI et de Marie-Antoinette, présentés comme d'innocents martyrs sont affligeantes et agaçantes. Sa haine rampante des athées, qu'il accuse d'être derrière les évènements est tout aussi gonflante et, surtout, contrairement à d'autres penseurs britanniques (Thomas Paine, Mary Wollstonecraft...) il semble aussi grandement sous-estimer les véritables enjeux d'une telle Révolution, l'éclosion d'un nouvel idéal qu'incarneront les Droits de l'Homme.

Pourtant, on aurait bien tort de le balayer comme étant ignorant ou ne comprenant pas ce qui se passe. En effet, il sait aussi être d'une pertinence et d'une sagacité qui coupent le souffle.

Fustigeant contre les nouveaux dirigeants du pays, qu'il accuse d'être une oligarchie d'incompétents et d'usurpateurs, il n'est pas surpris de les voir prendre des mesures (persécutions, confiscations, violence) qui font une moquerie des principes qu'ils disent défendre. Politicien lui-même, il ridiculise les idées de Rousseau en particulier, des philosophes en général pour montrer leur impraticabilité.

Le renversement de l'ordre social tel qu'il fut et qu'il défend, un échafaudage monarchie-noblesse-Eglise régnant sur un peuple qui sait se soumettre et rester à sa place était pour lui bien plus qu'inutile -de simple réformes, à l'exemple du Magna Carta (1215) ou de la Déclaration des Droits (1688) auraient été suffisantes, nous dit-il, pour en corriger les excès. Le nouveau régime instauré, où le roi n'est plus qu'un pantin, la noblesse persécutée et l'Eglise désacralisée ne peut surtout que mener vers l'instabilité, le désordre, la violence. Prédisant les bains de sang et les tyrannies qui vont suivre, dans un passage devenu célèbre et où il décrit les rapports de l'armée avec un tel gouvernement il entrevoit même la possibilité d'un "général populaire" profitant du chaos pour s'accaparer le pouvoir ! Sachant que ce livre fut publié en 1790 et que Burke est mort en 1797, soit bien avant le coup d'Etat de Brumaire il y a de quoi être impressionné.

Sans être d'accord avec ses analyses, par exemple regardant l'éternel débat du pourquoi de ses dérives, il s'agit en tous cas d'une incontournable critique de la Révolution française.

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  Réflexions sur la Révolution de France : Suivi d'un choix de textes de Burke sur la Révolution

  de Burke, Edmund Raynaud, Philippe (Préfacier)
  Hachette
  ISBN : 9782012792319 ; 49,98 € ; 10/11/2004 ; 816 p. ; Poche

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