les ombres du Styx, Tome 1 : Le maître de l'éternité
de Isabelle Dethan

critiqué par Shelton, le 24 février 2012
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
C'est parti pour une nouvelle aventure...
Isabelle Dethan est une auteure totale de la bande dessinée – scénario, dessin et couleurs – qui nous a habitués à des histoires s’incarnant en Egypte, ayant une connotation policière, mettant en scène sinon une héroïne au moins une ou deux femmes importantes, et, ayant comme cadre une période donnée de l’histoire. Ce ne sont pas, contrairement à ce que l’on pourrait croire au premier abord, des histoires stéréotypées, car, pour chacune d’elles, elle réalise ses recherches, travaille son scénario et offre au lecteur un tout bien construit, cohérent et nouveau ! C’est bien le cas avec cette nouvelle série, Les ombres du Styx, qui vient après Le tombeau d’Alexandre dont j’ai déjà dit tout le bien que je pensais…

Avec cette nouveauté, Isabelle Dethan nous emmène dans une période que nous ne connaissons que fort peu, le règne de Septime Sévère ! Je vous imagine déjà dans votre encyclopédie ou tapant dans votre moteur de recherche… Qui c’était celui-là ? Nous sommes donc plus de deux siècles après Jésus-Christ. Cet empereur romain, d’origine africaine, a vécu de 145 à 211. C’est dans la ville où il est né, Leptis Magna, que va se situer notre histoire. Nous sommes donc dans la Tripolitaine, la Libye d’aujourd’hui, une région relativement riche à cette époque, et c’est là que nous allons rencontrer un tueur en série !

La bourgeoise locale, les nobles de cette ville, les bonnes familles – tous ces termes n’étant probablement pas tout à fait adaptés à l’époque – ont peur. Oui, on retrouve certains garçons de cette élite provinciale, assassinés après avoir été enlevés. Le tout est fait avec une mise en scène macabre, le corps étant momifié avant d’être offert aux regards des passants. Voici le troisième jeune garçon assassiné ! Un visage est peint sur les bandelettes de la momie. On peut aussi lire le nom de l’enfant. Cela facilite le travail de la police scientifique qui est très restreinte à cette époque lointaine.

Il y a un enquêteur de haut niveau, envoyé spécialement par l’empereur pour faire cesser cette série, trouver le coupable et redonner à la grande cité son calme légendaire… Voici Marcus Seïus Dento dans toute sa splendeur et avec son autorité, son savoir-faire, du moins on l’espère dans la ville…

Comme les victimes se retrouvent en momies, cela fait penser à la foule, aux enquêteurs aussi, qu’il pourrait bien y avoir une influence des Egyptiens, ou des Romains convertis à cette religion. Du coup, cette histoire criminelle au départ, prend des connotations sociales, religieuses, politiques. On pourrait même imaginer des émeutes qui prennent naissance et qui aboutissent au massacre de tous ces « étrangers » coupables de tout, à commencer d’être différents ! On se demande où Isabelle Dethan va chercher de telles histoires…

Ce premier album d’une série qui devrait en comporter trois, est agréable à lire. Il pose les jalons de l’histoire, le scénario est solide, les personnages crédibles, le lecteur appâté n’a plus qu’à attendre la suite. La narration graphique est correcte même si on peut ressentir parfois quelques lenteurs, probablement dues au fait qu’il faille du temps pour poser toutes les situations, ouvrir toutes les possibilités dont l’auteur a besoin pour égarer le lecteur perspicace qui voudrait tout comprendre avant Marcus Seïus Dento !

Par contre, c’est un véritable plaisir de retrouver cette patte graphique d’Isabelle Dethan. Certaines vignettes sont déjà de toute beauté alors que les personnages ne sont pas encore maitrisés avec perfection. Cette sensibilité portée par l’aquarelle rend presque unique les albums d’Isabelle Dethan et cela devrait ravir les fans…

Mais, me direz-vous, où est la femme ? Des jeunes garçons assassinés et momifiés, un enquêteur masculin envoyé de l’empereur… et la femme ? Je vous rassure, il y a bien une certaine Alba Gemina qui, justement, semble tenir un commerce d’herbes dont certaines pourraient bien être utilisées lors des embaumements de corps à l’égyptienne…

Un bon démarrage de série, une histoire à suivre…