De Pythagore aux apôtres
de Jérome Carcopino

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 18 février 2012
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
La conversion du monde romain
C’est un livre intéressant mais difficile à lire. Jérôme Carcopino est un historien pour qui l’histoire est une véritable recherche scientifique. Pour ce livre sur la conversion du monde romain, il a étudié tous les textes en grec, en latin et dans cette curieuse langue de l’empire romain, qui écrit le latin avec des caractères grecs et vice-versa. Il reproduit ces textes dans son livre, souvent sans traduction, comme si tout lecteur devait être capable de les déchiffrer.
Mais ceci dit, ses recherches sont intéressantes. Il étudie la manière dont les premiers chrétiens ont exprimé leur foi dans la Rome impériale où la nouvelle religion était affreusement persécutée.

Les premiers chrétiens utilisaient les personnages de la mythologie grecque pour représenter les personnages de leur nouvelle religion. Par exemple Sappho, cette amie des Muses, possédait, grâce à sa science et à sa musique divines, les vérités qui seraient un jour révélées au genre humain. De plus, par un saut dans la mer du haut d’un rocher sacré de l’île de Leucade, elle avait dépouillé le genre humain de ses souillures et s’était présentée le troisième jour devant le Dieu suprême Apollon.
Ce thème est repris par les premiers chrétiens sur les peintures de leurs édifices. Mais les artistes ont procédé à de subtiles modifications et ajouté des signes que les fidèles savaient interpréter : par exemple le mât d’un bateau est surmonté d’une croix et il y a une décoration en forme de poisson, l’avatar pourrait-on dire, des premiers chrétiens.

Mais que vient faire Pythagore dans cette histoire ?
C’est que la religion de Pythagore disait que l’harmonie des nombres avait créé le monde et s’exprimait par la musique. Or Sappho était la divine musicienne de la tradition grecque. Homère l’avait célébrée dans ses récits et le monde gréco-romain connaissait ces récits par cœur. Beaucoup de nouveaux chrétiens avaient été adeptes du pythagorisme et reprenaient les symboles de leur ancienne religion dans leurs peintures.

Par ailleurs, on sait que dans les premiers temps de la chrétienté les hérésies étaient nombreuses. Elles s’exprimaient dans les peintures avec des nuances que l’auteur s’applique à déchiffrer en examinant le moindre détail à la loupe. C’est une véritable étude scientifique et on apprend beaucoup de choses sur les religions anciennes et sur les hérésies des premiers temps du christianisme.
Au passage l’auteur nous dit que ces peintures rayonnent d’une telle ferveur et d’une telle transcendance que, même si les artistes étaient hérétiques, le bon Dieu leur a certainement ouvertes toutes grandes les portes de son paradis.

Dans la seconde partie du livre, l’auteur nous fait part des ses recherches pour savoir où et quand saint Pierre et saint Paul ont été martyrisés, où et par qui ils ont été enterrés. C’est une étude très intéressante et même émouvante par moment ; mais il faudrait être sur place, à Rome, pour goûter pleinement tous les détails de cette prodigieuse étude.

Voilà donc un livre très intéressant mais difficile et, disons-le, par moment trop ardu. On voudrait examiner en vrai, et au fur et à mesure, les peintures dont il est question. Les reproductions du livre ne sont pas très bonnes – excepté une reproduction d’un portrait de saint Pierre d’une beauté surnaturelle. L’auteur cite beaucoup de lieux, de rues et de bâtiments romains qu’on voudrait explorer en cours de lecture. Il faudrait surtout connaître en profondeur tous les auteurs grecs, latins et chrétiens, dont l’auteur fait mention dans son livre, pour goûter vraiment tout l’intérêt de cette étude. On l’aura compris, ce livre dépasse par moment l’entendement du lecteur moyen. Il n’empêche que pour ceux qui s’intéressent à l’Histoire des religions et des hérésies, ce livre apporte beaucoup d’éléments d’un très rare intérêt.