L'énigme Mac Arthur
de John Gunther

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 15 février 2012
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Mac Arthur et le Rubicon
Quand ce livre est sorti, en décembre 1950, il a été reçu en Amérique comme un livre d’une brûlante actualité. Mac Arthur, qui était à la tête de l’administration américaine du Japon, venait d’être appelé en Corée où les Russes, relayés par les Chinois, avaient engagé une guerre de conquête sur la Corée du Sud, avec la perspective de conquérir l’Asie entière.
Aujourd’hui, 62 ans après les événements, ce livre est considéré comme un livre d’Histoire d’un intérêt exceptionnel.

Il est écrit par un historien américain qui avait vécu au Japon avant, pendant et après la guerre du Pacifique. Accessoirement cet auteur était journaliste et correspondant de guerre pour les journaux américains et anglais. C’est peu dire qu’il savait de quoi il parlait.

Dans un premier temps, l’auteur nous brosse un portrait de Mac Arthur et nous fait un historique de son œuvre au Japon. Mac Arthur, ce grand général idole de tout un peuple, était mieux connu en Asie que dans son propre pays. Son portrait m’a paru juste et sans complaisance. Il est assorti d’une flopée d’anecdotes, toutes incroyables, et pourtant authentiques. L’auteur ne pouvait pas les inventer. Il savait que son récit serait lu, en tout premier lieu, dans l’entourage de Mac Arthur et, d’ailleurs, la situation était suffisamment extravagante, pour qu’il ne faille rien inventer. En effet, l’enjeu de la présence américaine au Japon, de août 1945 à juin 1950, était de sortir le Japon de trois mille ans de Moyen-Âge et d’en faire un bastion de la démocratie en Orient.
Comme le disait Mac Arthur lui-même, sans modestie mais avec justesse : « en cinq ans, nous avons accompli la plus grande révolution spirituelle que le monde n’ait jamais connue » et l’auteur d’ajouter : « Avoir instauré la démocratie au Japon est la plus grande victoire du monde libre en Asie et la plus belle réussite de la carrière militaire de Mac Arthur ».

Dans un chapitre suivant, l’auteur nous résume l’histoire de tous les pays d’Asie et leur situation au moment de son récit. Tous ces pays étaient à un tournant de leur histoire. À part l’Indochine qui était encore colonie française et la Malaisie colonie anglaise, tous ces pays venaient d’être indépendants et devaient faire face à un destin nouveau, où se profilait le spectre d’une invasion par les armées chinoises.

Ensuite, l’auteur nous embarque en Corée. C’est là que s’est joué le sort du monde. Le 25 juin 1950 les Chinois ont remplacé les Russes sur le front coréen. Ils ont franchi le trente huitième parallèle et enfoncent l’armée des Nations Unies sous commandement américain. La menace d’une troisième guerre mondiale se profile à l’horizon telle une nouvelle épée de Damoclès suspendue sur le genre humain. Les communistes se sont déjà partagé le butin : l’Asie pour les Chinois de Mao, l’Europe pour les Soviets de Staline. Mac Arthur, qui avait déjà sauvé l’Asie de la tyrannie japonaise, allait, au prix d’un débarquement d’une audace inouïe, une nouvelle fois, sauver le monde libre. À ce moment là, il avait la possibilité de détruire toute l’armée chinoise, de réunifier la Corée et de forcer Mao à conclure un pacte de paix avec le monde.

Mais on connaît les jalousies féroces dont Mac Arthur était victime dans les états-majors américains. On l’appelait le César du Pacifique. Le Président Truman, sans doute mal conseillé, a rappelé son grand général et le César du Pacifique n’a pas franchi le Rubicon. Cet homme d’honneur s’est soumis aux ordres de son président. L’armée chinoise était pratiquement intacte et prête à reprendre les hostilités, quelques années plus tard, au Vietnam.

Voilà un livre passionnant, écrit à la manière d’un reportage et qui nous fait revivre un des grands moments de l’histoire du XXème siècle. En même temps l’auteur achève, pour nous, la biographie du général Mac Arthur, un des plus grands héros que le monde n’ait jamais connu.