Le Vainqueur du Pacifique - L'épopée Mac Arthur 1941-1951
de John Chamberlain, Charles Willoughby

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 6 février 2012
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
"Je reviendrai"
Le général Mac Arthur, en abandonnant piteusement les Philippines, sur ordre de Roosevelt le 11 mars 1942, avait dit : « je reviendrai ». Le 20 octobre 1944, il est revenu après avoir vaincu les Japonais sur air, sur terre et sur mer et au prix de 87 débarquements d’île en île, tous réussis. Pour beaucoup d’observateurs, cette victoire dans le Pacifique est un des plus grands exploits militaires de tous les temps et, pour les Américains, Mac Arthur est un héros sauveur du monde, au même titre que Churchill pour les Européens.

On croit tout savoir sur la guerre du Pacifique après avoir vu les films et les excellents documentaires passés à la télévision, et pourtant, avec ce livre, on va de découvertes en découvertes. Il est écrit par un membre de l’entourage immédiat de Mac Arthur, le général Willoughby, qui était son ami et qui l’a secondé pendant toute la campagne du Pacifique.
Mac Arthur nous est présenté sous son meilleur jour, évidemment, mais l’auteur ne s’attarde pas beaucoup sur le portrait du général. Son but est d’abord de nous raconter la guerre au jour le jour et les extraordinaires difficultés que les Américains ont rencontrées dans le Pacifique.

Mais ce livre nous apprend encore beaucoup d’autres choses : le pouvoir de Mac Arthur, jugé démesuré par les autres généraux de l’armée US, lui valait des jalousies féroces dans les états-majors américains ; ses rivaux l’accusaient d’être un félon et un mutin et manoeuvraient pour qu’il soit révoqué. C’est qu’en réalité, Mac Arthur engageait ses actions avant de demander l’autorisation à Washington. En d’autres circonstances, il mettait ses radios en panne et feignait de ne pas avoir reçu les ordres. En quoi il prenait des risques énormes : en cas de défaite, ses rivaux l’auraient cloué au poteau d’exécution. Par ailleurs, on l’accusait d’être attentiste et poltron, alors qu’il était, en réalité, rusé et prudent ; pour lui, la vie de ses soldats avait plus de prix que tous les honneurs d’une victoire rapide et sensationnelle qu’on lui commandait de Washington.

Il avait mis en place un service secret d’une efficacité phénoménale. Les Japonais étaient persuadés que les Américains ignoraient leur langue, ce qui état vrai. Mais Mac Arthur avait engagé, contre toutes les recommandations de Washington, des immigrés Japonais qui vivaient en Amérique. Il avait parié sur leur loyauté vis-à-vis de leur nouvelle patrie et il avait misé juste. Ces agents secrets, infiltrés partout, recueillaient les renseignements les plus utiles pour Mac Arthur à un tel point qu’il savait tout et bien des Japonais le prenaient pour un devin.

Le livre nous raconte encore beaucoup de péripéties extraordinaires et peu connues. Comme celle d’une expédition à Singapour : Lord Mountbatten avait télégraphié à Mac Arthur : cher ami, « puisque vous êtes sur place », allez donc torpiller la flotte japonaise qui mouille au large de Singapour et qui prépare une invasion des Indes. Ce milord anglais, plaisantait Mac Arthur, n’a-t-il pas une carte où sont indiquées les distances ? Il lui demandait de parcourir, « puisqu’il était sur place », la distance qui sépare Vancouver de Mexico… Néanmoins, au prix d’une expédition digne de Tintin, il réussit cet exploit incroyable de détruire la flotte japonaise de Singapour.

Mais finalement, comme le dit très bien l’auteur, « le plus beau fleuron à la gloire de ce grand général est, qu’après avoir vaincu les Japonais sur le champ de bataille, il soit arrivé à, pacifiquement, faire leur conquête ». (Mais ce sera l’objet d’un autre livre).

Il est toujours réjouissant de lire la biographie d’un homme aussi remarquable : Mac Arthur fut le héros d’un grand pays ami et un modèle pour l’humanité.
Au passage, l’auteur nous dit qu’il était contre la bombe atomique ; d’après lui, on n’avait pas demandé son avis parce qu’on savait en haut lieu qu’il s’y serait opposé. C’est un éternel sujet de controverse et, personnellement, je ferai confiance à l’auteur : après la reconquête du Pacifique, Mac Arthur croyait que les Japonais étaient à genou. Qu’en était-il en réalité ? La question restera en suspens jusqu’à la fin des temps.
Finalement, on appréciera le côté authentique du récit puisqu’il est écrit par quelqu’un qui l’a vécu. On appréciera aussi les multiples cartes explicatives que contient le livre. Par contre, on pourra peut-être reprocher à ce livre d’avoir, par moment, un côté panégyrique puisqu’il est écrit par un ami. Mais on peut se dire aussi, qu’assurément, son héros le valait bien.