Les corsaires en Méditerranée
de Salvatore Bono

critiqué par Lectio, le 28 janvier 2012
( - 75 ans)


La note:  étoiles
A l'abordage !
Pirates et corsaires (souvent confondus à tort) évoquent des temps et des mers lointains. Là bas dans les Caraïbes, des barbares barbus et terrifiants, la tête ceinte d'un bandeau et d'un cache oeil. Salvatore BONO, professeur à l'université de Pavèse, spécialiste de l'histoire de la méditerranée nous raconte la folle équipée des corsaires méditerranéens du 16ème siècle jusqu'aux environs de 1830. Connaissant peu cette page d'histoire de la "mer intérieure", j'ai effectué un voyage aussi captivant qu'instructif. Voici donc les corsaires ; rappelons qu'ils diffèrent des pirates dans la mesure où les corsaires naviguent sur des navires civils, autorisés par une officielle lettre de course ou de commission tandis que les pirates commettent des actes de guerre et sont donc considérés comme prisonniers de guerre lors de leur capture. Le livre est centré sur cette longue période où les corsaires occupent une place importante dans la lutte entre les Chrétiens et les Musulmans. L'Europe (France, Italie, Espagne, Grande Bretagne..) face aux états barbaresques (nom donné aux états musulmans notamment du Maghreb). Il y a du monde sur l'eau ! et le commerce est intense. Voici les Barberousse qui transforment Alger en ville corsaire prospère, voici Dragut le célèbre corsaire de Tunis. Côté Chrétien, les grands acteurs de la "course" sont les chevaliers de Malte et les chevaliers de Saint Etienne. Les navires et flottes corsaires sont remarquablement organisés : commandement, intendance, médecin, comptable des butins ; néanmoins la vie à bord ne ressemble en rien à une croisière même en classe économique ! l'espace pour se mouvoir est inexistant et toute commodité la plus élémentaire absente. Les affrontements sur mer comme les incursions sur terre sont violents, les corsaires pas toujours victorieux et les butins parfois maigres. Les règles de répartition des prises sont établies et participent à la prospérité des états. Les captures humaines sont marchandisées et obéissent aux lois du marché. Hommes, femmes et enfants sont enlevés et les familles séparées. Cela constitue certainement la plus grande souffrance des esclaves car si certains sont affectés à de pénibles tâches, d'autres commercent ou obtiennent des places de confiance et de responsabilités auprès de leur "maître". Les esclaves peuvent racheter leur liberté contre finance comme les états font de même envers leurs assujettis enlevés. Voilà où vous conduira ce livre, captivant, plus près du quotidien que des grands faits historiques (bien que l'incontournable bataille de Lépante soit bien sûr traitée). Une écriture vivante, facile à lire, très claire. Très documenté l'ouvrage comporte en annexe les sources et bibliographie. Je trouve cette formule beaucoup plus accessible que d'innombrables renvois en bas de page en minuscules caractères. Cette lecture m'a incité à relire Fernand Braudel tant l'écriture et le thème sont proches, notamment "la Méditerranée l'espace et les hommes" ainsi que "la Méditerranée les hommes et l'héritage". La méditerranée, aujourd'hui je la regarde, si calme et paisible !