La Beauté des loutres
de Hubert Mingarelli

critiqué par Renardeau, le 5 septembre 2002
(Louvain-la-Neuve - 66 ans)


La note:  étoiles
Seuls
Avouerais-je que c'est la beauté du titre qui m'a guidée vers ce livre ? Ainsi que l'ambiance de neige où il s'installe, dès les premières pages ?
Après ... une certaine désillusion, par rapport au romantisme attendu. Mais autre chose ... Car cette histoire, celle du convoyage de moutons en montagne, qui doivent être livrés au bout d'un long jour de voyage, tourne au huis-clos entre un homme et un adolescent, isolés dans la cabine d'un camion.
D'une aube, qui est encore la nuit, à la nuit suivante, le monde, pour eux, se résume à ces moutons innocents sous la neige et à la nature, menaçante et indifférente. A eux-mêmes, aussi, l'hommme, renvoyé à ses peurs, l'adolescent à ses espoirs, à ses questions. A la relation qui commence à exister entre eux, du maître à l'apprenti, avec maladresse et rugosité.
Et souffle dans ce livre, comme une haleine d'humanité profonde.
Il y a, dans le style dépouillé de l'auteur, où chaque petit geste du quotidien a son importance, une sobriété qui rappelle un peu Hemingway.
humanité d'un style dépouillé 10 étoiles

Horacio doit livrer des moutons... montagne... hiver... neige... danger...
Vieux camion, chaines-neige cassées ...
Et avec ces quelques éléments, Mingarelli nous embarque dans un monde, avec son style dépouillé, une naïveté apparente, une intériorité qui se livre entre Horacio et le jeune apprenti, Vito, qui aime prendre soin des moutons.
C'est comme s'il ne se passait rien, mais en réalité il y a toute l'humanité dans ce livre : l'empathie, les qualités de coeur qui affleurent, les petits trucs à trouver pour diminuer la peur puis pour gérer plus ou moins bien l'angoisse, l'entraide à demi-mots, la pauvreté (probablement qu'Horacio a besoin de livrer ces moutons car il a besoin d'argent), le système D, la difficulté à trouver les mots pour se dire, et la constance pour s'en approcher au plus juste et se faire comprendre, même quand on est honteux de ses emportements.
En peu de pages, c'est un grand roman.
J'ai beaucoup aimé aussi "Le voyage d'Eladio", où le dialogue intérieur incessant est construit comme de la dentelle.

Sylviastorm - - 65 ans - 5 mars 2023


Franchir le col 7 étoiles

Comme le dit Renardeau dans sa critique, moi aussi c'est le titre de ce roman taiseux et austère, qui me l'a fait choisir, dans les rayons de la médiathèque, parmi les autres titres de Hubert Mingarelli (outre L'homme qui avait soif, que j'ai lu dans le cadre du prix Critiques Libres, et qui m'a fait découvrir cet auteur). J'ai beaucoup aimé La Beauté des Loutres, court récit, tout en lenteur, une road-story rurale dépouillé mais intense, dans la profondeur des silences des deux personnages centraux. Le livre n'aurait pu être qu'un "simple" roman d'ambiance, mais le bref passage du passage d'un col de montagne sous la neige, où culmine la tension lentement accumulée le long du trajet, donne un éclairage particulier, et sourdement inquiétant, aux angoisses tapies dans les ombres qui entourent Horacio et Vito.

Fanou03 - * - 48 ans - 17 février 2017


" C'est difficile ce que j'essaye de t'expliquer ! " 9 étoiles

Au coeur de l'hiver, en pleine montagne, Horacio - éleveur de moutons - et Vito - son jeune assistant - prennent la route pour convoyer une douzaine de moutons de l'autre côté du col.
Un col enneigé et verglacé qu'il convient de franchir avant la nuit sous peine de rester bloqué.
Au fil des kilomètres et d'une difficile ascension, l'atmosphère se tend, les visages se crispent, la tension monte .
Pour masquer la peur, il faut continuer de parler.
Horacio parle de " la seule loutre que j'ai vue, c'était sur une photographie. Elle était dressée sur ses pattes de derrière, elle tenait un tuyau dans ses pattes de devant et elle regardait dedans".
Vito sait qu'il parle en dormant et " ça me gênerait que vous compreniez ce que je dis quand je dors ".
Vito qui parle à l'oreille des moutons pour les rassurer.

De courts instants de connivence, de silence.
Chacun porte son histoire et tente d'en conserver le secret.
Deux taiseux qui tentent de créer un lien avec une infinie pudeur.
La peur plus forte que tout qui "percute" Horacio et le fait réagir en enfant.

Un incroyable huis-clos empli de sensibilité, de silence, de simplicité.
Part belle est faite à la Nature et à l'Humanité de ces 2 personnages.
Un court roman qui m'encourage à découvrir d'autres oeuvres de l'auteur.

Frunny - PARIS - 58 ans - 19 septembre 2012


Prometteur 7 étoiles

Voilà encore un auteur découvert grâce aux lecteurs de CL!
Hubert Mingarelli est un jeune auteur dont le style dépouillé, sobre atteint déjà une efficacité rare. Il parvient à distiller au fil de la lecture une atmosphère prenante et souvent dramatique. La force et la faiblesse des êtres humains vivant au milieu d'une nature souvent hostile et belle nous plonge dans l'essentiel de la vie et parfois de la survie.

Les amoureux de la montagne ne peuvent qu'être touchés par ces textes !

Auteur à suivre.

Donatien - vilvorde - 81 ans - 28 mars 2009


La beauté tout simplement 7 étoiles

Horacio et Vito vont livrer des moutons de l’autre côté d’un col enneigé. Horacio est angoissé, il craint d’affronter en pleine nuit une météo dangereuse, d’avoir à chaîner le camion, alors pour meubler ses peurs il parle, beaucoup, à son jeune compagnon de route. Hormis la neige qui tombe, il ne se passe pas grand-chose et l’on frôle l’absurde quand on cherche à comprendre pourquoi ils s’obligent à livrer par un tel temps, quand rien ne les y oblige. Mais Mingarelli, c’est d’abord une atmosphère. Une écriture qui vous entraîne dans un no man’s land poétique et sauvage, loin des turbulences de la vie moderne. Rien que pour ça, ça fait du bien. Quant aux loutres du titre, oui, elles ne sont que dans le souvenir d’une photo égarée, et c’est bien dommage. Ce n’est plus la beauté des loutres, mais la beauté du récit mingarellien, tout simplement.

Laure256 - - 51 ans - 29 janvier 2006


D'une simplicité déconcertante 8 étoiles

L'extrême simplicité de l'écriture de Mingarelli et le rythme assez particulier de l'histoire racontée dans ce court roman (Tistou avait parfaitement raison de parler de Mingarelli comme d'un écrivain du ralenti) ont de quoi déconcerter. Il ne faudrait cependant surtout pas abandonner le livre après quelques pages sous prétexte qu'il ne s'y passe rien ou pas grand chose. Laissez-vous tout simplement entraîner par ce singulier road movie et verrez qu'un bon livre peut très bien se passer de certains artifices.

Palorel - - 43 ans - 3 septembre 2005


Le salaire des moutons 9 étoiles

C'est vrai, je n'y avais pas pensé, il y a un parallèle à faire entre ce transport de moutons dans des conditions climatiques déraisonnables et celui d'explosif en Amérique du Sud. Bon, ça ne se finit pas pareil. Tophiv n'hésite pas à comparer MINGARELLI à HARRISON. Je suis un fervent d'HARRISON et j'aime beaucoup (de plus en plus) MINGARELLI, mais bon, ... au niveau de l'écriture et de la façon de mener les débats, il y a quelques différences. Moi, je dirais plutôt que MINGARELLI c'est l'écrivain de l'intériorité, du ralenti. Chaque acte, voire geste, est disséqué, analysé, et du coup justifié. Il n'y a pas la folie exubérante d'HARRISON, plutôt la retenue de celui qui vit en milieu hostile et pour qui chaque geste en trop ou non réfléchi peut être dangereux.
Très beau La Beauté des Loutres. Et au fait, en photo ou en vrai ...?

Tistou - - 67 ans - 21 septembre 2004


L'éleveur grognon 4 étoiles

Les critiques que j'ai lues à ce jour sont très élogieuses à l'égard de La Beauté des loutres. Quant à moi, cette oeuvre me laisse froid. C'est une oeuvre minimaliste, qui ne laisse sous-entendre rien de plus que ce qui est écrit. Un ado accompagne un éleveur de moutons, qui doit livrer son produit un jour de tempête. L'adulte grognon essaie de se délester de sa crainte en culpabilisant l'ado qui l'aide. Même si on sent un fond d'humanité qui habite l'éleveur, il n'a pas encore la maturité voulue pour dominer ses émotions. La rage est son seul moyen d'expression s'il ne fume pas cigarette après cigarette. Ce qui compte pour lui, c'est le gain qui l'attend si sa cargaison arrive à destination en bon état. Je plains cet ado qui travaille sous la férule d'un adulte qui correspond à l'image négative que les jeunes se font de leurs aînés.
Les dangers de la route représentent l'unique préoccupation de cet éleveur, d'ailleurs fort imprudent puisqu'il n' a pas vérifié l'état des chaînes devant empêcher un dérapage possible de son camion sur les routes enneigées, d'autant plus qu'elle sont bornées de conifères, qui ne peuvent qu'aggraver une glissade éventuelle. Le bon ado se dévoue sans compter pour que ce grognon atteigne son but. Il pousse même le dévouement jusqu'à se tenir au milieu des moutons par temps froid afin que les bêtes ne souffrent pas d'insécurité. Son travail passera presque inaperçu aux yeux de son patron, qui, parfois, lui témoignera un peu d'appréciation en montrant une mine moins renfrognée. C'est loin d'être convivial. C'est à la dure que cet ado s'initie à devenir un homme. Un homme dur pour qui seul compte l'appât du gain. En Amérique, c'est l'image du mâle que plusieurs rejettent.
Mingarelli a fait le portrait de l'adulte qui rend méfiants les jeunes à l'égard de leurs aînés, incapables de reconnaître leurs valeurs. Ce n'est pas avec cet éleveur qu'un jeune développera l'estime de soi. Je n'y ai pas vu de bonté. À peine un peu de satisfaction parce qu'on lui aura permis de toucher le fric auquel il s'attendait. Avec cette oeuvre, on comprend le fossé entre les générations. Ce modèle d'homme incapable d'exprimer des sentiments conviviaux est combattu par bien des sociétés, qui ont noté qu'il est à la source de relations conflictuelles. C'est ainsi que j'ai perçu cette oeuvre aussi sèche dans son contenu que dans son écriture.

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 20 août 2003


Simple, beau et émouvant 10 étoiles

Hubert Mingarelli vit dans les Alpes du nord, en Isère, à 1700m d'altitude. Après quelques romans destinés à la jeunesse, il a entrepris notamment de nous parler de sa région d’adoption.
Dans « la beauté des loutres », il nous présente Horacio et Vito. Horacio, l’adulte endurci et Vito, le gosse, comme il l'appelle. Horacio doit amener des moutons à un éleveur de l’autre côté d'un col enneigé, une longue et difficile route, et il compte sur le jeune Vito pour l’aider. Les deux hommes se connaissent peu et tous les prédécesseurs de Vito sont partis, la faute à la maigre paye ou peut être à cause d’Horacio.
Traversant les paysages blanchis par la neige, les montagnes et les villages, les deux hommes se rapprochent peu à peu, tour à tour élève et mentor, fils et père, employé et patron. Vito découvre la beauté de la région, de ses hivers, de ses rivières. Vito représente un peu le lecteur, il est l’étranger à qui Mingarelli parle de son « monde ».
Harrison a l'amérique sauvage, Mingarelli a l’amour des Alpes et plus généralement de la montagne et comme Harrison, il sait très bien nous le faire partager. Il a aussi l’amour de ces hommes, durs et forts dans les épreuves, ces hommes attachés à leurs bêtes, proche de la nature qui les nourrit et les domine. Lorsqu'il nous dépeint l'échange entre Horacio et Vito, son texte m’a fait pensé au roman de Steinbeck, « des souris et des hommes ». Peut être pour ses phrases simples et ces dialogues parfois naïfs mais cachant toujours une grande tendresse, une grande humanité.
Prenez le temps de parcourir lentement ces lignes modelant des hommes et des paysages magnifiques et vous n’aurez qu'une envie, les découvrir, les connaître vous aussi.
Même Lucien délaissera peut être la Creuse pour une petite visite dans les Alpes ;-)

Tophiv - Reignier (Fr) - 48 ans - 18 août 2003