Nocturnes
de Clarke

critiqué par Shelton, le 22 janvier 2012
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Une belle surprise pour le lecteur
Diou gast ! Comme diraient quelques-uns de mes ancêtres ! Voilà bien une bande dessinée qui dépote, surprend, laisse pantois le lecteur et interroge sur l’évolution de la narration en bande dessinée… mais attention, tout cela en positif car le lecteur, dès la première page, dès le premier dessin, est pris dans le récit et a envie d’aller jusqu’au bout !

On connaît Clarke pour ses travaux dans la bande dessinée comique. Nous sommes nombreux à avoir lu les aventures fantastiques et drôles de la sorcière Mélusine. D’autres, un peu moins nombreux, mais j’en fais partie, connaissent « Sales petits contes » ou « Cosa nostra »… dans tous les cas, Clarke fait rire et nous l’aimons ainsi ! Le voici, cette fois, avec une histoire toute différente, publiée à juste titre dans cette collection « Signé » qui regroupe des one-shot de grande qualité en un ou deux volumes. Nocturnes est livré en un seul tome avec 58 planches ciselées au millimètre près et qui nous emmènent, presque contre notre gré, dans une histoire fantastique inhabituelle et pour l’auteur, et pour la bande dessinée en général.

Mais comment vous présenter ce travail ? Commençons par dire que nous sommes à la campagne, dans un lieu de vie dont il est difficile d’évaluer le nombre d’habitants, de logements. D’ailleurs, il est même possible que cela évolue en cours de récit…

Les personnages ? Oui, c’est vrai qu’il y en a beaucoup et que ce n’est pas toujours facile de faire la différence entre ceux qui existent et ceux qui n’existent pas. Vous ne comprenez pas ? Alors c’est que nous sommes sur la bonne voie… Imaginez un personnage. Lui, il est le fruit de l’imagination de Clarke. C’est le vrai personnage car il est le héros, le personnage central. Mais il est écrivain. Chaque fois qu’il crée un nouveau personnage, il apparaît dans la bande dessinée. Mais il peut disparaître presqu’aussi vite… ou perdre la mémoire, se déplacer aussi vite que le lecteur qui tourne les pages, perdre la mémoire quand l’auteur oublie de prendre soin de lui…

C’est une histoire qui touche à la création, à l’existence des héros, à la mémoire, à l’existence tout simplement… d’autant plus que la fin de l’histoire en surprendra encore plus d’un… mais dans cette bande dessinée, il y a aussi quelque chose de spirituel, de divin… Finalement, l’auteur est aussi une forme d’un dieu, celui qui décide tout et qui se fait surprendre par ses propres créatures. Il est à la fois Dieu tout puissant et être insignifiant capable d’être bousculé par la première créature ou être secondaire qui passe… quel mystère que la vie !

Cette bande dessinée, cette histoire qui va fasciner le lecteur est aussi un exercice surréaliste, magique, poétique… C’est cet aspect qui va vous pousser à relire l’histoire et vous condamner à la garder chez vous pour l’avoir toujours à votre disposition… oui, « Nocturnes » ne sera certainement pas la bande dessinée qui vous aura apporté le plus de plaisir de lecteur mais celle que vous garderez et relirez le plus. Elle ouvre des perspectives, comblent des gouffres, permet de supporter les souffrances de la vie, éclaire nos nuits de doutes… Bref, certainement une bédé qui comptera dans l’histoire de cet art narratif encore jeune mais qui ne cesse de surprendre les lecteurs curieux et assidus.