Le Postier Passila
de Alain Beaulieu

critiqué par Libris québécis, le 20 janvier 2012
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Un facteur sud-américain
Comme le narrateur de Village sans histoires de Charles Lewinsky, celui d’Alain Beaulieu se réfugie dans un petit village sud-américain paisible pour se remettre d’une rupture amoureuse. L’ailleurs comme panacée aux maux de l’âme. Le motif sert de préambule pour exploiter la vie comme un long fleuve tranquille dans les bleds que l’on croirait sans histoires.

Ce n’est pas parce que la mer est étale que les courants s’apaisent. Edouardo Passila l’apprend à ses dépens. Pour renouer avec sa tranquillité d’esprit, il a demandé une mutation de la grande ville à Ludovica, dont la toponymie a sûrement été inspirée du nom d’une exposition de bâtiments à l’échelle à Québec, ville natale de l’auteur. Ce village, qui ressemble donc à une miniature, ne cache pas moins des remous susceptibles de concourir à la perte des villageois.

Dès son arrivée, il s’est buté au caractère acariâtre de Miranda l’hôtelière avant d’intégrer sa maison de fonction. Que lui importe ses excès de bile, il se met rapidement à l’œuvre afin que le départ de son prédécesseur, pour un motif ostracisé, ne rompe pas le service postal. Rapidement, il se rend compte que la population s’adresse à lui en insinuant des dangers qui menacent tous et chacun. Pour s’en protéger, on s’adonne à la politique des faveurs. Le boulanger fournit ainsi le pain gratuitement à Passila.

Dans ce contexte se forment des clans pour contrecarrer les projets machiavéliques de villageois véreux. Mais qui sont-ce ? Le policier Cortez semble être devenu l’âme de Ludovica en pratiquant l’extorsion auprès de la population. Tous le craignent et soupçonnent son voisin d’être à sa solde pour l’informer des us et coutumes, qui consolident son emprise sur le village par le chantage.

Subissant cette atmosphère étouffante, le facteur songe à se faire muter une autre fois. Le facteur émotif aidant, il envisage de quitter le village avec la belle Estrella, la fille de l’ancien policier. Mais la population entrevoit son avenir autrement. Elle le phagocyte pour assurer son salut.

Le narrateur, créant les distances nécessaires pour garder son objectivité, décrit à merveille ce microcosme, soutenu par une écriture bien ordonnée à la lourdeur qui l’appesantit. Sans faillir, l’auteur maîtrise son œuvre à l’intérieur d’un suspense haletant jusqu’à un dénouement foisonnant en rebondissements qui malmènent sa crédibilité.