Nefer de Charles Duits

Nefer de Charles Duits

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Fantasy, Horreur, SF et Fantastique

Critiqué par Eric Eliès, le 15 janvier 2012 (Inscrit le 22 décembre 2011, 49 ans)
La note : 10 étoiles
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Une quête initiatique et un chef d'oeuvre de la littérature onirique

Avec ce court roman, Charles Duits ressuscite l'univers de Ptah Hotep (qui est d'ailleurs fugacement évoqué) et la magie d'un monde, la Pays de Hag, qui est comme le double fantasmé et magnifié d'un passé fabuleux, nourri des mythes et des légendes de toutes les grandes civilisations de l'Antiquité mais que Charles Duits parvient à sublimer et à transcender grâce à la capacité d'évocation de son écriture. Duits est sans aucun doute de la même étoffe que les hommes qui surent, il y a 2000 ans, trouver les mots pour évoquer l'indicible du divin et de l'humain ; après avoir lu Nefer et Ptah Hotep, je le considère comme un frère d'âme, égaré au XXème siècle, de ceux qui écrivirent certains passages de la Bible (je pense au Cantique des cantiques) et de ceux qui composèrent les grands textes épiques emplis de sagesse qui ont fondé les religions...
La trame narrative de Nefer est beaucoup simple que celle de Ptah Hotep car Nefer, jeune prêtre désigné pour représenter la Maison de l'Amour aux funérailles de l'Epouse d'Or, est un témoin passif des évènements qui s'enchaînent dans le cadre d'un complot politique visant la personne du Binarque (souverain de l'Iscandriane), et qui subit les épreuves de la vie profane sans vraiment les comprendre. Mais ces évènements le transformeront et feront de lui un homme, qui aura appris que ce que l'enseignement des prêtres ne pouvait lui transmettre. Nefer connaîtra l'amour avec Tara, jeune fille belle de corps et d'âme, mais esclave dédiée à l'agréement et aux plaisirs des notables de la maison du Redoutable Omar, puis la perdra par la faute de la méchanceté des hommes. Nefer découvrira le monde, la souffrance et les joies de l'amour, la jalousie des femmes qui convoitent sa beauté (Narim, se plaisant à aiguiser la douleur de sa séparation avec Tara), l'angoisse des hommes face à la mort aux mystères insondables, la folie des luttes de pouvoir et la bassesse des manigances politiques ourdies par l'Emir et le Vizir contre le Binarque, la beauté des villes et des paysages où souffle en permanence l'esprit des dieux et de l'Ourane et que seuls les sages et les âmes simples savent entendre...
Dans le roman de Duits, les hommes vivent comme des êtres de chair et de sang, sont la proie de leurs passions exacerbées, mais ils sont aussi mûs par des peurs et des désirs inconscients aux échos mystiques. L'écriture de Duits, d'une beauté hallucinante, parvient à restituer toutes les nuances de l'amour physique et de l'exultation de la chair (parfois tendre lorsque Nefer et Tara échangent "le lys et la rose", parfois sauvage et impétueux lorsque Narim et Nefer vont tels que deux panthères), toute la ferveur de la piété et de la dévotion, la souffrance du corps épuisé, la peur de la mort, le détachement de l'esprit contemplatif, le désir et les affres de l'âme contrainte par les conventions, les artifices et les injustices de la société... Lire Nefer est vivre une expérience exaltante d'immersion dans un monde chatoyant, cruel et grandiose où le destin des hommes et la volonté des dieux sont étroitement imbriqués.
Pour en donner un exemple, lisez comment Duits décrit la pluie tombant sur le toit du bateau des brigands qui ont enlevé la fille du Binarque : "... et voici que les Démons de la pluie sifflaient et riaient autour d'eux et qu'ils dansaient sur le toit de leur bateau. Ces Démons portaient des robes d'argent, agitaient des grelots dans leurs doigts livides, frappaient le toit du bateau de leurs talons et de leurs orteils, couraient sur le fleuve et sifflaient dans les feuillages. Ils dansaient dans leur folie et crachaient des gerbes d'eau sur toute chose et riaient, parce que la joie de ces Démons est de voir l'épouvante des hommes et des bêtes, ils exultent dans le tonnerre et la foudre".
Nota : pour info, le tableau sur la couverture du livre a été peint par Duits. Il est possible que la splendeur baroque des visions de Duits soit inspirée par sa consommation de drogues notamment la mescaline qu'il utilisait, dans le même esprit que Henri Michaux, comme un médiateur vers le sur-réel et un décuplateur de la capacité de perception (dans une étude consacrée à Charles Duits, j'ai trouvé un échange épistolaire très intéressant entre Duits et Pierre-Jean Jouve sur l'utilisation de la drogue par les poètes)

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Les éditions

  • Nefer [Texte imprimé] Charles Duits
    de Duits, Charles
    H. Veyrier / Collection Les Singuliers
    ISBN : 9782851991676 ; 9,99 € ; 01/01/1978 ; 255 p. ; Cartonné
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