critiqué par Bolcho, le 27 août 2002
(Bruxelles - 75 ans)

La note: étoiles

J'ai fait un achat idiot

Voici un livre qui n’est pas inutile du tout. Il répond par exemple à cette question : y a-t-il une différence entre Histoire et Fiction ? Vous croyez connaître la réponse ? C'est bien. D'ailleurs, l'auteur donne la même, mais pendant 404 pages, ce qui, vous l'avouerez, a plus de gueule que ce que vous venez de faire, quasiment sans réfléchir, à la va-comme-je-te-pousse. Et en plus, lui, il ne dit pas simplement qu'il y a une différence, il le dit avec une tonne de mots compliqués qu'il faut aller rechercher dans nos vieux cours de philo, ce qui est une bonne occasion pour mettre de l’ordre dans le grenier au passage. C’est donc bien un bouquin pas inutile du tout : - il permet de doper les ventes des dictionnaires en 9 volumes et à titre prénominal ; - il permet à son auteur d'en foutre plein les mirettes aux collègues des autres universités, obligés eux aussi d’avoir recours au susdit dictionnaire, mais qui ne l’avoueront jamais, décidés à se faire moines plutôt que de concéder avoir eu besoin de relire ne serait-ce qu'une seule phrase de l'indigeste pensum ; - il permet au lecteur (un peu lassé par la présence dans chaque phrase de trois mots vaguement connus, deux mots totalement inconnus et un mot inexistant) de passer assez vite à une lecture « en diagonale »…. et alors, c’est le miracle. Ce type de lecture nous fait passer dans un autre univers. On croyait jusqu’ici lire des phrases arides et compactes comme du béton (le béton alvéolé, ça existe ? Rapport aux vides internes…) et tout-à-coup, voici qu'on ne comprend plus rien du tout, mais cela prend des accents très poétiques toutes ces sonorités inconnues, un peu comme si, complètement bourré, Mallarmé s'était mis en tête de recopier le dictionnaire. J’ai beaucoup aimé. J’ai oublié de vous dire que ça parle d’Histoire. Pourquoi met-on des trucs comme ça dans les rayons des librairies ? Et pourquoi de prétentieux distraits les achètent-ils ?