Une saga moscovite
de Vassili Axionov

critiqué par Jules, le 26 août 2002
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Magistral !...
Cela fait plus d'un an qu’une de mes amies, très calée en littérature, me tannait le cuir pour que je lise ce livre… le terme de « saga » me bloquait ! Elle a eu l’idée géniale de me l'offrir pour mon anniversaire en me disant : « Maintenant, tu seras bien obligé de le lire ! ». Mon anniversaire aurait dû être plus tôt !.
Attention !. « La saga moscovite » fait 1.600 pages !. Mais quelles pages !.Bien trop courtes, bien trop vite lues !… Quelle écriture !. Quel souffle !.Et puis, vivant, passionnant, intelligent et actuel. C’est « Guerre et paix » au vingtième siècle que ce livre là ! Beaucoup de psychologie et de finesse mais avec une tout autre dimension politique…
Nous sommes en 1928. Lénine est mort et la lutte pour le pouvoir s’engage. Trotski prône une autre ligne que celle de Staline, étoile encore discrète mais montante du Bureau Politique. Dans la famille Gradov, que nous allons suivre sur une période de 26 ans, on est chirurgien de père en fils depuis trois générations.
Boris III Gradov, très grand chirurgien, et sa femme, d'origine géorgienne, ont deux fils et une fille. L'aîné des fils, Nicolas, est général d'armée, malgré son très jeune âge. Le second, Kyrill, soutien la ligne stalinienne alors que sa jeune sœur est Trotskiste et en faveur de la NEP.
Cette dernière a fait que le peuple reprenait un peu son souffle et que certains produits étaient réapparus dans les magasins. Mais Staline va mettre fin à tout cela et les trotskistes seront envoyés au goulag, dont Kyrill qui ne l'était pas ! Même l’exubérante et méditerranéenne Géorgie sera mise au pas et connaîtra les restrictions et les purges sous la botte d'un Béria en pleine ascension dans sa région.

Nous allons vivre les grandes purges staliniennes ainsi que les énormes et cruels déplacements forcés de paysans qui se refusent à la collectivisation des terres et des troupeaux. Des millions de vieillards, de femmes, d'enfants et d’hommes seront transportés, comme du bétail, sur des milliers de kilomètres et débarqués dans des terres des plus froides, hostiles et arides.
Après les purges arriveront les grands procès. Dans toutes ces tourmentes la famille Gradov ne sera pas épargnée malgré le très grand respect dont bénéficie Boris III Gradov.
La guerre éclate et l'armée a perdu bon nombre de ses cadres dans les goulags. Moscou est à nouveau menacée ! La peur règne partout et même au Kremlin…
Au lendemain de la victoire, les folies staliniennes reprennent aussitôt, ainsi que celles du N.K.V.D ou du M.V.D. Le sinistre et vicieux Béria fait plus que simplement seconder son triste maître, mégalomane et paranoïaque.
Un livre époustouflant et plein de contraste. Les pages défilent et, les dernières une fois atteintes, j’ai été étonné, et triste, d’être si vite arrivé au bout de ce livre !
Je voudrais encore citer ici un des derniers paragraphes du livre : « Nous autres, en Russie, oubliant nos pères, nous avons fait de la Patrie un Moloch, nous nous sommes fermés à l’éternité, à Dieu, séduits par de faux Christs et de faux prophètes, qui nous proposent tous les jours, toutes les heures, leurs contrefaçons au lieu des réalités.
De temps à autre, l'auteur rassemble des articles de presses d’origines diverses. Ceux-ci ne font que tordre la réalité davantage !
Aux éventuels amateurs : un livre à lire d'urgence !

Axionov est né en URSS en 1932. Son premier livre date de 1960 et il en a déjà écrit plusieurs. En 1981 il est contraint à l'exil et déchu de sa nationalité. Il est devenu professeur d'université aux Etats-Unis.
Sous le "règne" stalinien 7 étoiles

A la fois saga familiale et saga historique, couvrant des générations de Gradov ayant vécu le règne de Staline, Une saga moscovite porte bien son nom. Profondément russe, jusqu'à en paraître obscure voire impénétrable lorsque le vocabulaire typique s'accompagne d'un enchevêtrement de situations politiques méconnues, le roman fleuve de Vassili Axionov pourra perdre des lecteurs qui deviendront vite réfractaire à une œuvre riche, pédante mais peu pédagogue.
D'une nature foisonnante, il faut avouer que le roman paraît parfois très long, la faute à des passages un peu poussifs ou répétitifs dans le second tome (c'est à dire la troisième partie). D'une manière générale, il accumule les fautes inhérentes au genre, en s'attardant parfois sur des moments peu importants et en utilisant à l'inverse des ellipses pour des évènements sur lesquels on aurait aimé avoir plus d'informations (les errements de Mitia, la création de son personnage au bagne). On échappe pas non plus à quelques facilités dans les liaisons entre personnages, à quelques situations bien pratiques pour mener l'intrigue à bien... mais cela reste non abusif et aucunement incohérent.

Au-delà de ces défauts que l'on pourrait presque qualifier de structurels, Une saga moscovite démontre au contraire les qualités propres au talent de son auteur. La plume poétique de l’écrivain russe fait merveille pour souligner le charme de Moscou, la tristesse de certaines situations politiques ou militaires et donne corps à une intrigue pourtant fort austère dans son propos.
Ce charme ne s'en trouve que plus bonifié grâce aux personnalités fortes qui s'échelonnent à travers les âges et les pages, qu'elles soient du clan Gradov ou gravitant autour, ou bien personnages historiques et politiques. On trouve même de multiples références et hommages aux génies de la littérature russe comme Dostoïevski, Tolstoï, Gogol ou encore Pouchkine.

Impressionnante dans son apport culturel, belle dans son style, touchante dans sa représentation de diverses générations de russes, Une saga moscovite parvient à emballer son lecteur la plupart du temps, malgré de légères baisses de rythme et une dernière partie quelque peu souffreteuse par instant.

Ngc111 - - 38 ans - 3 décembre 2013


si typiquement russe ! 9 étoiles

je me souviens en effet d'un roman très prenant, même si un peu essoufflé sur le début du 2ème tome...mais vite, ça reprend du collier pour la suite.
Les romans russes, c'est bien souvent l'histoire du pays à travers l'histoire d'une famille. ça m'a toujours posé problème: on peut s'y perdre dans la foultitude de personnages et de prénoms russes...on ne sait plus qui est qui et qui fait quoi.
Dans la Saga moscovite, il y a pas mal de personnages mais on s'y retrouve très bien. Ca m'a beaucoup plu, 1600 pages avalées avec plaisir.

Zaza64 - Anglet - 51 ans - 12 mai 2013


La grande et la petite histoire 9 étoiles

Une saga Moscovite, c'est 1600 pages dans l'édition Folio. Une brique qui mêle la petite histoire, celle d'une famille sur trois générations, et la grande histoire, celle de la Russie sous la dictature Stalinienne. Tout les ingrédients habituels de ce genre de saga sont réunis: famille, amour, sexe,.. pour la petite histoire, et les guerres (celle de 40), la cruauté, les trahisons, déportations, famines,.. pour la grande. Le mélange est parfaitement réussi.

En fait, plus on avance dans le récit, plus il devient passionnant. Les personnages prennent vie, à tel point qu'ils semblent échapper à leur créateur, et pour notre plus grand plaisir certains refont surface de manière imprévue après une déportation ou un exil. On les perd, on les retrouve, la famille s'agrandit,.. Autour du noyau dur, la famille Gradov, il y a une ribambelle de figures secondaires: des faibles, des héros,.. tout ces gens nous accompagnent durant les longues heures de cette lecture. L'auteur s'empare même de personnages historiques, Staline bien sur, mais aussi l'abject et effrayant chef des services secret, Lavrenti Béria, qui s'empare de jeunes filles pour satisfaire ses besoins lubriques.

Cette lecture est captivante, et en plus elle nous permet d'apprendre pas mal sur cette période de l'histoire. Il faut de temps en temps aller sur le PC, ouvrir wikipédia, pour en savoir plus sur tel ou tel évènement ou personnage. Comme le signale un autre lecteur, ce livre laisse un arrière-goût de tristesse et de rage devant autant de brutalité et de stupidité de la race humaine.

Bref un livre incontournable, un de mes meilleurs moments de lecture de ces derniers temps.

Saule - Bruxelles - 58 ans - 15 novembre 2009


Attention, pavé ! 10 étoiles

C’est effectivement un pavé. Un peu genre « Belle du seigneur ». En plus gros encore. Mais Vassili Axionov ne nous prend pas par surprise, il nous l’annonce : c’est une saga. La saga de la famille Gradov, par les yeux de laquelle nous allons assister à ce siècle qui a bouleversé la Russie – et le monde - et dans ce siècle, plus précisément des années 20 jusqu’au milieu des années 50.
A l’issue de la lecture, passionnante et qui fait oublier les 1025 pages à lire dans mon édition, on se demande dans quel état un peuple peut ressortir de telles épreuves infligées à une telle masse de gens de manière délibérée. Le hasard a voulu que quelques mois avant de lire cette « saga moscovite », je lise « Les filles du tsar » de Jacqueline Monsigny. L’envers du décor, pour le coup ! L’envers du décor et la même folie, démesure, cruauté …
L’œuvre d’Axionov est plus dense, plus « vécue ». Même s’il a dû en 1981 s’exiler aux Etats-Unis, Axionov est russe, moscovite, et c’est la meurtrissure de son peuple qu’il raconte, de l’intérieur. Rien ne nous sera épargné ; des souffrances durant la guerre, des souffrances dûes aux luttes internes pour la succession de Lénine, des déportations, des tortures, du Goulag, de l’impéritie et de la cruauté de Staline et Béria. Un monde fou comme si vous y étiez.
Lénine, Trotski, Staline, Béria. Les purges, les déportations, la guerre, la terreur. C’est incroyable comme le fait de citer les noms qui précèdent vous fait quasi automatiquement écrire la suite …
Comme toute saga qui se respecte, Vassili Axionov fait naître et mourir quantité de membres de la famille Gradov – famille aisée de chirurgiens moscovites – et de personnages accessoires et complémentaires. Et ce n’est pas la gloire qui les attend pour la plupart mais bien plutôt la déchéance, la peur, la torture. En contre-point, des passages de bonheur et de tendresse de cette famille avant que la folie stalinienne balaie tout, nous permettent d’apprécier une civilisation qui n’était pas forcément vouée à un tel sort. Oui vraiment, la question se pose ; comment un peuple peut sortir indemne de ça ?
En vérité il n’en est sûrement pas sorti indemne mais ceci ne fait plus partie de la saga d’Axionov. Il faudra un autre Axionov pour nous analyser la suite, la suite que nous observons de loin de nos pays occidentaux.

« Comme toutes celles du pays, la terrible prison de Lefortovo était surpeuplée, mais ici il était rare qu’on se battît pour une place sur les châlits, car les cellules étaient, pour l’essentiel, peuplées de prisonniers politiques, des prisonniers très différents des autres, des droits communs : des gens souvent bien élevés et même portés à un esprit de solidarité digne de l’ancien régime. Dans de nombreuses cellules, on était allé jusqu’à imaginer d’occuper les châlits à tour de rôle : vous passiez une heure à l’horizontale, dormiez si vous vouliez ou rêviez d’une femme, puis vous cédiez votre place à votre collègue en procès historique. En attendant leur tour, les détenus s’accotaient au mur ou s’asseyaient tête à tête sur le sol gluant. Dans cette position, ils étaient nombreux à croire qu’ils roulaient vers une destination inconnue dans un incroyable tramway. Naturellement, il y avait des exceptions à ces règles, en particulier pour ceux qui revenaient de l’interrogatoire. Celui qu’on ramenait inanimé avait un droit de priorité absolu. »

Tistou - - 67 ans - 8 octobre 2009


Arrière goût de haine de l’humanité… 9 étoiles

C’est bel est bien une saga que nous livre Vassili Axionov ; le destin d’une famille d’intellectuels moscovites pendant les années du règne de Staline. Et quel destin ! Prisons, trahisons, tortures, guerres, camps de travail. La famille réussit quand même à vivre quelques morceaux de bonheur, distillés dans ces 1600 pages d’horreur.

Le roman est truffé de poésie, ce qui doit ravir les amateurs de la chose. Etant totalement insensible à la poésie, cela m’a, a vrai dire, ennuyé. Même chose pour les entractes un peu trop poétiques eux aussi à mon goût. Malgré ces débordements poétiques, c’est un roman passionnant, qui m’a éclairé sur les conditions de vie pendant l’époque stalinienne.

En lisant ce livre, je n’ai pu m’empêcher à penser à moi, à ma famille. Heureux d’être né en 1973 en France ! Ma famille n’aurait certainement pas fait long feu là bas… Je ne peux m’empêcher aussi de penser à mon gamin, lui aussi né, aux dernières nouvelles, au bon moment et au bon endroit. Mais je garde toujours un arrière goût de haine pour l’humanité, ou tout du moins pour une partie de cette humanité qui se permet d’asservir, d’exterminer, de torturer. Pour ces grandes gens qui jouent avec la vie des autres, pour ces petites gens qui jouent avec la vie des autres.

Manu55 - João Pessoa - 50 ans - 22 décembre 2004


La Russie.... 8 étoiles

Cette saga est la vie d'une famille russe avec tous ses complots et ses trahisons telles qu'elles ont pu exister sous le régime de Staline, lors de la succession de Lénine, et il est extrêmement passionnant de voir la Russie de ce milieu du siècle... A lire si on est motivé par cette période tout en sachant qu'il y a deux volumes, ou même pavés, mais une fois qu'on est dedans, on ne peut plus quitter ce monde. Bonne lecture et bon voyage en Russie stalinienne!!!!

Ondatra - Tours - 42 ans - 27 août 2002


1600 pages de bonheur... 10 étoiles

J'ai lu ce livre il y a environ 2 ans, après moultes hésitations à cause de sa taille énorme, mais une fois que j'ai été plongé dedans, je n'ai pas pu en sortir ! Une prodigieuse saga à lire par tous ceux qui aiment l'Histoire...et la Russie !

Patman - Paris - 61 ans - 26 août 2002