Sympathy for the devil de Kent Anderson

Sympathy for the devil de Kent Anderson
(Sympathy for the devil)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Heyrike, le 31 décembre 2011 (Eure, Inscrit le 19 septembre 2002, 56 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (3 577ème position).
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"On a rencontré l'ennemi, l'ennemi c'est nous."

Hanson n'est pas né un 4 juillet. Jeune étudiant doué pour les études, il reçoit sa feuille de route un soir en rentrant de ses cours. Destination le camp d'entraînement de Fort Bragg. Là, règnent en maître les instructeurs qui usent de toutes les méthodes pour briser les jeunes appelés afin de les reconditionner, brimades, coups et humiliations sont de rigueur. Hanson envisage sérieusement de se rebeller contre ces traitements indignes. Jusqu'au jour où il aperçoit des hommes des forces spéciales paradant tranquillement, loin de l'effervescence du camp, inaccessibles. Une idée germe dans sa tête, battre l'armée à son propre jeu, découvrir le secret des seuls hommes libres de l'armée, ceux qui arborent si fièrement leurs bérets verts. Quitte à se battre, autant être libre pour mieux tenir en échec l'armée, lui démontrer qu'il n'est pas aussi stupide que tous ces bidasses dont elle se nourrit sur les champs de bataille. Le piège s'est refermé.

Après plusieurs mois d'entraînement intensif au sein des forces spéciales, Hanson est devenu opérationnel. La porte du Vietnam s'ouvre pour lui. Affecté dans un camp avancé, il découvre les méthodes très particulières des forces spéciales, notamment celle consistant à opérer en dehors des frontières du Vietnam tout en produisant de faux rapports pour éviter les investigations de la haute autorité militaire qui de son côté n'ignore pas leurs agissements. Un jeu de dupe savamment orchestré destiné à se défaire de toute responsabilité en cas de dérapage avéré.

Hanson s'est lié d'amitié avec Quinn et Silver, ensemble ils partagent tout ; à la vie, à la mort. Leurs nombreuses intrusions derrière les lignes ennemies se font en compagnie des Yards (une ethnie Vietnamienne longtemps persécutée, qui a pris le parti de rejoindre le camp américain) dont le chef, Monsieur Minh, fait office de chaman capable de prédire les événements à venir dans les entrailles de poulet.

Toute l'horreur et l'absurdité de cette guerre apparaissent aux yeux du jeune Hanson au fil des accrochages incessants avec l'ennemi. Seule la solidarité avec ses compagnons semble donner un sens à cette aventure macabre. Sa période d'engagement achevée, il retourne sain et sauf au pays. Sauf incontestablement, mais sain en aucune manière. Il tente de reprendre goût à la vie, mais très vite il perd pied. Le monde de son enfance a été annihilé par son expérience militaire, tout est devenu source de danger. Le moindre bruit l'effraie, sa relation avec sa compagne se détériore et des pulsions de rage et de violence l'amènent à agresser des inconnus. Hanson est devenu un chasseur, un tueur impitoyable. Seul le Vietnam est capable d'accepter ce qu'il est devenu, y retourner reste l'unique solution d'échapper au désastre.

Le Vietnam est devenu sa raison d'être, il se sait doué pour le boulot qu'on lui a confié, il y a mis toute son âme. Dans ce monde d'outre tombe, la raison n'a aucune signification. Ici l'ennemi a mille visages, c'est la jungle et le Vietcong, l'armée et sa hiérarchie où chaque commandement se méprise, mais c'est surtout celui qui est tapi au fond de chaque individu. Cet ennemi, certainement le plus mortel, s'est enraciné dans le cœur de Hanson, brûlant les moindres parcelles d'humanité, brisant tous les fondements de son éducation et de ses valeurs d'autrefois. Ce n'est pas une guerre qui fut perdue, mais toute une génération.

Un excellent récit, qui n'est autre que le parcours de l'auteur lui-même. La tragédie de la guerre du Vietnam est particulièrement saisissante dans cette histoire car elle prend à témoin le lecteur à travers le parcours de Hanson pour mieux en dessiner les contours. Le personnage n'est pas un va-t'en guerre, il n'a aucune vision politique ni idéologique sur les événements en train de se dérouler au Vietnam, il est emporté par l'histoire de son pays qui vit dans le mythe de la grande nation éprise de justice, vainqueur de la deuxième guerre mondiale.

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Les éditions

  • Sympathy for the devil [Texte imprimé] Kent Anderson trad. de l'anglais par Frank Reichert
    de Anderson, Kent Reichert, Franck (Traducteur)
    Gallimard / Collection Folio.
    ISBN : 9782070401970 ; 2,10 € ; 02/05/1997 ; 668 p. p. ; Poche
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Horreurs authentiques sur un ton léger

8 étoiles

Critique de Nav33 (, Inscrit le 17 octobre 2009, 76 ans) - 27 mai 2021

Je ne vais pas paraphraser les excellentes critiques précédentes . Je peux juste ajouter mon expérience de lecteur. J'avais été séduit par le 3e roman de Kent Anderson « Un soleil sans espoir » , (dont le titre en français ne me paraît d'ailleurs pas approprié car il débouche justement sur un espoir et une grande humanité). J'étais donc curieux de découvrir le passé de Hanson , l'alter ego de l'auteur. Je crois que si j'avais commencé par « Sympathy for the devil » je n'aurai pas poursuivi la lecture jusqu'au bout et cela malgré tout le talent narratif de l'auteur et l’authenticité et la puissance évocatrice et même souvent poétique de son récit. En effet , il est difficile de digérer presque 700 pages d'horreurs diverses , relatées la plupart du temps sur le ton léger qui était nécessaire aux protagonistes pour survivre. Une constante qui ressort est malgré tout un racisme envers les Vietnamiens qu'ils soient du Nord , Viet Cong ou engagés auprès des troupes américaines. Il y a une ambiguïté sur le fait que cette aversion est partagée ou non par l'auteur. Les troupes américaines ordinaires et notamment la 3rd Mechanic ne sont l'objet non plus d'aucune indulgence . C'est une unité de blindés dont la présence dans la jungle est totalement absurde et qui recrute les pires abrutis du contingent , ceux qui n'ont pas été capables de se faire affecter ailleurs . Ils sont finalement lancés dans une offensive dont l'unique objectif est de procurer une 2ème étoile à un général. Tous les militaires vivent par ailleurs dans une bulle importée des USA , imbibée de Coca Cola , de bière , de drogues et bercée par le rock des années 60 et paradoxalement les attributs du mouvement pacifiste. Transparaît également la fascination de l'auteur pour l'environnement technologique prodigieux , dans lequel ils évoluent et notamment les avions et les hélicoptères de combats décrits de manière incessante. Un spectacle fabuleux , mais qui n'est pas une fiction et qui ne doit pas faire oublier l'atrocité de la guerre à nous , lecteurs , qui n'avons pas l'excuse de devoir survivre , et ne devrions pas partager de manière innocente une excitation malsaine.

L'ange de la mort

10 étoiles

Critique de Poignant (Poitiers, Inscrit le 2 août 2010, 57 ans) - 6 novembre 2013

Hanson, brave petit étudiant américain des années 60, se fait rattraper par sa feuille de route pour l’armée. Le Viet-Nam est en ligne de mire.
Commencent pour lui des classes interminables. Des sous-officiers à la « Full Metal Jacket » y conditionnent de malheureux troufions à la guerre par un cocktail lourdingue de brimades et de d’exercices physiques. Dans cet univers qui le rabaisse et veut le transformer en sous-homme, Hanson croise un jour des bérets verts, libres et insouciants…

Paru en 1987, en pleine époque « Rambo », « Sympathy for the Devil » raconte l’histoire d’une machine à tuer qui lit de la poésie, est fasciné par un chaman montagnard, et aime l’odeur de la jungle avant le napalm. Ici pas de nationalisme imbécile, mais une ode libertaire aux anges de la mort, qui vivent dans l’Olympe de l’horreur et de la folle camaraderie.
De retour à la vie civile, l’ange déchu sombrera dans l’alcool, la came et les embrouilles minables. Il rempilera pour swinguer encore avec Lucifer sur la musique des Rolling Stones, de Jimi Hendrix, ou de Janis Joplin…
Kent Anderson est un pote du génial James Crumley (lire impérativement la préface). Il lui a fallu presque 20 ans de déboires et d’expérience de flic de bas-quartiers pour produire ce bouquin sombre et lumineux.
Il vaut mieux être prévenu, les 200 premières pages sont parfois difficiles à comprendre. L’entrée des enfers est étroite et escarpée. Mais ensuite, wouahou…
Les 200 dernières pages sont dignes des plus grands récits de guerre de Remarque ou de Malaparte. Et pour ce qui est du Vietnam, on est au niveau de Coppola ou de Kubrick.
Bref, quelques efforts pour un fascinant trip littéraire avec le diable.

P.S : Que fait ce roman en Folio Policier ?

Une plongée dans les ténèbres

9 étoiles

Critique de Monde imaginaire (Bourg La Reine, Inscrite le 6 octobre 2011, 51 ans) - 7 décembre 2012

Ce livre pourrait s’ouvrir sur cette fameuse phrase de Dante issue de sa Divine Comédie : « Toi qui entre ici abandonne toute espérance ».
C’est une lecture oppressante, une plongée au cœur des ténèbres et une piqûre de rappel de ce que la nature humaine a de pire en elle lorsqu’elle se frotte à l’absurdité d’une guerre.
Quand on lit Sympathy for the Devil, on est bien obligé de faire un parallèle avec Platoon et Full Metal Jacket, qui restent des monuments indétrônables en ce qui concerne la guerre du Vietnam. Certains dialogues m’ont d’ailleurs fortement rappelé le film de Kubrick.
D’ailleurs, je pense que le livre aurait gagné en force s’il avait eu une construction similaire à celle de Full Metal Jacket à savoir toute la formation pour devenir un soldat des Forces Spéciales dans une première partie et ensuite une deuxième partie mettant plus l’accent sur le Vietnam. Le récit souffre de trop de retours en arrière, on a parfois du mal à saisir tout ce qu’a pu ressentir Hanson.
Le vrai sujet de Sympathy for the Devil n’est pas la guerre du Vietnam, c’est la guerre tout court et ce qu’elle implique de déshumanisation, de perte d’identité, comme on peut le voir lorsqu’Hanson rentre chez lui. L’armée et la guerre ont fait de lui un étranger, quelqu’un qui a du mal à maîtriser sa colère.
Malgré son défaut de construction, ce livre est puissant, on le reçoit comme un coup de poing, un coup qui nous coupe le souffle et qui nous laisse pantelant.

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