Paris 1919-1939 : Art et culture
de Vincent Bouvet, Gérard Durozoi

critiqué par Stavroguine, le 24 décembre 2011
(Paris - 40 ans)


La note:  étoiles
Paris était une fête
Mode, art, architecture, culture… Ce joli livre permet de se plonger dans ce Paris des Années Folles sujet de tous les fantasmes.

En 1919, Paris se remet de la guerre en vainqueur et, dans ses rues, les Parisiens s’agitent en tous sens : les femmes se ruent dans les grands magasins qui ouvrent du côté de l’Opéra et les hommes dans les cafés de Montparnasse et de Montmartre où la vie artistique et littéraire bat son plein. Le soir, les couples se retrouvent et se forment dans les clubs de jazz où les cabarets, tandis qu’une faune plus interlope se retrouve en catimini dans des clubs échangistes et les maisons closes, ou dans les premiers bars gays, lesbiens ou transgenres qui ouvrent dans la Capitale, du côté de Boulevard de Clichy.

Ces clichés bien connus, on les retrouve évidemment dans cet ouvrage collectif qui a cependant le mérite de les mettre en contraste et d’évoquer d’autres aspects du quotidien de l’époque qui donnent à cette période une couleur moins criarde et toutefois rehaussée de teintes de réel.

Chacun des neuf chapitres qui composent le livre est confié à un spécialiste différent ; leur somme permet de se faire une idée de ce que pouvait être globalement le Paris d’autrefois. La premier chapitre, « La vie quotidienne », est certainement un des plus intéressants en ce qu’il évoque un aspect capital et pourtant souvent laissé de côté lorsqu’on se penche sur cette période : la vie du peuple, c’est-à-dire de ceux qui ne sont ni artistes, ni écrivains, ni même expatriés, et qui constituent pourtant – on a tendance à l’oublier – l’immense majorité de ce Paris des années 1919-1939. L’auteur nous présente les habitudes de consommation des Parisiens, leur répartition géographique en fonction de leurs revenus, leurs plaisirs quotidiens qui les entraînent bien plus vers les bals populaires et les montagnes russes qu’à la Rotonde… Sont aussi évoquées quelques faits divers notables de l’époque, l’apparition des congés payés et bien sûr, les différents troubles politiques qui animent la vie parisienne : défilés anarchistes et communistes et évidemment, les manifestations du 6 février 1934.

Les autres chapitres, soit les neuf dixièmes du livres, étudieront des aspects finalement plus anecdotiques mais qui restent aujourd’hui encore les symboles de ces folles années parisiennes. Un chapitre sera ainsi consacré à l’architecture et au rôle joué notamment par l’exposition universelle, un autres aux arts décoratifs et aux expositions coloniales, seront évidemment évoquées la mode et l’ouverture de toutes les grandes maisons françaises, l’émergence de la photographie et du cinéma reconnus comme formes d’art à part entière, évidemment la vie littéraire et intellectuelle sera évoquée à travers notamment les querelles entre dadas et surréalistes, l’omniprésence des artistes de la Lost Generation et de ceux, sur le terrain des arts plastiques, du Bauhaus qui côtoient entre autres Modigliani, Fujita et bien sûr Picasso. Un chapitre, peut-être le moins intéressant, est aussi consacré à la musique et le livre se clôt enfin sur l’évocation de ces lieux de débauche qu’étaient les clubs, les cabarets et les maisons closes.

Autant le dire, ce livre somme ravira tous les amoureux de Paris, les curieux et les autres. Toutefois, il sera victime de ses qualités : en donnant ainsi une vision globale de la Capitale durant vingt années, il néglige de se pencher sur les détails et de développer certains points. Tous les thèmes évoqués ci-dessus sont en effet traités en moins de quatre cents pages et l’ouvrage est largement – et brillamment ! – illustré d’un mélange de photos d’époque, d’affiches et d’œuvres d’art représentatives des courants évoqués. Bien entendu, dans ces conditions, certains courants, artistes et comportements ne sont étudiés qu’avec la plus grande brièveté au détour d’un unique paragraphe de sous-section. Les noms célèbres encore aujourd’hui et les figures les plus importantes de l’époque reviendront parfois en différents endroits ou se verront accordés quelques pages, mais pour la vaste majorité des acteurs de l’époque que la postérité aura négligé de consacrer, l’ouvrage se limitera parfois à un vaste name listing.

Il n’aurait sans doute pas pu en être autrement, du moins dans ce format-là, et le lecteur en est bien conscient quand il se plonge dans ce joli livre qui remplit toutefois parfaitement sa mission : plonger le lecteur au cœur des années folles. Ca ne se refuse pas !