Les derniers jours de Smokey Nelson de Catherine Mavrikakis

Les derniers jours de Smokey Nelson de Catherine Mavrikakis

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 20 décembre 2011 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (24 763ème position).
Visites : 4 980 

La Peine de mort aux États-Unis

Catherine Mavrikakis est née à Chicago en 1961 d’une mère française et d’un père grec élevé en Algérie. Depuis belle lurette, elle vit au Québec, où elle est devenue l’une de nos meilleurs auteurs. Avec son dernier roman, Les Derniers jours de Smokey Nelson, elle aborde la thématique de la peine de mort en vigueur dans 34 états américains. Comme son pays d’origine est devenu son champ d’exploration, l’auteure examine cette situation brûlante d’actualité

Apparenté à De Sang froid de Truman Capote, le roman s’attarde aux derniers jours de Smokey Nelson, un noir de 19 ans, qui a décimé une famille de deux enfants dans une chambre d’un motel d’Atlanta. Reconnu coupable, il attend depuis 20 ans l’exécution de sa sentence. L’auteure déborde le sujet pour englober ceux qui, de près ou de loin, sont reliés à cet incident tragique. À tour de rôle, chacun des personnages raconte comment le massacre de l’assassin le concerne.

D’abord apparaît Pearl Watanabe, qui découvre les corps dans le motel où elle travaillait. Elle croit qu’elle oubliera ce drame si elle retourne vivre à Hawaï, son état natal. Mais 20 ans plus tard, le temps la rattrape quand elle se rend à Chattanooga au Tennessee pour répondre à l’invitation de sa fille. Son séjour coïncide avec le jour de la mort de Nelson. Des souvenirs troublants ressurgissent d’autant plus qu’elle avait rencontré le meurtrier dans le parking du motel. Elle l’avait même trouvé charmant. Comment se débarrasse-t-on de ce rappel historique quand un cœur a battu pour un meurtrier ? C’est un fardeau dur à porter autant que ce l’était pour Staret Zossima dans Les Frères Karamazov. Et aimer un noir, c’est presque honteux en Géorgie. Mais à Hawaï, les sangs-mêlés, comme Obama, passent plutôt inaperçus. Pearl, elle-même, est née d’un père japonais, qui a tenu que sa fille efface par son prénom les stigmates de Pearl Harbor.

Pearl peut cependant se consoler d’avoir évité la peine de mort à Sydney Blanchard, un noir de la Nouvelle Orléans, qui fut emprisonné quelque temps avant qu’elle n’identifie Nelson comme auteur du crime. Vingt ans plus tard, il revient de Seattle après s’être recueilli sur la tombe de son idole Jimi Hendrix. Du même âge que le meurtrier, il ne peut oublier d’y avoir été associé. La poisse lui colle à la peau. Ses rêves se dissipent comme les nuages sous l’action du vent. Peut-il être noir et devenir un Jimi Hendrix même si le talent est complice de l’objectif ? Peut-il aspirer au bonheur quand, de plus, sa ville a été emportée par l’ouragan Katrina. Et pourtant il ne s’imagine pas ailleurs qu’à la Nouvelle-Orléans. À travers lui, l’auteure trace le sort des noirs, impuissants devant une nature et une culture qui les anéantissent.

Et quand on est le père de la mère de cette famille abattue froidement, que fait-on ? Il reste les consolations de la foi en un Dieu aux voies impénétrables. Comment se résigne-t-on quand la loi du talion crie vengeance ?

Il reste Smokey Nelson. Qu’a-t-il à dire pour se justifier ? Rien. Il attend la mort avec résignation, voire même avec plaisir. Ce sera la fin de son cauchemar. « Un vrai bonheur ! » Passer vingt ans derrière les barreaux est un calvaire pour lui et pour ceux qui l’ont côtoyé. Et c’est encore pire quand on est la sœur d’un homme qu’on aime malgré tout.

En somme, l’auteure raconte comment la vie américaine coupe la population de l’historicité que les individus voudraient se donner. Le racisme, la violence, la pauvreté, l’économie et la religion les empêche de s’accomplir entièrement. Seule la fille de Pearl croit au rêve américain même après le congédiement de son mari.

Ce roman frise la perfection. Bien ficelé, il raconte comment la vie peut être pénible même si la bonté sommeille dans le cœur des Américains. Cependant il aurait fallu que le profil psychologique de Smokey Nelson accorde plus d’importance à l’amont de sa personnalité.

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Questionnement sur la peine de mort

8 étoiles

Critique de Jordanévie (, Inscrite le 27 septembre 2022, 48 ans) - 11 janvier 2024

Dans ce livre, on retrouve les impressions à vif des personnes qui ont vécu de très près cette histoire liée à la peine de mort aux États-Unis.
Quatre personnages centraux vont converger autour d'un sordide meurtre d'une famille.
Il y a :
- Smokey Nelson, le meurtrier condamné à mort, qui ne regrette pas son geste.
- Sydney Blanchard, accusé à tort du meurtre, dont le "parler" est sans filtre.
- Pearl Watanabe qui est meurtrie par la découverte du corps des victimes.
- Ray Ryan, père de la mère de famille tuée, qui est dans une vengeance viscérale et compréhensive.
C'est un livre intéressant et qui amène à la réflexion sur la peine de mort.
Peut-on vraiment être formellement pour ou contre ?
Ce qui marque est la souffrance des proches des victimes ainsi que les personnes impliquées malencontreusement dans cette histoire et l'indifférence du criminel.
Le geste barbare de Smokey Nelson a fait chavirer la vie de toutes ces personnes.

Beaucoup de bruits pour rien

4 étoiles

Critique de Herman (, Inscrit le 17 novembre 2012, 67 ans) - 17 novembre 2012

J'ai acheté ce roman quelques semaines après sa parution. Je m'attendais à quelque chose d'exceptionnel, la critique ayant été dithyrambique. Mais se fier au buzz médiatique est souvent trompeur.
Ce qui se vérifie encore une fois avec ce roman mal fichu. écrit souvent à la diable. Les derniers jours de Smokey Nelson, de Catherine Mavrikakis, il est vrai, joue sur divers registres et niveaux de langage. En ce sens, on pourrait qualifier ce roman, oui, de "choral". Mais cela ne suffit pas pour autant à en faire "un grand livre". Le concert d'éloges dans la presse française qui a accompagné la sortie de ce roman, me semble pour le moins suspect. Ou les critiques se sont contentés de suivre le mouvement général et n'ont pas lu le roman jusqu'au bout - lequel en passant est assez ennuyeux, l'auteure étirant inutilement la sauce -, ou ces mêmes critiques font preuve d'une très grande complaisance à l'égard d'un livre qui souffre inévitablement de la comparaison avec les grands livres qui ont traité du même thème que sont Le chant du bourreau de Norman Mailer et De sang froid de Truman Capote. Un roman très très moyen, plébiscité par une presse guère exigeante - il est vrai que s'agissant d'un roman américain (?) écrit en français le style importe peu... Mais s'agit-il vraiment d'un "roman américain" ? Je pense qu'il faudrait plutôt parler, pour être honnête, dans le cas du livre de Mavrikakis, d'un "roman sur l'Amérique", ce qui permettrait d'expliquer, du moins en partie, la faiblesse du livre et son côté finalement assez peu vraisemblable et artificiel - je veux notamment parler de son utilisation de l'argot, qu'on dirait tout droit sorti d'un roman noir américain mal traduit.
En terminant, faut-il rappeler au public français que l'auteure a toujours vécu à Montréal, qu'elle est québécoise, et qu'elle n'a pratiquement jamais habité aux États-Unis, si on excepte les premiers mois suivant sa naissance à Chicago ! Cette précision ne me semble pas inutile, puisque l'auteure met en scène des personnages de l'Amérique profonde. N'est pas Roth qui veut !


Un condamné à mort, trois visages de l'Amérique

9 étoiles

Critique de Montréalaise (, Inscrite le 7 août 2010, 30 ans) - 15 janvier 2012

2008 (l'année même de l'élection de Barack Obama). Géorgie. Smokey Nelson, un détenu noir, sera bientôt exécuté pour avoir assassiné une famille blanche dans un hôtel, vingt ans plus tôt. Dans ce roman, nous suivrons néanmoins les points de vue de trois personnages concernés, trois races différentes, trois visages de l'Amérique.

Il y a celle de Sydney Blanchard, noir trentenaire de la Nouvelle-Orléans, fan de Jimi Hendrix, qui fut arrêté par erreur et relâché. Accompagné par sa bull-terrier blanche, il décide de retourner en Louisiane trois ans après le passage de l'ouragan Katrina. C'est le visage des Noirs Américains du Sud, souvent victimes de discrimination, de pauvreté et de mépris.

Il y a celle de Pearl Watanabe, métisse blanco-asiatique quinquagénaire, employée d'hôtel, qui fut une témoin importante et traumatisée du drame de 1989. Depuis ce jour, elle ne veut jamais retourner dans l'Amérique continentale, préférant le calme et l'harmonie multiethnique de son archipel hawaïen. Sauf qu'elle devra retourner au Tennessee rejoindre sa fille et ses petits-enfants. C'est le visage de l'Amérique métissée, progressiste et tournée vers l'avenir.

Il y a celle de Ray Ryan, vieux blanc ultra-conservateur de la Géorgie, qui veut venger l'assassinat de sa fille et de ses petits-enfants en assistant à l'éxécution du meurtrier. C'est le visage de l'Amérique WASP, raciste, ultra-religieuse et xénophobe.

Leurs destins se rencontreront à deux reprises, l'un en 1989, l'autre en 2008 et leurs vies seront bouleversées à jamais le jour même de l’exécution de Smokey. Mavrikakis signe là un roman d'une grande qualité stylistique et psychologique, rendant compte autant de la diversité des personnages que de celle de l'Amérique toute entière.

Une lecture qui vous plongera sans fatigue dans la réalité américaine.

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