Noires blessures de Louis-Philippe Dalembert

Noires blessures de Louis-Philippe Dalembert

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Jfp, le 18 décembre 2011 (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 75 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (27 251ème position).
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le dalembert nouveau est arrivé!

Amer, cruel, cynique, désabusé! Les qualificatifs ne manquent pas, pour caractériser le dernier opus de ce magistral écrivain francophone qu'est Jean-Philippe Dalembert. Ecrit au lendemain de la catastrophe qui a plongé son île natale (Haïti) dans le deuil et la désolation, "Noires blessures" décrit un monde sans pitié, où un bon petit soldat des organisations humanitaires (les fameuses ONG) s'avère un dangereux psychopathe, dont la conduite est dictée par des penchants bien éloignés de la cause qu'il est censé défendre. Qu'il s'agisse de l'adoption comme des relations hommes-femmes ou bien de maître à domestique, les apparences sont sauves, au nom du sacro-saint droit d'ingérence, cachant l'existence de relations entièrement basées sur le profit et la recherche du pouvoir, du côté des blancs expatriés, ou sur le simple besoin de survie du côté des populations "aidées". Rassurez-vous, braves gens, personne n'est épargné, ce n'est pas, surtout pas "La case de l'oncle Tom", ni même "La couleur des sentiments" et noirs et blancs en prennent chacun pour leur grade. D'une construction complexe mais néanmoins très facile à suivre pour un lecteur d'aujourd'hui ce roman noir, au sens propre comme au sens figuré du terme, explore et dénonce le passage trop aisé du Bien au Mal. Un cri!

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Désespoir pour horizon

6 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 20 juillet 2014

« Mamad est ligoté à la chaise, les bras solidement retenus derrière le dossier. Une corde de nylon de la grosseur d’un doigt d’adulte serpente autour de son corps, des épaules aux chevilles, glisse entre les barreaux et vient garrotter ses poignets. D’étranges tatouages couvrent son buste nu. Des stigmates, en fait, résultant de ses efforts pour se libérer … »

Ca commence fort, non ? Pas trop bien parti, le Mamad au début du roman ! Début qui est la fin plutôt, la surprise au cours du roman résidant dans le fait de savoir comment Mamad en est réduit à cette situation.
Car c’est qu’il est prometteur Mamad White, tout jeune, benjamin d’une famille très nombreuse qu’il est. Il est le seul à réussir un tant soit peu à l’école, si bien que rapidement, beaucoup – trop – d’espoirs sont placés sur ses frêles épaules : il devra réussir pour sortir sa famille du marasme dans laquelle elle végète, comme l’essentiel du peuple de ce pays d’Afrique insitué (mais là on ne prend pas beaucoup de risques avec l’Afrique, la misère générale y est assez … populaire). Il devra réussir et beaucoup, en terme quantitatif, est investi sur lui. Echec. En fait, Mamad qui ne réussit que par une phénoménale mémoire se trouve par elle trahi le jour du concours.
Qu’à cela ne tienne, seconde chance, second investissement, on rassemble pour lui les fonds nécessaires pour lui permettre de gagner le pays de Cocagne ; l’Europe. Second échec. Terrible.
Et puis Mamad finit par trouver un job alimentaire, pas tout à fait glorieux, mais néanmoins hors de la norme et lui permettant d’entretenir sa famille (le but initial tout de même) : boy d’un Français expatrié travaillant sur place pour une ONG animalière. Et c’est là que rentre en scène Laurent Kala, celui pour qui il travaille.
C’est la relation entre ces deux-là qui va constituer la chair du roman. Mais une chair avariée, partant d’un principe dévoyé qu’il ne faudrait pas étendre à l’ensemble des relations expatriés – locaux en Afrique. C’est que notre Laurent Kala, eh bien …, il a un grain ! Il n’est plus tout à fait lui-même …
C’est là où je mettrais un bémol au roman. Il nous entraine sur une pente désespérante et sans issue, mais à partir de personnalités (au moins celle de Laurent) marginales.
Un gros hic quand même.

Au nom du père

6 étoiles

Critique de Marvic (Normandie, Inscrite le 23 novembre 2008, 65 ans) - 7 mai 2014

Mamad est le dernier né d'une grande famille africaine; son père disparu juste après sa naissance, c'est sur lui que vont se reporter les espoirs de ses frères et sœurs et surtout celui de sa maman, prête à tout pour que son fils réussisse, prête à tous les sacrifices pour payer "l'écolage". Malheureusement cela ne suffira pas pour que Mamad réalise les ambitions de sa famille. Famille qui une nouvelle fois se sacrifiera pour essayer de le faire passer clandestinement en Europe.

Laurent Kala vit dans une famille banale à Paris. Son papa, passionné par la défense des droits de l'homme noir, est tué dans une manifestation... par un CRS noir. Laurent deviendra un homme perturbé, réussissant malgré tout ses études et obtenant un poste dans une ONG s'occupant de la défense des animaux. Égratignant au passage ces organisations :
"Lorsque je vis l'immeuble qui abritait, dans un arrondissement chic de Paris, l'ONG en question, j'eus du mal à faire le lien avec sa profession de foi."
La rencontre des deux hommes aura donc lieu en terre africaine où chacun restera dans le rôle assigné à leur naissance.

Le récit de la vie de Mamad donne malheureusement, une impression de déjà-lu. La survie de ces enfants, la volonté de s'en sortir grâce à l'éducation, les dés pipés dès le départ, l'émigration comme ultime recours et la promesse d'une vie meilleure, tout cela vécu par un jeune homme, courageux, sympathique, prêt à tout pour être à la hauteur des sacrifices des siens.
L'enfance de Laurent est elle aussi assez banale et le livre "commençant par la fin", on assiste à la montée du drame sans grande surprise.
Seules les toutes dernières pages m'interpellent. Preuve que tout est immuable et malgré ce qui s'est passé, le drame connu par les deux communautés, tout perdurera ?
"De toute façon, personne ne peut rien contre Monsieur Laurent. Les toubabs sont des intouchables."

Un livre dont j'ai apprécié l'écriture mais dont j'ai trouvé les personnages trop manichéens. Et je n'ai pas été surprise d'y retrouver une citation de Dany Laferrière car j'ai retrouvé une écriture similaire, et quelques points communs aux deux auteurs.

Racisme et colonialisme

6 étoiles

Critique de Aaro-Benjamin G. (Montréal, Inscrit le 11 décembre 2003, 54 ans) - 27 avril 2014

Ce roman raconte l’histoire d’une rencontre entre une victime et son bourreau. Une rencontre annoncée dès le début et qui a pour effet d’en diminuer le suspense. Le reste est consacré à dresser habilement les portraits de ces deux hommes opposés, l’un noir issu de la pauvreté africaine, l’autre blanc, français et aisé.

L’écriture est solide, parfaitement adaptée en tonalité pour traiter d’un sujet aussi grave. Néanmoins, je l’ai trouvé lente. Elle s’attarde souvent sur des faits banals pendant plusieurs pages, vagabonde et semble vouloir raconter une autre histoire.

Fatalité africaine

6 étoiles

Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 76 ans) - 19 janvier 2014

Dans un pays d’Afrique centrale non cité, Mamad, un jeune indigène, est homme à tout faire chez Monsieur Laurent, une belle situation qui lui permet de faire vivre toute une tribu qui dépasse le cadre sa propre famille. Il raconte sa vie, benjamin d’une importante fratrie, doué d’une excellente mémoire, il supportait tous les espoirs de la famille pour avoir en son sein au moins un élément capable de faire des études et de nourrir ce troupeau de crève-la-faim qui vivait dans une profonde misère mais avec une grande dignité. Trahi par sa mémoire, Mamad ne pourra jamais réaliser le rêve de sa famille, il obtiendra tout de même un bon revenu auprès de son maître pour nourrir toute sa tribu.

A la même époque de l’autre côté de la Méditerranée, un jeune Blanc noue une vraie complicité avec un père idéaliste contre le pragmatisme d’une mère acariâtre, mais le jour de la manifestation contre l’assassinat de Martin Luther King, ce père, nourri de la culture des Noirs au contact d’un soldat noir Américain qui lui a enseigné la boxe et le jazz, décède des suites d’un tabassage par un CRS. Le père avait eu le temps de transmettre ces deux passions à son fils qui écoute le jazz religieusement et s’entraîne à la boxe. Ce fils qui n’a jamais accepté la mort de son père sous les coups d’un CRS, d’un CRS noir ! Des voix le hantent et le martyrisent, il ne sait comment s’en débarrasser.

A travers ces deux histoires parallèles qui finiront par se rejoindre, Dalembert raconte l’histoire des pauvres Africains de la brousse démunis de tout sauf de leur dignité et l’histoire d’un petit Français dont le père a connu les affres de la guerre et de la libération. Deux histoires archi classiques racontées des centaines de fois depuis plus d’un demi-siècle. On y retrouve évidemment : le pauvre Noir exploité et battu par le mauvais Blanc, le Blanc cynique et exploiteur, qui ne respecte pas plus le pays que son peuple, le CRS cogneur et malfaisant, les contrebandiers peu soucieux de la conservation des espèces, … , la liste de tous les poncifs utilisés par de très nombreux auteurs depuis au moins Ferdinand Oyono . J’attendais plus d’originalité, plus de créativité, un traitement plus contemporain de ces questions de la part d’un auteur que j’avais déjà apprécié par ailleurs, même s’il reste un très bon conteur qui pourrait rivaliser avec de nombreux griots africains.

Ce texte est empli d’un désespoir immense, jamais les choses ne changeront, les Blancs domineront et mépriseront toujours les Noirs qui resteront toujours passifs, acceptant sans se rebeller les pires humiliations. On se croirait dans un autre temps, une autre époque même si on peut comprendre les vues de l’auteur, on peut désormais traiter ce sujet avec une autre perception. De nombreuses plumes haïtiennes ont montré depuis quelques décennies qu’il était possible d’écrire, sur ce sujet, de très beaux textes en sortant des sentiers par trop parcourus.

« Il paiera pour ses frères, il paiera pour ses sœurs, il paiera pour ses cousins, et jusqu’au dernier de ses descendants. Tant que la Terre sera, il paiera. Shosholoza. Il paiera. Shosholoza. Il paiera, il paiera, il paiera… »

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