Une possédée
de Làslo Németh

critiqué par Débézed, le 21 novembre 2011
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Un amour contraint
Une histoire toute simple, une histoire, hélas, très banale qui se déroule pendant la première moitié du XX° siècle, apparemment du moins, dans la campagne profonde hongroise, mais une histoire qu’ont connue de nombreuses jeunes filles et même certains jeunes gens, dans bien d’autres régions du globe et même encore à notre époque. Nelly, belle et jeune paysanne, fille unique d’une famille pauvre qui a déchu est contrainte par sa famille, son entourage et même les circonstances d’épouser Sandor, le riche héritier d’un vaste domaine, vantard, m’as-tu vu, qui poursuit des études dans la capitale pour devenir un fermier moderne. Et, évidemment, ce mariage arrangé, contraint, va vite dégénérer dans la déliquescence malgré l’amour admiratif et possessif que le jeune homme porte à sa femme adorée.

Pour raconter cette histoire, certes romanesque, mais surtout sociale qui dépeint à merveille le monde paysan hongrois, mal sorti de la féodalité, tel qu’il existait à cette époque, Làszlo Németh se glisse dans la peau de la jeune fille et écrit au féminin. Exercice qu’il réussit plutôt bien en livrant une véritable autopsie chirurgicale des sentiments et états d’âme de Nelly qui s’oppose de plus en plus à son mari au point de refuser l’amour physique qu’elle ne sait même pas si elle aurait pu l’apprécier avec un autre. Ce qui pose évidemment la question de l’éducation sexuelle des filles livrées en pâture à des maris souvent peu délicats. La femme doit s’offrir à son homme et est contrainte de subir sans jamais pouvoir choisir le moyen d’arriver au plaisir qu’elle n’atteindra de toute façon jamais. Le combat de Nelly est donc aussi un combat pour le choix de sa sexualité et de son exercice.

Ce livre se veut très certainement un réquisitoire contre le sort réservé aux femmes obligées d’accepter les choix qui étaient faits pour elles et de s’y plier. C’est sans doute pour cette raison qu’il dresse le portrait d’une fille orgueilleuse, fière et de plus en plus intransigeante qui rend toute solution impossible par son refus catégorique de se soumettre à ce mari qu’elle n’a pas choisi et dont elle ne veut pas. Mais certainement qu’au-delà de la condition féminine, Németh a voulu évoquer le refus de toute contrainte, la liberté d’opinion et de choix. Une façon détournée de s’élever contre les régimes totalitaires de quelque nature qu’ils soient.

Un roman donc sans surprise dont le dénouement est très convenu mais surtout un texte démonstratif qui analyse un processus de dégradation inéluctable qui pourrait laisser aussi sous-entendre que la destinée est bien difficile à contourner et qu’on n’y échappe pas facilement. Un livre peut-être un peu trop long pour conduire cette démonstration mais une si belle écriture, classique, claire et fluide qu’elle en rend la lecture aisée et bien agréable.