Philby : Portrait de l'espion en jeune homme
de Robert Littell

critiqué par Tanneguy, le 17 novembre 2011
(Paris - 84 ans)


La note:  étoiles
Une jeunesse anglaise classique, un destin exceptionnel
La vie de Harold « Kim » Philby est extraordinaire : ce fils de la gentry britannique éduqué à Cambridge comme il se doit, tenté par le socialisme comme cela se faisait , franchit le pas et se fit recruter par le NKVD (contre-espionnage soviétique) puis par le MI6 (la même chose côté britannique). Pour qui travaillait-il en réalité ? Le fait est qu’il dut donner sa démission du MI6, s’installer à Beyrouth, avant de se réfugier à Moscou où il termina sa vie en 1988 avant l’écroulement de l’Union Soviétique. Tout ceci fit la une des journaux en occident : on se souvient des « 5 de Cambridge » dont faisaient aussi partie Burgess et MacLean ainsi qu’Antony Blunt, démasqué tardivement alors qu’il travaillait dans l’entourage immédiat de la reine d’Angleterre.

Robert Littell (père de Jonathan des Bienveillantes…) est un romancier chevronné, spécialiste de l’espionnage, fin connaisseur de l’Union Soviétique où il résida plusieurs années comme journaliste. Il nous propose un roman passionnant sur la vie de Philby entre 1920 et 1950 : son engagement en Autriche dans l’opposition à Dollfuss, son recrutement, sa guerre d’Espagne comme correspondant du Times du côté de Franco, etc… Les faits sont réels, mais l’auteur imagine qu’ils nous sont rapportés par divers témoins : son ami Burgess ou ses officiers traitants côté soviétique par exemple. L’effet est remarquable, car il y a aussi des faits imaginaires, comme par exemple la scène où Staline, défendant bec et ongles « son » espion contre l’avis de ses services du NKVD, envoie les responsables desdits services vers une purge définitive conformément aux habitudes de l’époque.

J’aime beaucoup Robert Littell (que j’ai découvert grâce aux Bienveillantes) et je me suis « jeté » sur cet ouvrage dès sa parution. Je l’ai dévoré en deux jours, j’y ai pris grand plaisir, y ai appris quelques détails sur l’affaire Philby et je suis resté avec une question insoluble murmurée par l’auteur sur la base de témoignages inédits : Philby était-il un agent double, voire triple ? Tout ceci mérite une « note » élevée à mon avis.