Amère patrie, tome 1 :
de Lax (Scénario), Frédéric Blier (Dessin)

critiqué par Shelton, le 1 novembre 2011
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Un bijou...
Trois artistes se réunissent pour nous permettre de lire une bande dessinée de grande classe qui mérite de toute évidence notre attention, notre affection et notre admiration. Lax au scénario, Fred Blier au dessin et Meephe aux couleurs pour un drame qui se déroule tout simplement dans le monde. Et, pourtant, nous sommes bien dans un récit intime, profond, qui touche au cœur des personnes…

Ce volume initial, il n’y en aura que deux, permet de découvrir quelques-uns des personnages qui vont être les acteurs de ce drame. Inutile de vous cacher bien longtemps la nature exacte de cette tragédie, il n’y a pas de suspense, c’est de la guerre qu’il s’agit. Pas n’importe laquelle, la grande, la « préférée » de Georges Brassens.

Il y a deux façons de la présenter, cette grande tuerie. Soit on parle histoire, politique, diplomatie et cela devient une grande opération, avec des alliances, des ruptures et des mésalliances. Les morts ne sont que des pertes et profits devant l’Histoire. Soit on choisit des femmes et des hommes et on les suit dans un récit. Tout devient différent, parfois plus difficile à vivre et lire, mais on est plongé dans l’humanité et qu’importe les vainqueurs et vaincus, seule la souffrance des personnes reste dans nos mémoires…

Lax a choisi ce dernier angle pour aborder la guerre. Il commence dans cet album par parler de deux lieux géographiques. L’un au Sénégal, une terre qui va fournir de très nombreux combattants qui viendront mourir pour la mère patrie. L’autre, un village de la Haute-Loire, profondément agricole, avec des paysans qui viendront, eux aussi, mourir par milliers, par millions, pour cette Patrie avide de sang. Dans chacun des lieux, on voit émerger des femmes et des hommes dont on mesure qu’ils seront les clefs du récit, plus tard…

Il y a Ousmane Dioum, le jeune sénégalais. Il est pêcheur, une activité périlleuse. Il sera témoin d’un dramatique accident de pirogue qui va bouleverser sa vie. Mais il a la « chance » de croiser la civilisation française. Il va apprendre à écrire et lire, il deviendra tirailleur sénégalais et manipulera des armes…

Il y a Jean Gadoix, braconnier et fils de paysans. Un accident d’attelage le pousse à reprendre plus vite que prévu les affaires de la ferme en mains. Ce n’est pas grave car il n’allait pas trop souvent à l’école.

D’autres personnages sont là, Ousmane et Jean vont connaître l’amour et ils se seraient bien passés de la guerre. Il faut dire que l’un et l’autre connaissent quelques difficultés avec leur environnement, un peu comme si les gens n’aimaient pas voir le bonheur s’installer chez les autres…

Ce premier album, de toute beauté, se termine sur la certitude de Jean, partagée avec tant d’autres : « Faut pas s’en faire ! … ça nous prendra quelques jours pour botter l’cul des Boches et tout rentrera vite dans l’ordre… c’est ce que tout le monde pense, et moi avec ! »

Le dessin de Fred Blier est presque parfait, d’une grande précision et il libère une émotion touchante qui ne laissera personne indifférent.

Une série que tout un chacun devrait avoir chez soi pour la lire et la relire chaque fois que le monde semble aller mieux. Ne vous fier pas aux apparences, juillet 1914 était un joli mois d’été…