Roman sans titre de Du'o'ng Thu Hu'o'ng

Roman sans titre de Du'o'ng Thu Hu'o'ng
(Tieu thuyet vô dê)

Catégorie(s) : Littérature => Asiatique

Critiqué par Elya, le 30 octobre 2011 (Savoie, Inscrite le 22 février 2009, 34 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 4 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (15 087ème position).
Visites : 4 591 

Vietnam, communisme, guerre

Cela faisait quelques années que je n'avais pas lu Duong Thu Huong. Il est vrai qu'elle réitère toujours les même thèmes : la guerre au Vietnam (pendant et après), le communisme (en tant qu’engouement mais aussi désillusion), les valeurs familiales, la place de la femme, l'amour... Mais quel bonheur de retrouver sa plume (et celle de sa traductrice) exceptionnelle, à la fois tranchée, cruelle mais aussi poétique et d’une sensibilité rare.
« Je garde d’elle le souvenir d’une eau fraîche qu’on verse d’une noix de coco dans une jarre »
« Il régnait une odeur qu’aucune littérature ne saura jamais dépeindre. »

Nous voilà à nouveau plongé dans la Guerre du Vietnam, après la terrible offensive de 1968. Quân est capitaine, nous suivrons son parcours, mais nous apprendrons aussi son passé, les liens qu’il tisse et a tissé, avec son frère de sang et tous ses autres frères de cœur. Ces soldats sont dépeints, malgré les assauts, les tueries, les tortures, comme des hommes profondément humains. Quân connaitra, comme tout son peuple, la faim qui tiraille, les morts qu’on pleure, les maladies qui ravagent, la solitude qui pèse, mais aussi, le poids des responsabilité, l’envie de vengeance…
« Par quel miracle cet endroit avait-il survécu à tant de bombardements ? Une beauté irréelle. Un éclat de satin sur la chemise déchiquetée et rugueuse de la guerre. »

Les mères et leurs souffrances sont très présentes comme toujours dans l’œuvre de Duong Thu Huong « Les larmes de nos mères nous torturaient, nous brûlaient davantage à mesure que nous prenions conscience de notre atroce indifférence ».

Duong Thu Huong nous arrose à nouveau de phrases, d’images très fortes, pour ne jamais oublier…

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Guerre au Vietnam

9 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 28 avril 2012

Guerre au Vietnam. Quoi de plus banal en réalité pour un petit pays si souvent en butte à des envahisseurs ou des malveillants. Rien que dans la seconde moitié du XXème siècle, entre la libération de l’occupation coloniale, contre la France, puis contre les Américains qui voulaient éradiquer le communisme, puis contre les Khmers rouges du Cambodge dans le sud du pays, puis encore un petit coup contre les Chinois dans le nord du pays, … Petit pays incroyablement courageux qui doit se demander ce qui lui arrive depuis une trentaine d’années tout au plus qu’il est en paix ! (l’admission du Vietnam à l’ONU ne date que de 1977 !)
Ici c’est de la plus grosse de ces guerres dont il est question, celle contre les Américains. Duong Thu Huong sait de quoi elle parle puisqu’à l’âge de dix-huit ans elle – Duong Thu Huong est une femme - dirigeait une brigade de la jeunesse communiste envoyée au front. A vrai dire c’est tout le pays qui était en guerre, depuis le dernier de ses habitants jusqu’aux brins d’herbe qui ont subi l’arrosage de défoliants …
« Roman sans titre » c’est l’histoire de la vie pendant la guerre, à travers le filtre de Quân, capitaine d’une unité de combat, envoyé par son supérieur, Luong, originaire du même village, retrouver et tenter de sauver de la folie un autre coreligionnaire de leur village, Bien, enfermé comme fou.
Quân va traverser une partie du pays pour retrouver Bien, c’est son périple. Il va le retrouver. Le ramener provisoirement à un état normal, mais c’est la guerre, avec ses chienneries, son sauve-qui-peut, son lot de misères ou de petites chances …
A travers ces pérégrinations, c’est l’occasion pour Duong Thu Huong de dénoncer l’absurdité de la guerre, sa cruauté et le cynisme, parfois, de ceux qui la manipulent. Pas étonnant – ce dernier point notamment - que cela n’ait pas plu au pouvoir communiste qui refusera de publier ce roman au Vietnam, qui l’exclura du parti Communiste et finira par l’emprisonner. Depuis 2006, elle vit et publie en France. Nul doute que son aura soit importante au Vietnam où la littérature est très respectée.

Moyen

5 étoiles

Critique de Mcchipie (, Inscrite le 16 mai 2007, 47 ans) - 4 mars 2012

Quatrième de couverture :

Quân est envoyé par son supérieur Luong auprès du soldat Biên, dont on dit qu’il est devenu fou dans quelque infirmerie. Cette folie, quasi ordinaire dans un Vietnam mis à feu et à sang, n’est pas au centre des préoccupations. Mais Quân, Luong et Biên se connaissent depuis l’enfance. Ils partagent le souvenir de la paix, quand chacun pouvait encore rêver d’avenir...

Un roman majeur contre la guerre, où l’on retrouve l’écriture ciselée de la romancière vietnamienne.

Mon avis :

Un roman sur la barbarie de la guerre et de l'endoctrinement. De belles descriptions de paysage, mais au final, un roman qui me laisse indécise. Trop de passages où le personnage principal part dans ses délires, dans ses rêves philosophiques.

Le roman qui valut à l'auteure l'emprisonnement...

10 étoiles

Critique de Myrco (village de l'Orne, Inscrite le 11 juin 2011, 74 ans) - 2 février 2012

… dans les geôles du pouvoir communiste.

Je pourrais reprendre à mon compte l'excellente critique d'Elya.

Bien qu'il soit moins connu et nettement plus court que les deux romans considérés, à ce jour, comme ses oeuvres majeures "Au zénith" et le magnifique "Terre des oublis", j'avais beaucoup apprécié "Roman sans titre" lu il y a quelques années. Je viens de le relire, car venant d'achever sur le même thème "Le chagrin de la guerre" de Bao Ninh, j'avais envie de mettre les deux romans en perspective.

De fait, sur le plan du récit de guerre, bien qu'il n'y ait dans celui-ci aucune scène de bataille à proprement parler, le récit de Duong Thu Huong n'en est pas pour autant plus édulcoré. Chacun apporte sa contribution de scènes fortes, marquantes; les deux auteurs témoignent du même vécu, des mêmes souffrances, du même ressenti de la guerre; sur elle, sur ceux d'en haut, ils portent le même regard désabusé, et cette convergence accrédite l'authenticité de leur expérience. Duong Thu Huong, engagée dans le théâtre des armées, a aussi connu, pendant des années, la vie quotidienne de ces soldats, la faim, les charniers, la vie terrée dans la jungle, dans les souterrains, sous les bombardements. . .
Néanmoins, si l'auteure puise sa matière dans la même réalité, elle sait aussi la transcender par quelques scènes visionnaires qui marquent profondément notre imagination et affirment la puissance de son talent littéraire.

Mais là où Bao Ninh faisait le choix ambitieux et radical de sublimer, par la création littéraire, son vécu en noir chant de désespérance, Duong Thu Huong fait le choix de s'impliquer avec toute la force combattive qu'on lui connaît dans une attaque frontale du régime: dénonciation virulente des privilèges, de l'hypocrisie, du cynisme sans fond d'une classe dominante qui méprise le peuple, dénonciation de la manipulation par des dirigeants qui ont utilisé -des deux côtés- les mêmes ressorts pour que s'entretuent les jeunes gens d'un même peuple. . .
Dès lors, on ne s'étonnera pas que la vindicte des dirigeants d'un pouvoir autoritaire se soit acharnée contre elle. Suite au refus des maisons d'édition de Hanoï de publier "Roman sans titre", elle le fera passer en France où il sera édité en 1991. Quelques mois plus tard, elle sera arrêtée et emprisonnée sous l'accusation "d'avoir volé des secrets d'état et de les avoir vendus à l'étranger "(il s'agissait en fait de "Roman sans titre").

Au final, je n'émettrai pas de préférence pour l'un ou l'autre titre. Écoutons-les comme un chant qui s'élève à deux voix. Simplement, la voix de la femme, dans sa gourmandise de la vie, son aptitude à positiver cette souffrance infinie nous invite-t-elle peut-être, quelque part à nous battre pour toujours faire triompher la vie face à toute "cette saloperie".

Soulignons aussi toujours, avec Elya, cette prose de Duong Thu Huong qui nous ravit, entre autres dans la liaison qu'elle établit entre toutes les formes de la matière, inerte ou vivante, minérale, végétale ou animale. Voici les mots qu'elle prête à Quân, son héros, après un épisode de fièvre qui aurait pu lui être fatal :
"J'avais ramassé mes tranches de vie perdues, j'avais bu un peu de ciel bleu au fond d'une tasse. . . Peut-être, je repousserais comme un brin de paddy épargné, pliant sous la haine et les tempêtes, mais fleurissant quand même en épi ?"

P.S: Je recommande très vivement, pour cette lecture, le volume "Oeuvres" paru dans la collection "Bouquins" de chez Robert Laffont, qui, pour un excellent rapport qualité/prix réunit quatre de ses romans dont "Terre des oublis" et offre en outre une très intéressante préface, signée Antoine Audouard , qui met magnifiquement en perspective l'oeuvre et la personnalité, la vie de l'auteure. Je n'ai pas réussi à référencer cette édition ci-dessus mais vous la trouverez en regard de la fiche consacrée à la critique du roman "Les paradis aveugles".

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