Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar

Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar

Catégorie(s) : Littérature => Francophone , Littérature => Romans historiques

Critiqué par Jules, le 4 janvier 2001 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 26 avis)
Cote pondérée : 9 étoiles (76ème position).
Discussion(s) : 2 (Voir »)
Visites : 19 513  (depuis Novembre 2007)

Un régal ! Quelle Intelligence, quel style !

Hadrien a été empereur à Rome de 117 à 138 après J.-C. Il est établi que Yourcenar s’efforça de ne faire dire à son personnage que ce qu’il aurait dit, ou aurait pu dire.
Si, parfois, des paroles ou des pensées nous paraissent de notre époque c'est, en partie, parce que les questions qu’Hadrien abordent sont évidentes et font partie intégrante des hommes de tous les temps et même de l’Histoire.
L'Empereur est vieux et malade, dans sa " Villa Hadriana " un peu à l'extérieur de Rome (ses vestiges existent toujours et valent le détour). Il passe sa vie en revue mais avec un certain recul, sans passion. Il médite sur le corps humain, la maladie, mais aussi l’amour et dit : " Il n’est pas indispensable que le buveur abdique sa raison, mais l’amant qui garde la sienne, n'obéit pas jusqu'au bout à son dieu. " Le jugement de l’histoire sera fait par ses actes. Cela ne lui plaît pas beaucoup, mais il reconnaît que c’est le seul moyen de juger un homme parmi les autres " puisque c'est peut-être l'impossibilité à s'exprimer et à se modifier par l'action qui constitue la différence entre l’état de mort et de vivant. ".
Il parle de ses parents, des Grecs, qu’il aime tant.Pour lui, il est évident que l’incessant accroissement de l'empire est une forme de cancer qui finira par le tuer (à comparer avec les idées d’Hélène Carrère d'Encausse sur l’Union Soviétique).
A la mort de Trajan, il accédera enfin au pouvoir. Son but est de tenter de reculer la fin de l’empire romain, qu’il sent cependant comme inévitable.
De l’esclavage il dit : " Je doute que toute philosophie du monde parvienne à supprimer l'esclavage : on en changera tout au plus le nom. Je suis capable d'imaginer des servitudes pires que les nôtres, parce que plus insidieuses : soit qu’on réussisse à transformer les hommes en machine stupides et satisfaites, soit qu’on développe chez eux un goût du travail aussi forcené que la passion de la guerre chez les races barbares. A cette servitude de l'esprit, ou de l'imagination humaine, je préfère encore notre esclavage de fait ".
Il verra le développement de la religion chrétienne, qu’il n'aime pas. La croissance de cette religion reviendrait pour lui à mener le monde à la décadence à cause de sa volonté d'égalité entre les hommes.
Une dernière citation : " Plus l’Etat se développe, enserrant les hommes de ses mailles exactes et glacées, plus la confiance humaine aspire à placer à l'autre bout de cette chaîne immense l’image adorée d'un homme protecteur. ". Nous voici un peu revenu à la pensée de Dostoïevski, Camus et Rimbaud, mais par un autre biais.
Ce livre est une réflexion sur l'homme, l’amour, l'art, la mort, la politique et l'Histoire. L'intelligence d’Hadrien et de Yourcenar affleure tout au long des pages. Laissez-vous aussi porter par cette écriture qui vous donnera un plaisir aussi sensuel et savoureux qu’un morceau de chocolat que vous laisseriez fondre, lentement, entre la langue et le palais.

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Sublime

10 étoiles

Critique de Bookivore (MENUCOURT, Inscrit le 25 juin 2006, 41 ans) - 10 juin 2021

J'ai découvert ce merveilleux roman sur les conseils d'une ancienne collègue de boulot, qui me savait grand lecteur (on me voit souvent avec un livre entre les mains), et qui l'était elle aussi. Au cours d'une petite discussion sur nos goûts littéraires, elle me demande si je connais ce livre, je réponds non (sauf de réputation, comme son auteur(e), dont je n'avais alors rien lu encore), et elle me le conseille ardemment, utilisant même le terme de "bonbon" pour le décrire.
Pendant ma pause déjeuner, je file à la FN*C du coin, juste à côté, et je l'achète (c'est le genre de livre qu'on trouve très facilement). Je le commence un jour ou deux plus tard, et je n'arrive pas à le lâcher tellement j'accroche.
L'histoire, c'est une partie de la vie de l'empereur romain Hadrien (son fameux mur en Ecosse... sa belle histoire d'amour et d'amitié avec ce jeune éphèbe, Antinoüs...).
Le coup de génie de Yourcenar, c'est de l'avoir écrit comme s'il s'agissait vraiment des mémoires d'Hadrien (ne manquent plus que des mentions du style [lacune du texte] insérées de ci de là pour parfaire l'illusion). Or, Yourcenar a été obligée de broder, d'inventer, de fictiviser (bizarre, ce mot, mais j'assume) les mémoires, vu que l'on ne sait sans doute pas grand chose de la vie d'Hadrien, pas autant que ce qui est raconté ici.
Mais pendant la lecture, on a vraiment l'impression de lire un texte antique tout juste remanié pour qu'il soit plus accessible au lecteur contemporain.
Un grand roman. Même si je préfère encore plus "L'Oeuvre Au Noir".

Le Sceptre et la Plume

9 étoiles

Critique de Elko (Niort, Inscrit le 23 mars 2010, 47 ans) - 14 février 2021

C’est un très beau roman qui mêle avec bonheur la grande histoire et la littérature. Marguerite Yourcenar apporte tout à la fois précision de la langue, poésie, profondeur introspective et travail documentaire sérieux.

Choisir l’autobiographie fictionnelle d’un empereur romain permet d’aborder à la fois la grandeur d’une figure historique et l’intimité d’un homme. Et quel personnage qu’Hadrien ! Cet inlassable administrateur, comptable d’un demi-monde, en constante mission diplomatique ou militaire de l’Orient à la Bretagne, des steppes d’Europe centrale à l’Égypte, mais aussi indéfectible amoureux de la culture grecque, reste un homme soumis aux mêmes passions que le commun. A ceci près qu’il a le pouvoir de commanditer l’exécution des fâcheux ou l’institution d’un culte divin à un amant disparu.

Magistral!

Un Grand Livre

10 étoiles

Critique de Cédelor (Paris, Inscrit le 5 février 2010, 52 ans) - 29 décembre 2020

Voilà un livre intelligent qui nous touche personnellement à travers des questionnements et des constats sur ce qui fait l’existence et qui sont aussi les nôtres. Ils sont exprimés par le moyen d’une lettre de l’empereur romain Hadrien, au début du 2ème siècle après J-C, à son petit-fils, qui sera aussi un jour empereur, Marc Aurèle. Ce dernier n’a qu’un rôle très passif de destinataire de la lettre. C’est ce que veut lui rapporter Hadrien dans sa lettre qui compte, pour son édification (et la nôtre).

Il s’y révèle un homme intelligent, raisonnable, réfléchi, lucide, mystique. Qui s’intéresse à l’astronomie, aux sciences, aux arts, à la marche de monde, grand politique à la fois clairvoyant et humble, rempli de certitudes et de doutes sur ce qu’il accompli et compris de sa vie. Un empereur philosophe, très humain dans ses faiblesses et pourtant d’une conscience humaine bien au-dessus du commun, qui s’interroge et questionne souvent sur le sens de la vie et qui a peur de la mort.

Est-ce que le véritable Hadrien était-il réellement comme il se décrit dans ce livre ? On a parfois une sensation d’incrédulité qu’un homme de son temps, aussi haut placé qu’il l’était, puisse avoir une vision philosophique de l’existence aussi élevée et pénétrante. Marguerite Yourcenar a passé des années, toute une vie presque, à écrire ce livre d’anthologie, en puisant à de multiples sources qu’elle donne dans ses carnets de notes, appendice aux Mémoires d’Hadrien. Tout un monumental travail de recherches et de réécriture, qui a abouti à ce monumental chef d’œuvre.

En dehors de la précision historique indéniable qui permet de nous immerger dans le monde du IIème siècle reconstitué au plus fidèlement possible tel qu’il était alors avec les divers personnages qui ont vécus en même temps qu’Hadrien et qui sont presque tous historiques, l’auteure a aussi mis beaucoup d’elle-même et de ses propres réflexions dans la pensée d’Hadrien, qui exprime ainsi des concepts qui ne semblent pas être de son temps. Le véritable Hadrien n’était certainement pas ainsi mais qu’importe. C’est fidèle historiquement et rempli à chaque page de réflexions d’une grande richesse de jugement, du plus grand intérêt.

Et la beauté du style dans lequel cette longue lettre fictive est écrite ajoute à notre plaisir. C’est tout en une prose de belles lettres à la fois mélancolique et nostalgique. Le tout donne une perfection jamais atteinte dans le genre roman historique, une œuvre unique, un Grand Livre. Une perfection littéraire qui n’évite toutefois pas certaines longueurs ici ou là et qui n’enlève rien à sa qualité littéraire et son intérêt historique et philosophique.

Chef d'oeuvre !

10 étoiles

Critique de Thorpedo (, Inscrit le 22 octobre 2009, 44 ans) - 23 mars 2020

Quel régal que de lire et relire ce livre.
Le style est absolument unique, d'un lyrisme splendide et suave.
Le fond est tout aussi brillant que la forme; réflexions politiques, philosophiques, sociales et juridiques ; tout y est.
J'ai beaucoup appris sur le principat d'Hadrien; j'ai même cru, l'espace de 300 pages, que je le lisais.
Un livre à lire, absolument !

Un puits de sagesse bienveillante

10 étoiles

Critique de Chiron (, Inscrit le 1 août 2019, 34 ans) - 1 août 2019

J'adore ce livre - un de mes préférés - et surtout la sagesse et l'humanisme qu'on y perçoit dans les premières pages. J'ai l'impression qu'une grand-mère bienveillante m'en fait la lecture.

On a vraiment peine à croire que ce récit, très limpide, a été travaillé et retravaillé sans cesse.

Au final un livre à lire et à relire, toujours avec un grand plaisir.

Bonnes lectures!

Ennuyant..

5 étoiles

Critique de Fabs (, Inscrit le 17 novembre 2011, 39 ans) - 12 juin 2019

Certes c'est certainement un recueil historiquement très documenté, fruit de dizaines d'années de recherche. Certes l'histoire est riche et (trop) bien écrite.
Mais le récit manque de peps! Le choix d'une biographie avec un narrateur à la première personne y est sans doute pour beaucoup, l'écriture ronflante aussi. Clairement le style et l’enquête historique ont pris le pas sur le récit... Dommage pour le lecteur!

On s'y croirait

6 étoiles

Critique de Bernard2 (DAX, Inscrit le 13 mai 2004, 74 ans) - 27 octobre 2016

Marguerite Yourcenar s'exprime à la première personne, et fait donc parler directement Hadrien. La précision des actions évoquées, la pertinence des pensées sont le résultat d'un impressionnant travail de recherches. Cet empereur mystérieux nous apparaît plus vivant que jamais. Ce qui est supposé ou inventé est d'ailleurs signalé à la fin de l'ouvrage.
C'est après avoir visité la villa d'Hadrien à Tivoli que j'ai souhaité lire ce livre. D'où ma note simplement moyenne, car sans cette visite (passionnante) l'intérêt de la lecture aurait sans doute été moins évident.

Histoire racontée par soi-même

6 étoiles

Critique de Isad (, Inscrite le 3 avril 2011, - ans) - 21 décembre 2014

Un empereur romain écrit une longue lettre à son successeur pour lui raconter à la fois sa vie sans fard et lui donner des conseils sur l'art de gouverner qui est affaire de circonstances. Hadrien dit ainsi sa vérité sur son accession au pouvoir, ses appuis auprès de la femme de son prédécesseur, ses adversaires, ses amants, ses batailles, ses chagrins, ses manœuvres politiques, ses constructions, ses préoccupations ésotériques, poétiques ou artistiques ainsi que ses aspirations au suicide devant la douleur. Un bel hommage à soi-même qui se veut objectif. Il n'épargne pas les quelques erreurs d'appréciation et les brefs moments de découragement lors de la perte d'un être cher.

Le livre est intéressant avec des descriptions sur la difficulté à pacifier tout ce monde conquis par les romains. Cette plongée dans l'histoire du point de vue d'un personnage historique est loin d'être ennuyeuse.

IF-1214-4307

Le pouvoir, l'âge, la stratégie, la psychologie

9 étoiles

Critique de Veneziano (Paris, Inscrit le 4 mai 2005, 46 ans) - 24 juillet 2014

Marguerite Yourcenar fait donc vivre Hadrien, pour le faire analyser sa propre gestion du pouvoir impérial, alors qu'il prend en âge. Il évoque les stratégies, tant personnelles, politiques, que militaires. L'écrivaine dépeint sa psychologie de manière précise, comme quelqu'un de serein et de vigoureusement maître de soi, amateur d'histoire et de philosophie, intelligent et intellectuel.
Ce roman historique de nature biographique, rédigé à la première personne, nous replonge dans le monde de l'Empire romain du IIème siècle après Jésus-Christ, à une époque où les puissances barbares commencent à poindre, d'où son inquiétude sur la pérennité de l'Empire. Des connaissances assez solides sur l'histoire antique s'avèrent relativement utiles pour la compréhension de ce livre. J'avoue avoir dû me documenter, pour être certain d'apprécier les éléments et allusions rapportés. Il n'est donc pas intégralement grand public, ce qui en fait une oeuvre austère. C'est dommage, car elle s'avère éminemment brillante, pour les raisons rappelées ici avant moi. Il mérite sa réputation.

l'empereur et marguerite

10 étoiles

Critique de Jfp (La Selle en Hermoy (Loiret), Inscrit le 21 juin 2009, 75 ans) - 17 août 2013

Dans ces mémoires fictives d'un célèbre empereur romain, Marguerite Yourcenar dévoile l'étendue de ses talents, tant littéraires que culturels, une culture que l'on pourrait sans honte taxer de "scientifique" tant elle est passée au crible du doute et du raisonnement contradictoire. D'une érudition basée sur une connaissance approfondie des lettres "classiques", étayée par de nombreuses sources dévoilées en fin d'ouvrage, elle tire cette confession, adressée au futur Marc-Aurèle. L'empereur, vieillissant, réfléchit sur son règne, ses campagnes militaires destinées à consolider l'empire dans ses frontières orientales, sa sagesse en matière de politique mais aussi ses errements lorsqu'il s'agit de savoir qui est ami ou ennemi, toutes choses dont il veut faire profiter celui qu'il souhaite voir lui succéder, un jour peut-être, si le Sénat de Rome veut bien suivre ses plans. Derrière l'homme avide de plaisirs et jouissant pleinement de la vie, malgré la maladie, apparaît un personnage porteur d'une vision sur le long terme, sachant mettre sa stratégie au service non de son intérêt personnel mais de celui de la nation qu'il est en charge de gouverner. C'est donc aussi d'un traité politique qu'il s'agit, dont les hommes et les femmes de cette classe qui nous gouverne feraient bien de s'imprégner. La vision d'Hadrien par Marguerite Yourcenar est avant tout un message adressé aux lecteurs d'aujourd'hui, plus qu'un travail d'historien. L'homosexualité, chère au cœur (et au corps) de l'auteure est présente en filigrane sans jamais être nommément désignée, comme dans cet autre ouvrage remarquable qu'est "L'œuvre au noir", mais les temps ne sont pas les mêmes, et ce qui causait la perte de l'homme de la Renaissance constitue ici le "piment" de la vie d'un des derniers "hommes libres" de l'Antiquité. Dont acte…

Comment le roman peut-il écrire l'histoire?

9 étoiles

Critique de Fa (La Louvière, Inscrit le 9 décembre 2004, 48 ans) - 21 juin 2011

Nous avons ici affaire à un grand roman, tant sur le plan du style que sur le fond.

Le pari de Marguerite Yourcenar est d'écrire la vie de l'Empereur Hadrien telle qu'elle aurait pu être, sur la base de sources largement décrites dans la note de fin de volume. Ce roman parvient à dresser un tableau convaincant, vivant, de l'Empire à l'époque d'Hadrien, sur le plan politique spirituel ou culturel. Evidemment, et Yourcenar ne le nie pas, le roman reste écrit au XXème avec les questionnements que cela implique.

Une des questions essentielles reste le rapport de l'homme à l'absolu : les dieux se délitent et le christianisme ne marque pas encore l'Empire de son empreinte. Certes les hommes continuent de croire (ou faire semblant) à l'Empereur et à son caractère divin, mais on sent que le coeur n'y est pas, surtout lorsqu’on s'élève vers les hautes sphères du pouvoir où l'Empereur lui-même est face au vide. Yourcenar pose remarquablement la question de savoir ce que peut faire l'homme une fois seul face à lui-même et au poids de ses responsabilités.

Sur le plan du style, magnifique, tout simplement.

Pour conclure je vous recommanderai de ne pas faire l'impasse sur les notes collationnées en fin de volume. Elles illustrent et amplifient cet excellent roman.

Un portrait trop indulgent ?

6 étoiles

Critique de Grégoire M (Grenoble, Inscrit le 20 septembre 2009, 48 ans) - 10 juin 2010

Malgré (ou à cause de) l’immense travail documentaire, je n'ai pas senti vivre Hadrien. Le regard que porte sur lui Marguerite Yourcenar est trop indulgent, trop lissé, trop ethnocentré (si l’ethnocentrisme s’applique aussi aux âges historiques). Tout ce qui pouvait heurter notre esprit cartésien ou écorner l'image de l'empereur et ne pouvait être soustrait aux faits historiques y est édulcoré. On a trop souvent l’impression que c’est Marguerite Yourcenar qui nous parle et pas son personnage. Ainsi, l’astrologie n’est qu’un à côté de l’étude et la contemplation des astres, Adrien s’est livré aux sciences divinatoires sans vraiment y croire, la divinisation de la personne de l’empereur peut être théorisée en rapprochant le pouvoir de l’empereur sur terre à celui des dieux, nulle mystique en cela. De même, l’ambition du futur empereur était entièrement portée par le devoir et n’avait rien de personnelle et même si il y a eu des manigances ou des complots lors de son accession au pouvoir, ce ne pouvait être qu’à son insu.
Un portrait monolithique que j'ai lu avec un certain ennui même si la richesse historique et le souci de reconstitution reste indéniable.

Une écriture époustouflante

9 étoiles

Critique de Mieke Maaike (Bruxelles, Inscrite le 26 juillet 2005, 51 ans) - 26 décembre 2009

Dès les premières lignes, on est happé par la puissance de l'écriture. Par ses phrases sublimes, Yourcenar parvient à élever au rang de l'universel chaque acte, pensée, émotion, doute, réalisation de cet empereur romain. « La vie m'était un cheval dont on épouse les mouvements, mais après l'avoir de son mieux dressé ». Car c'est bien de la vie d'Hadrien dont il s'agit, écrite avec une précision déconcertante, basée sur un époustouflant travail d'historien, au point que l'auteure conclut son roman par une longue note détaillant ses sources et indiquant les passages relevant de la fiction par défaut de données historiques adéquates.

Malgré la grande qualité de ce livre, il manque à mon sens la petite étincelle qui aurait permis au lecteur de se passionner lui aussi pour ce personnage de l'Antiquité, de se voir titiller sa curiosité pour progresser à un rythme plus grand dans cette biographie et de tourner les pages avec une plus grande avidité. Il faut plus aborder cette œuvre comme un essai historique voire un traité de philosophie que comme un roman, raison pour laquelle je ne lui mets pas 5 étoiles, avec beaucoup de regrets tant l'écriture est superbe et l'histoire, magistrale.

Mais qu'à cela ne tienne, je reste subjuguée par la beauté de certains passages que je ne me lasse pas de relire, tel que celui-ci: « Avec la plupart des êtres, les plus légers, les plus superficiels de ces contacts suffisent à notre envie, ou même l'excèdent déjà. Qu'ils insistent, se multiplient autour d'une créature unique jusqu'à la cerner tout entière; que chaque parcelle d'un corps se charge pour nous d'autant de significations bouleversantes que les traits d'un visage; qu'un seul être, au lieu de nous inspirer tout au plus de l'irritation, du plaisir ou de l'ennui, nous hante comme une musique et nous tourmente comme un problème; qu'il passe de la périphérie de notre univers à son centre, nous devienne enfin plus indispensable que nous-même, et l'étonnant prodige a lieu, où je vois bien davantage un envahissement de la chair par l'esprit qu'un simple jeu de la chair. »

Ni dieux, ni maîtres (ou comment Hadrien est Yourcenar)

8 étoiles

Critique de L'archer vert (, Inscrit le 19 janvier 2006, 43 ans) - 4 juillet 2009

« Les dieux n'étant plus, et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été. »

C'est cette phrase, tirée de la correspondance de Gustave Flaubert, qui poussa Marguerite Yourcenar à entreprendre l'écriture de ce livre, les mémoires de l'empereur romain Hadrien. Au seuil de la mort, Hadrien écrit au futur Marc Aurèle (celui qui meurt au début de GLADIATOR, pour vous situer ;-) ), souhaitant lui laisser un testament biographique et philosophique. Hadrien revient sur sa vie, son enfance en Espagne, son travail de longue haleine sur les frontières germaines et à Rome pour gagner les grâces de son cousin Trajan afin que celui-çi l'adopte et qu'il puissent lui succéder comme empereur. Il revient également sur son règne, comment il stoppa la soif conquérante de Trajan afin de moderniser et d'asseoir la puissance de l'Empire, sa vision humaniste du pouvoir. Il revient également sur le grand drame de sa vie, le suicide de son jeune amant, Antinoüs.
Yourcenar souhaite dépeindre et restituer les pensées d'un homme lucide, qui se serait éloigné des automatismes de pensée des religions. L'Hadrien de Yourcenar est un réaliste, qui regarde la vacuité de la vie humaine droit dans les yeux. Il se sait mortel, mais sait qu'il peut laisser une trace dans l'Histoire -voire peut-être l'influer. Plutôt qu'a celui d'un (ou des) dieu(x), il s'expose au jugement de ceux qui le suivront. Une pensée très moderne, sans doute très éloignée du véritable Hadrien, bien que son règne fut celui d'un lettré réformateur et bâtisseur (il fait partie de ce qu'on appelle des « cinq bons empereurs » qui se sont succédés jusqu'à Marc Aurèle). Autobiographie fictive -mais excellemment documentée-, le livre en révèle en fait plus sur la vision de la vie de Marguerite Yourcenar que sur celle d'Hadrien.

Long mais beau

6 étoiles

Critique de Norway (Entre le Rhin, la Méditerranée et les Alpes !, Inscrite le 7 septembre 2004, 48 ans) - 29 avril 2009

Je suis assez d'accord avec l'avis de Béatrice, à savoir que le discours de l'empereur Hadrien est assez long. J'aurais aimé quelques soubresauts pour rester en haleine jusqu'au bout. Heureusement qu'il ne s'agissait pas d'une lecture obligatoire, celle que l'on avait au lycée...

Cependant le style de Marguerite Yourcenar est une merveille, il coule de source et entraine le lecteur vers la beauté esthétique de la grande littérature.

Voyage dans l'Antiquité romaine

10 étoiles

Critique de Avada (, Inscrite le 26 avril 2007, - ans) - 28 octobre 2008

Je viens de finir « les Mémoires d'Hadrien » et je suis enchantée d'avoir enfin lu ce très beau roman. Pendant des années, j'ai repoussé cette lecture car je n'avais pas aimé « l'Oeuvre au noir » que j’ai dû lire trop jeune.

L'entrée dans « les Mémoires d'Hadrien » est difficile tant la culture de Yourcenar est immense et son écriture riche, travaillée, sans concessions aux clichés littéraires. J'ai lu, dans les carnets de notes adjoints (édition Gallimard) que Yourcenar avait passé beaucoup d'années à écrire ce livre, recherchant tout ce qui avait été écrit sur Hadrien, visitant tous les lieux importants dans la vie de l'empereur et trouvant l'inspiration dans la contemplation des oeuvres d'art liées à son histoire. Le livre est le résultat d'un travail énorme. Il est donc naturel que le lecteur ait des difficultés à pénétrer dans cet univers, comme dans celui de Proust par exemple.

J'ai aimé le roman d'amour, le roman historique, le roman philosophique et psychologique. Mais ce qui m'a le plus touchée, c'est que j'ai réalisé, grâce au livre, quelle richesse culturelle représentait l'empire pour les Romains. Il est tout à fait extraordinaire qu'Hadrien ait passé si peu de temps à Rome, choisissant de visiter tous les pays conquis et de découvrir la singularité de chacun, tout en y apportant les rénovations et embellissements nécessaires.
Finalement, le roman offre au lecteur un véritable voyage dans l'Antiquité et la pensée antique.
Par contre, j'ai été assez surprise de constater que le narrateur de Yourcenar jetait un regard plutôt négatif sur sa vie passée... alors qu'il me semble avoir eu une existence magnifique et passionnante !

Un roman qui réconcilie l'histoire et la littérature.

Merci encore à Jules d'avoir recommandé aussi chaudement ce livre !

Roman ou essai ?

6 étoiles

Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 5 octobre 2008

Le portrait d’un sage et le récit de son cheminement vers la sagesse. Le pouvoir ne l’a pas corrompu. Cependant, le genre roman et l’attente qu’il suscite me pose un problème. J’attendais des personnages. Bon, il n’y a pas de personnages. Je m’attendais à de changements de rythme, de perspective, de ton. Mais ce monologue est trop monocorde à mon sens.

Sublime écriture

10 étoiles

Critique de Arval (Papeete, Inscrite le 8 mars 2008, 55 ans) - 14 mars 2008

Sublime écriture, sublime auteur. A l'instant où j'ai refermé ce livre, j'ai voulu le relire de suite. On ne peut que saluer avec humilité une telle preuve d'amour, d'érudition et de respect d'un auteur envers son personnage.

magistral

10 étoiles

Critique de Happy (, Inscrite le 22 novembre 2007, 51 ans) - 5 février 2008

Un vrai choc, quelle femme que cette femme.

Je ne vais pas commenter ce que d'autres ont dit mieux que moi.

j'espère seulement découvrir d'autres récits aussi puissants et évocateurs, ma vie de lectrice sera comblée.

Hadrien, empereur romain

9 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 8 décembre 2007

Qu’est-ce qui a bien pu pousser Marguerite Yourcenar à se lancer dans une telle oeuvre, à intérioriser d’une telle manière l’empereur Hadrien au point de nous livrer cette « vie » d’Hadrien, à la première personne, sans effets de manche mais sans aucun doutes non plus quant à la véracité de son histoire ? Quelles tranquilles certitudes ont pu venir l’habiter pour nous imposer cette histoire, sans remises en cause possible, qui est fort probablement l’Histoire ?
« Mémoires d’Hadrien » n’est pas précisément le genre d’oeuvre facile à lire, qu’on dévore soutenu par la curiosité d’un rebondissement à venir ou d’une fin qu’on n’imagine pas. Il faut au contraire absorber page à page, digérer progressivement cette somme de ce qui a dû être une gigantesque enquête, que Marguerite Yourcenar nous délivre de manière têtue et inexorable. Quelqu’un a évoqué un morceau de chocolat qu’on laisse lentement fondre sous la langue … oui c’est cela, ou plutôt un caramel, un qui ne fond pas vite et qu’on garde très longtemps.
« Mémoires d’Hadrien » a fait partie pour moi de ces livres qui me mettent « en panne », comme un bateau encalminé. Je perds mon rythme (plutôt boulimique en la matière) et je regarde avec désespoir les pages se tourner trop lentement, la pile des « en-attente » croître, incapable que je suis alors de lire vite. Le caramel est là, il faut qu’il fonde. « Belle du seigneur » de Cohen m’avait fait cet effet aussi, dans une moindre mesure.
« Mémoires d’Hadrien » c’est un bloc, un monolithe. Et du dur. Marguerite place, et sensément, dans la bouche et le raisonnement d’Hadrien des choses inouies et qu’il faut digérer.
Là, Hadrien n’est pas encore Empereur :

« Nous connaissons encore assez mal la configuration de la terre. A cette ignorance, je ne comprends pas qu’on se résigne. J’envie ceux qui réussiront à faire le tour des deux cent cinquante mille stades grecs si bien calculés par Eratosthène, et dont le parcours nous ramènerait à notre point de départ. »
De quoi peut bien parler Yourcenar, là. Je ne suis pas féru en grec antique et ne connais pas cet Eratosthène. Aurait-il imaginé la terre ronde ? ?

Mais Marguerite Yourcenar ne néglige pas pour autant la forme. Il y a une belle écriture, poétique par moments :

A certains jours, sur la steppe, la neige effaçait tous les plans, déjà si peu sensibles ; on galopait dans un monde de pur espace et d’atomes purs. Aux choses les plus banales, les plus molles, le gel donnait une transparence en même temps qu’une dureté céleste. Tout roseau brisé devenait une flûte de cristal. »

Il y a sans arrêt de grands moments d’intelligence et de réflexion. C’en est fatigant !

« J’aurais voulu reculer le plus possible, éviter s’il se peut, le moment où les barbares au-dehors, les esclaves au-dedans, se rueront sur un monde qu’on leur demande de respecter de loin ou de servir d’en bas, mais dont les bénéfices ne sont pas pour eux. Je tenais à ce que la plus déshéritée des créatures, l’esclave nettoyant les cloaques des villes, le barbare affamé rôdant aux frontières, eût intérêt à voir durer Rome. »

En exergue, Marguerite Yourcenar s’explique sur l’oeuvre et sa genèse. Ca a été de toute évidence sa grande oeuvre. Ecrite et réécrite sans cesse, commencée à vingt ans en 1924 ;

Ce livre a été conçu, puis écrit, en tout ou en partie, sous diverses formes, entre 1924 et 1926, entre la vingtième et la vingt-troisième année. Tous ces manuscrits ont été détruits, et méritaient de l’être. »
« Travaux recommencés en 1934 ; longues recherches ; une quinzaine de pages écrites et crues définitives ; projet repris et abandonné plusieurs fois entre 1934 et 1937. »

« En tout cas, j’étais trop jeune. Il est des livres qu’on ne doit pas oser avant d’avoir dépassé quarante ans. On risque, avant cet âge, de méconnaître l’existence des grandes frontières naturelles qui séparent, de personne à personne, de siècle à siècle, l’infinie variété des êtres, ou au contraire d’attacher trop d’importance aux simples divisions administratives, aux bureaux de douane ou aux guérites des postes armés. Il m’a fallu des années pour apprendre à calculer la distance entre l’empereur et moi. »

« Il m’a fallu des années pour apprendre à calculer la distance entre l’empereur et moi. » Finalement, c’est en 1951 que sortira la première édition !

Oui une vie serait justifiée par l'écriture d'un tel livre...

10 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 79 ans) - 11 juin 2007

Merci à C.line et aux autres auteurs des critiques qui ont tous, me semble-t-il apprécié ce livre. Rien ne pouvait me rendre plus heureux en matière de littérature.

"Que dire après cela ?" C'est vrai ! Mais aussi, que lire après cela ?...

Seuls de très grands auteurs comme Camus, Faulkner, Dostoïevski ou quelques autres peuvent tenir la route face à une telle femme et une telle oeuvre.

Celui qui passe à côté sera passé à côté de quelque chose de très important.

J'ose dire que ce livre est à la littérature ce que "Guernica" est à la peinture.

que dire après ça ?

10 étoiles

Critique de C.line (sevres, Inscrite le 21 février 2006, 46 ans) - 31 mai 2007

Rien... on se sent petit... tout petit...
Marguerite Yourcenar donne corps et vie à cet empereur avec un foisonnement de nuances incroyable.
Ici, pas question de n'envisager Hadrien que comme un dirigeant ... Mais bel et bien comme un homme à part entière avec ses joies, ses souffrances, ses doutes, ses obligations, ses conflits intérieurs, ses amours...
Lire les mémoires d'Hadrien c'est lire l'âme d'un homme qui tente de tout mener de front dans un souci d'équité et de justesse. Mais comment concilier tout ça dans la Rome antique ?

Un CHEF D'OEUVRE !!!!

Inégalable

10 étoiles

Critique de DM (, Inscrit le 5 avril 2004, 50 ans) - 5 avril 2004

L'écriture de ce seul livre suffirait à justifier une vie. Bien plus qu'un roman historique, je n'ai jamais rien lu de comparable. Il mériterait dix étoiles. Marguerite Yourcenar nous parle de l'homme, d'un homme avec cette lucidité qui la caractérise. Elle regarde l'existence en face et ne baisse jamais les yeux.

Une pierre a tremblé

10 étoiles

Critique de Renardeau (Louvain-la-Neuve, Inscrite le 6 avril 2001, 66 ans) - 9 décembre 2001

Elle l'a rendu vivant, si vivant. Davantage que beaucoup d'entre nous. Pas oublié, mais statufié dans la grandeur d'autrefois, glacé pour l'éternité, Yourcenar l'a réchauffé de son écriture magnifique, illuminant une vie éteinte au panthéon des souvenirs d'Histoire ... Pour croire que la vie continue, que l'empreinte d'un homme du passé est celle de la chair et du sang ...

Vivre libre en étant au pouvoir ?

10 étoiles

Critique de Claude S. (Wavre, Inscrit le 7 août 2001, 60 ans) - 8 décembre 2001

Etre empereur et vivre sa vie ? Le pouvoir corrompt, prétend-on. Mais Hadrien, successeur de Trajan, nous donne une leçon de stratégie impeccable, toute pétrie de logique, de psychologie humaine et de curiosité vis-à-vis des Autres. Prince lettré, grand voyageur, il fut également un bâtisseur (comme tous les Romains, me direz-vous!) et un protecteur des arts et des philosophes. L'écriture de Yourcenar propose une lecture de nos problèmes modernes (guerre, crise du pouvoir, culte de la personnalité, etc.)à travers cette "fausse" autobiographie, avec une telle richesse et une telle connaissance de cette société, que tous les Antiquistes devraient l'avoir lu.

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