Le pigeon voyageur de Meir Shalev

Le pigeon voyageur de Meir Shalev
(Ywnah wnaʿar)

Catégorie(s) : Littérature => Moyen Orient

Critiqué par Pucksimberg, le 15 octobre 2011 (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 44 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (13 104ème position).
Visites : 6 109 

La maison, comme retour aux sources

J'ai longtemps hésité avant de lire ce roman de 500 pages qui reposait sur l'une de mes piles de livres, sans doute parce que son titre ne m'attirait pas tellement. En effet, je craignais de lire un reportage sur des pigeons voyageurs ! En fin de compte, j'ai dévoré ce roman plutôt lent, mais beau par les comparaisons et les symboles filés par Meir Shalev. Ce journaliste-écrivain a d'ailleurs obtenu le National Jewish Book en 2007, ainsi que le prix israélien Brenner en 2006, prix prestigieux selon les informations que j'ai pu glaner sur internet.

Yair, le personnage principal de ce roman, est guide touristique en Israël. Il est profondément marqué par la perte de sa mère et s'adresse régulièrement à elle dans cette oeuvre en la tutoyant. Le lecteur a donc accès à l'intimité de ce personnage par les confidences qu'il fait à sa mère. Yair est marié à Liora, mais n'a pas oublié Tirzah la jeune fille avec laquelle il jouait dans son enfance et avec laquelle il connut ses premiers émois.

Parallèlement à ces histoires de famille, Meir Shalev raconte la belle histoire naissant entre une jeune fille et "le Bébé", jeune colombophile comme elle. Par ce biais, l'auteur décrit cette activité avec précision sans jamais ennuyer le lecteur, mais plutôt en tissant des liens entre les animaux et les humains. Le pigeon n'incarne pas dans notre culture un oiseau noble et nécessaire pour l'homme. J'avais pour ma part des souvenirs lointains d'une nouvelle sur un pigeon de Susskind qui ne me donnaient pas envie d'adopter ce volatile ! Dans ce roman, cet oiseau devient attachant, précieux entre les mains de ces colombophiles. Il permet l'amour, demande des soins, suscite l'angoisse et se trouve parfois en péril, tout ceci pour servir le message qu'il transporte. Les idées ont des ailes dans cette oeuvre ! L'écrivain indique par exemple comment cet oiseau parvient à arriver à bon port, question que je ne m'étais jamais posée, mais à laquelle je n'avais auparavant aucun réponse ! L'intérêt ne repose évidemment pas sur l'apprentissage de ces savoirs, mais sur la symbolique qui se construit progressivement.

La quête du colombier s'associe à la quête d'une maison pour l'homme, à ce sentiment d'être bien chez soi. Cette quête s'ancre en plus dans une logique familiale, Yair veut construire sa propre maison, suite à une idée lancée par sa mère.

Les idées et les personnages s'entremêlent, le passé vient éclairer le présent et le pigeon incarne à la fois l'errance, l'attachement à sa demeure et devient un lien romantique entre deux êtres. L'amour est au centre même de ce roman ( amour maternel, amour charnel, amitié ... ). Meir Shalev ne tombe pas dans les clichés, ne peint pas des êtres manichéens et certaines scènes sont de véritables trouvailles que je n'avais, à ce jour, jamais trouvées dans un roman.

Un roman qui se savoure, sa lenteur permet de s'imprégner des idées des personnages. Ces pigeons voyageurs séduisent le lecteur et reflètent un monde qui n'existe plus.

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Colombophilie israélienne ? Davantage …

9 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 10 octobre 2013

Prenez un mélange dosé 50/50 de John Irving et de William Boyd. Placez-le en incubation en Israël. Sommez-le d’écrire et vous obtenez Meir Shalev. L’originalité et le sens de l’humour décalé de nos deux gaillards susnommés plus leur solide sens de l’intrigue et de l’histoire au long cours (sur ce plan l’exact inverse d’Hubert Mingarelli). Plutôt anglo-saxon que français en terme de tendance …
Histoire au long cours, oui c’est bien le cas. Il s’agit de celle de Yair qui nous fait découvrir celle de « Bébé ». Tous deux sont israéliens et toutes nos histoires vont concerner ce pays. Pas forcément ethnocentriques pour autant, le fond de ces histoires déborde largement le cadre étroit du pays.
Le « pigeon voyageur » en la matière est un vecteur (vous me direz … !), efficace sans être barbant. Il semblerait que Meir Shalev ait de solides connaissances en la matière à moins qu’il ne se soit très sérieusement documenté. En tout cas nous découvrons ce monde particulier de la colombophilie, ainsi que du soin à apporter à l’élevage de ces animaux plus que particuliers … Et qu’est-ce qu’ils font ces pigeons voyageurs ? Ils transmettent des messages n’est-ce pas ? Finalement un départ tout trouvé pour engager des histoires au long cours.
Yair. De nos jours, cet israélien, mal marié à une femme d’affaires d’origine américaine qui le traite en inférieur, mène une vie douce-amère de guide touristique. Sa mère vient de mourir, gros déchirement pour lui, et lui a laissé en héritage la mission de se trouver un habitat pour lui, avec des caractéristiques bien définies – et pas si sottes – avec une manne financière lui permettant d’assouvir ce désir. Il prend ce faisant conscience de sa vie un peu absurde, un peu ratée. Mal marié, il passe à côté de beaucoup de choses. Il s’en rend d’autant plus compte que dans le cadre de sa recherche et de la remise en état de la demeure trouvée, il renoue avec un amour enfantin, Tirzah …
Et les pigeons voyageurs me direz-vous ? On y vient. On y vient …
Les pigeons voyageurs, c’est « Le Bébé » qu’ils concernent. Le Bébé – c’est son surnom – est mort durant la guerre d’indépendance, en 1948, jeune soldat exerçant la fonction d’agent de liaison colombophile. Et le rapport avec Yair ? Vous n’imaginez quand même pas que je vais vous déflorer l’histoire ! Sachez simplement que Yair est amené à creuser cette histoire, celle de Bébé, et que c’est lui qui va nous la raconter.
Vous le constatez, ce roman déborde largement l’aspect purement israélien de la question. En fait soyons clair, il y est beaucoup question d’amours et de mort. La vie quoi …
Meir Shalev a du souffle et parvient parfaitement à gérer ces deux très longues histoires décalées dans le temps. Il a du souffle, comme John Irving et William Boyd.

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