La grande désillusion
de Joseph Eugene Stiglitz

critiqué par Oburoni, le 9 octobre 2011
(Waltham Cross - 41 ans)


La note:  étoiles
Keynes trahi
Il y a un étrange paradoxe dans les institutions économiques internationales nées des accords de Bretton Woods. Actions collectives et financées par le contribuable, créées pour contrer les méfaits du marché elles sont en effet devenues, au cours des dernières décennies, des organisations surpuissantes au point d’être antidémocratiques, dogmatiquement motivées par une vue ultra-libérale du marché, supposé fonctionner pour le bien de tous uniquement s'il est entièrement laissé à lui-même. Un paradoxe qui a, malheureusement, des conséquences désastreuses quant à la façon dont la mondialisation fonctionne comme le montre ici Joseph Stiglitz.

Prix Nobel d'économie (2001), ancien conseiller de Bill Clinton et ancien vice-président de la Banque mondiale l'homme a beaucoup à dire, et il ne se prive pas.

Tapant surtout sur le FMI "La grande désillusion" n'est pourtant pas une facile et énième caricature antimondialiste. Il s'agit d'un regard de l'intérieur fascinant, une suite d'analyses pertinentes qui permettent de repenser le capitalisme, prôner un retour aux sources loin de la sauvagerie hypocrite telle qu'il se pratique à l'heure actuelle.

Si la main invisible d'Adam Smith n'est pas de la magie tombé du ciel mais, bien au contraire, un mécanisme qui ne peut fonctionner que sous certaines contraintes bien précises (l'existence d'infrastructures garantissant l’accès à la propriété privée etc...) ces contraintes ont été complètement ignorées par les partisans du tout laisser-faire, experts financiers dirigeant les institutions citées et à l'esprit critique et d'analyse à peu près aussi étroit que le Consensus de Washington. Joseph Stiglitz se montre là cinglant : imposer des mesures économiques dogmatiques sans même prendre en compte les particularités des sociétés auxquelles elles vont s'appliquer est plus qu’aberrant et antidémocratique, cela a des répercussions catastrophiques.

De l'éducation ruinée des jeunes générations de certains pays africains aux problèmes des réformes agraires en Amérique latine les exemples se multiplient, rendant le réquisitoire implacable : le FMI, plus que de trahir l'idéal keynésien dont il est né, a complètement échoué dans l'une de ses missions premières qui est de réduire la pauvreté. Pire : lire les pages consacrées à la Russie (qui a suivi les directives des dites institutions) en parallèle avec celles sur les dragons asiatiques (qui, au contraire, se sont montrés plus critiques et distants) est aussi hautement instructif. On y découvre à quel point le dogmatisme idéologique des partisans du marché libre ne fit qu'aggraver les crises.

Un livre éclairant et passionnant. Une critique certes sévère de toute une idéologie mais qui, par les alternatives libérales qu'il offre constitue, aussi, une note d'espoir rafraichissante quant à l'avenir de la mondialisation. A lire absolument.