Des étoiles à terre : la rubrique astrologique du Los Angeles Times : étude sur une superstition secondaire
de Theodor Wiesengrund Adorno

critiqué par Radetsky, le 7 octobre 2011
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Un dérivé de l'opium du peuple : la superstition
La bataille contre les supercheries de l'astrologie ne date pas d'aujourd'hui... : Pierre Bayle, Fontenelle, Voltaire, pour ne citer que le domaine français, ont analysé, ridiculisé, démoli pièce par pièce un édifice qui remonte aux premiers âges de l'humanité. Même les Grecs, pères de la philosophie occidentale, abritaient dans leur société les parasites ordinaires et organisés de l'irrationnel : Pythie, Oracles, Sybille, occupaient le créneau laissé vacant par le mutisme obligé des dieux. Le désir humain immémorial de se soustraire au sort, au fatum , à l'arbitraire de l'existence, s'est toujours avidement reporté vers quiconque faisait semblant de lui donner une clef d’interprétation, une ouverture, une connaissance du futur, un remède aux incertitudes du sort. On retrouve tous les mobiles et toutes les instrumentalisations propres à ces pratiques dans les modernes horoscopes que la presse continue de déverser dans les cerveaux réceptifs.
Theodor Adorno, exilé aux Etats-Unis après la prise du pouvoir par les nazis, a abondamment travaillé sur les problèmes sociologiques de son temps, tout en poursuivant son oeuvre créatrice de philosophe et de musicologue.
C'est ainsi qu'il s'est attaché, entre 1952 et 1953, à dépouiller la rubrique astrologique (l'horoscope) du Los Angeles Times , analysant dans ses fondements et ses intentions une véritable entreprise de crétinisation des masses, consciemment entretenue et développée par les instances médiatiques et politiques ayant tout intérêt à ce que le bon peuple se satisfasse de bobards rassurants et se tienne tranquille, en ne cherchant pas plus avant les causes réelles de son existence aliénée.
Toutes les ficelles de cet attrape-nigauds sont tour à tour débusquées, analysées, dénoncées, tant dans les désirs inconscients que dans les rapports sociaux entretenus par les sociétés de masse. On sourit, on rit parfois franchement, alors que la situation semble porter au plus franc pessimisme, Adorno ne se privant jamais de manier l'ironie et le sarcasme à l'égard des manipulateurs. On ne prêche que les convaincus, dira-t-on... Cependant, ce petit traité ordinaire sur la superstition pourrait se révéler l'antidote indispensable aux jeunes générations, toutes classes sociales confondues, puisqu'il est avéré que des gens très "comme il faut" et bardés de diplômes ont encore recours aux âneries d'un autre âge de la divination.
Le traducteur a donné comme équivalent du titre anglais original (The Stars down to Earth) "Des étoiles à Terre", alors qu'il semblerait plus correct d'introduire l'article défini : "... à LA Terre", mais ce pourrait être l'objet d'une autre discussion...