Jeanne du métro, Purification ethnique & Répétition permanente
de Vidosav Stevanović

critiqué par Sahkti, le 3 octobre 2011
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Comprendre l'ex-Yougoslave
Nous sommes peu nombreux, je pense, à pouvoir affirmer avec certitude que nous avons tout compris au conflit de l'ex-Yougoslavie. Ces luttes fratricides observées par des Européens passifs ou peureux, ces déchirements au sein d'une même famille... il y a dans tout cela, outre les drames humains, énormément d'enjeux et d'explications qui nous ont échappés.
Alors il est plus qu'utile, lorsque l'occasion s'en présente, de tenter de décrypter ces années noires via la parole d'une personne ayant vécu cela de l'intérieur, quelqu'un qui peut nous raconter le comment et aussi le pourquoi. C'est ce que souhaite faire Vidosav Stevanović, exilé serbe très tôt opposé à Milošević.

Dans "Jeanne du métro", il nous conte l'histoire d'une réfugiée, Jovana, vivant dans le métro parisien et passant son temps à raconter aux usagers ce qu'était sa vie et ce que sont devenus les siens. Dans ce long monologue, Jeanne raconte à quel point la solitude et la prise de conscience de l'absurdité de l'âme humaine sont difficiles à supporter, sans parler de la perte d'être chers ou de repères solides.
C'est un texte à fleur de peau qui restitue toute l'incompréhension qui a été celle d'un peuple, partagé entre des patriotismes à géométrie variable et l'aveuglement tant national qu'international.

Une douleur émotionnelle qui se poursuit avec "Purification ethnique". Nous vivons un huis-clos dans une cave, une reproduction enfermée d'une guerre qui dépasse tout entendement et se révèle dévastatrice. Rapidement, à l'aide de courtes scènes, la tragédie reprend vigueur, les incompréhensions et les rejets prennent le dessus, la guerre est là, palpable, par les mots, par les pensées et les convictions. Aussi puissant et insoutenable que la première partie dur ecueil.

Avec "Répétition permanente", troisième partie, des comédiens tentent de jouer le rôle de ceux qui ont connu et fait la guerre. Un rôle dans le rôle mais rapidement, la violence prend sa place et le conflit représenté se révèle réel, il est impossible de rester extérieur à ce que l'on met en scène. L'absurde s'invite à table, des réflexes agressifs ou protecteurs se réveillent, les rêves s'envolent.

Un recueil coup de poing qui, outre la question yougoslave, soulève des questions universelles sur notre place, nos liens, nos rivalités et nos différences. Comment le pire peut-îl être commis et surtout justifié ?Qu'est-ce que l'identité ?
A travers des mises en scène claires et vivantes, Vidosav Stevanović déploie des personnages qui se révèlent être autant de drames humains; les interpellations sont là, à travers des dialogues qui emportent aisément le lecteur sur les chemins du questionnement et de l'horreur. Superbe !