Phénix de Luc Asselin

Phénix de Luc Asselin

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Libris québécis, le 13 décembre 2004 (Montréal, Inscrit(e) le 22 novembre 2002, 82 ans)
La note : 10 étoiles
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La Guerre d'Espagne

Phénix de Luc Asselin est la version romanesque du livre d'Histoire "La guerre d'Espagne" de Hugues Thomas. C'est un chef-d'oeuvre qui décrit cette guerre à travers les yeux d'un pyromane qui a participé à ce génocide.

Compte rendu de lecture

Un pyromane, incarcéré pour ses méfaits meurtriers, est libéré de prison par les marxistes afin de participer à la guerre civile d'Espagne. On veut mettre à contribution son talent d'artificier pour contrecarrer l'avance de Franco, qui s'amène à Madrid avec des Marocains afin de renverser le gouvernement républicain défendu par les factions de gauche.

Ainsi le héros de 41 ans, Manuel Encina, joint un groupe militaire mal muni pour faire sauter à Tolède la forteresse de l'Alcazar déjà aux mains des franquistes. L'insuccès de l'entreprise le conduit ensuite à Madrid, où l'on réussit à neutraliser la troupe du Caudillo qui veut s'emparer de l'université. Après cette victoire, attribuable en grande partie au génie inventif de Manuel, alias Marconi, alias Pavel, il est envoyé à Las Rozas, une petite ville de campagne. Il a comme mission de préparer des pièces d'artifice pour stopper la prochaine offensive du futur dictateur. C'est sur cette toile de fond historique que Luc Asselin a construit une œuvre forte, l'une des meilleures publiées en 1999.

Le roman se sert de la guerre comme prétexte pour pénétrer l'univers des gens désorganisés par leur passion, en l'occurrence la pyromanie. La solitude semble être la voie royale qui conduit à cette dérive. L'enfermement rend le héros insensible à autrui, trop occupé à développer son art, simple mais spectaculaire, pour servir un maître qui l'a rendu esclave du feu. Les victimes des explosions meurtrières qu'il a mises au point ne le touchent même pas parce que toute la réalité du monde s'est effacée au profit d'un amour igné qui sublime celui de son prochain. Mais la guerre l'oblige, pour assurer sa survie, de se tourner vers ses confrères d'armes, en particulier vers Carmen dont il devient amoureux. C'est la première fois de sa vie qu'une femme l'intéresse. Et peu à peu, il découvrira l'axe qui assure le sain équilibre : sans les autres, on n'est rien puisque l'on est bien limité, avouera-t-il.

Ces deux éléments forment un tout bien noué pour illustrer la folie de nos sociétés soi-disant civilisées. Quand on sait que la guerre civile d'Espagne a fait 600,000 victimes, il n'est pas surprenant que le destin de ses commettants soit à l'instar des régimes qui recourent à la barbarie pour imposer leur idéologie. Ce contexte qui oblige à se suspecter ne facilite pas le rapprochement. Le héros s'est donc enfermé dans sa tour d'ivoire, qui, l'espérait-il, le protégerait du mauvais sort réservé à la condition humaine. Quand il découvre l'importance de ses semblables, il n'est pas prêt d'accepter la transparence que nécessite une saine relation. En quelque sorte, il vit dans un cercle vicieux que l'auteur illustre parfaitement en construisant son roman comme une boucle. Mieux vaut vivre sa folie que celle du monde, dont il se dissocie entièrement.

C'est une œuvre qui donne à désespérer de l'humanité, mais c'est très réussi. L'auteur possède bien l'art romanesque. Ses rebondissements judicieux assurent une progression constante de l'action, maintenue dans un seul chapitre encadré par un court prologue et un épilogue tout aussi court. Cette structure monolithique s'explique aisément. Le pilier de voûte ne soutient que le cheminement de Franco vers le pouvoir, que l'on peut suivre facilement grâce aux liens référant à la toponymie de l'Espagne. On pourrait cependant reprocher à l'auteur d'accorder plus d'importance aux préparatifs des offensives qu'à leur matérialisation, à peine mentionnée dans le récit. Hormis ce bémol, Luc Asselin a su marier l'Histoire et la condition humaine avec une écriture dense, mais claire. On croirait même entendre parfois la voix d'André Malraux qui souffle certaines reparties aux protagonistes du roman.

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Les éditions

  • Phénix [Texte imprimé], roman Luc Asselin
    de Asselin, Luc
    l'Hexagone / Fictions (Montréal)
    ISBN : 9782890066175 ; 43,00 € ; 20/09/2005 ; 272 p. ; Broché
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