Makhno et sa juive
de Joseph Kessel

critiqué par Bluewitch, le 13 juillet 2002
(Charleroi - 44 ans)


La note:  étoiles
Roman court mais qui va droit au but...
Superposition de narrateurs dans ce roman incisif qui dépeint avec netteté la cruauté de la Russie bolchevique, ses tragédies et son dépouillement. Celui qui nous conte l’histoire la tient d’un ami journaliste, lui-même auditeur d’un camelot anti-sémite rencontré dans un café parisien, qui lui fit part avec aigreur du récit du fameux et peu avenant Makhno, brigand sanguinaire dont la férocité et le regard sauvage font de lui une légende vivante de la terreur.
Ah, tel homme, peu soucieux des vies humaines, déterminant la mort et la torture de son terrible « et voilà tout… », inspire le respect au camelot qui fit partie de sa bande pour s’être fait épargné du massacre par sa propre vilenie et bien masquée lâcheté. Que ne fût-il le témoin de l’épouvantable transfiguration de l’Homme au simple contact d’une jeune femme juive…
Alors qu’elle tente de se procurer un laisser-passer, lui-même se laisse prendre au piège de sa beauté et essaie de l'aider à son grand désarroi. Survient alors Makhno qui, dérouté par l’assurance et la pureté de la jeune femme, se confie à elle, pleure et se met à épargner des existences auxquelles il n'aurait autrefois accordé aucune pensée. L'amour le surprend, et, comble de honte, sous les traits d'un être à l'ascendance honnie de ces Juifs dont l'extermination lui avait jusque là parue un devoir.
Roman dur, violent, qui n'épargne aucun détail de cruauté mais qui laisse entrevoir un espoir de lumière dans tant de sauvagerie dont la réalité est aussi palpable et actuelle qu’on puisse le croire. Dérangée par tant de violence, je dois pourtant reconnaître dans ces pages un très bon récit qui déroute et retourne. On reçoit en plein visage ce message
de l’auteur qui nous montre que même le plus anti-sémite se fait berner dans ses propres préjugés et son propre aveuglement.
N.B. : Quant à la réalité historique des agissements du personnage, je ne me permets pas d'en juger, même si la vérité peut avoir été influencée par les ascendances juives de l'auteur… Je retiens avant tout, moi qui n’en connaît qu’insuffisamment à ce sujet, le message plus que le nom de Nestor Ivanovitch Makhno dont Joseph Kessel fit usage peut-être à mauvais escient.