L'art de Céline et son temps
de Michel Bounan

critiqué par Radetsky, le 30 septembre 2011
( - 81 ans)


La note:  étoiles
Céline : le compte du Nauséabond
Quiconque cherche une manière d'antidote aux éructations céliniennes trouvera dans ce court opuscule les éléments d'une contre-culture (comme on parle d'une culture microbienne). Sur les origines (bourgeoises et bien "comme il faut") du personnage, sur ses procédés littéraires et autres, sur sa personnalité, etc. Comme on sait, si Raymond Poincaré fut, aux yeux du Canard Enchaîné , "l'homme qui rit dans les cimetières", il apparaît bien une fois refermés les "chefs-d'oeuvre" de Céline que ce dernier fut celui qui chia sur les crématoires... Mais Bounan va s'attarder plus avant sur la postérité de Céline, sur les attaches, les filiations intellectuelles ou politico-financières que le personnage suscita dans le courant de son existence et bien après sa disparition. C'est un peu un fourre-tout, mais où on découvre d'étranges connivences, de surprenantes compromissions, allant d'un extrême à l'autre du spectre politique. De même, l'exploitation d'une mode intellectuelle, d'une provocation devenant dans ses vraies ou fausses intentions sa propre fausse négation, le tout dans un mouvement d'idées où le contexte général des manipulations politico-policières du moment sert de toile de fond, n'est pas sans rappeler dans ses formes tout au moins et tout anachronisme mis à part la "critique de la critique critique" (Karl M. dixit), remise au goût du jour dans les "trente glorieuses" par les situationnistes. On pourra déplorer certains amalgames, mais le travail reste fidèle à ses intentions : décrypter la raison, les procédés, les intentions du maintien de Céline comme mythe positif de nos jours.
Vitupération fanatique 1 étoiles

Un opuscule minuscule et hystérique. Outre que son auteur est d'une fiabilité passablement douteuse (un homéopathe paranoïaque, vaguement situationniste, qui a écrit "Le temps du Sida" dans lequel il affirmait sans rire que le Sida, engendré par l'économie libérale et les conditions sociales qui vont avec, servait en fait les intérêts du pouvoir d'Etat.), les thèses qu'il comporte, grossières (Céline est un nazi déguisé en libertaire), ridicules (le style de Céline ne serait qu'une « vulgaire machine à décerveler ») ou usées jusqu'à la corde (Céline uniquement motivé par l’appât du gain) et les arguments censés les étayer sont d'une faiblesse abyssale. Bounan use et abuse de mensonges (il suggère de manière à peine voilée que Desnos est mort en déportation à cause de Céline), d'anachronismes historiques, sort des phrases de son contexte, passe sous silence certains faits quand ça arrange sa petite mécanique tautologique, montre dès qu'il le peut son inculture, tout occupé qu'il est à éructer, à vociférer son petit catéchisme rance et mesquin. Ce pamphlet soviétique (avec le "Contre Céline" de Jean-Pierre Martin) faisait partie à l'époque d'une campagne anticélinienne qui a fait long feu. Voici pour terminer ce qu'en pensa Philippe Muray dans "Exorcismes spirituels":

"Les attaques de Bounan et de Martin ne relèvent pas de l’histoire des idées ; elles ressortissent pleinement de la post-histoire des loisirs et de la propagande qui les accompagne. La morale, au même titre que la culture et le tourisme, offre un certain nombre de débouchés compensatoires que le monde ancien du labeur ne procure plus. Bounan et Martin sont des employés de l’Espace Bien. Ils n’analysent pas Céline ; ils confessent en long et en large une foi antiraciste dont on ne peut que les féliciter, ainsi que le désir de liquider un problème qui leur paraît un scandale, et une survivance abominable en nos temps rénovés. Ils ne veulent plus voir le problème puisqu’ils connaissent la solution. Ils n’ont pas de questions à poser puisqu’ils disposent des réponses. Ils ne questionnent pas Céline, ils le mettent à la question. La bataille qu’ils engagent ne vise pas à éclairer d’une façon nouvelle les livres de leur bête noire, elle a pour objectif de les disqualifier. Il ne faut pas que Céline soit seulement responsable des crimes qu’il a commis. Il faut enfin qu’intégralement il soit accusé. Et de naissance, comme on le verra."

Chameau - - 44 ans - 25 novembre 2011