Qui a tué Héloïse Van Hool ?
de Shaïne Cassim

critiqué par Débézed, le 21 septembre 2011
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
La fille de son père
Héloïse est à l’hôpital, elle a mal dans tout le corps, elle ne sait plus qui elle est, l’infirmière l’informe qu’elle a fait une tentative de suicide qui a bien failli réussir. Le lendemain, un bel homme lui rend visite, elle ne le connaît pas, elle le prend pour un psychologue diligenté à son chevet mais c’est son père qui la sort, l’emmène sur des lieux où elle a écrit sa courte histoire, qui pourraient réveiller sa mémoire endormie.

Elle trouve dans le grenier où sa mère se tenait souvent, une pile de petits cahiers que celle-ci a noircis de son histoire, sa rencontre avec David, le père d’Héloïse, son arrivée en France où elle a toujours froid, sa vie avec David, la naissance de sa fille, sa fuite, la découverte de la sexualité libérée, le travail et la disparition… Sa mère était la fille mal aimée d’un diplomate égyptien et d’un Syrienne, elle a suivi son mari par amour mais n’a jamais pu aimer sa fille qu’elle a enfantée dans de grandes douleurs, comme, elle, n’a jamais été aimée.

Héloïse était avant tout la fille de son mari qui la chérissait particulièrement et satisfaisait tous ses caprices, l’emmenant dans ses rêves, dans son monde peuplé d’arbres et de plantes, un monde végétal où il y avait trop peu de place pour les humains, un espace réservé seulement à cette fille et à son père.

Un roman plein de délicatesse, d’une écriture simple, épurée, minimaliste, qui évoque des choses aujourd’hui jugées terribles mais jamais dites dans ce texte, comme si les mots étaient trop lourds pour être écrits dans cette histoire. Même si on ne peut éviter de penser pédophilie et inceste pour décrire cette relation intense, libérée, transgressive qui dépasse largement l’éducation qu’elle soit sentimentale ou sexuelle, il s’agit plutôt d’une passion débordante, exclusive, mythologique qui infecte ces deux êtres coupables seulement d’une trop grand sensibilité.

Mais c’est aussi une évocation sans fard des relations mère-fille, père-fille, père-mère et même de l’ouverture du couple sur d’autres participants ; un texte chaud, très chaud, sexuel, libertin, qui n’hésite pas à parler de pratiques jugées encore déviantes : sodomie, mélangisme, sadomasochisme, orgie, … en toute simplicité, naturellement comme pour montrer que les femmes ont aussi la capacité de décider de leur vie sexuelle et d’exiger leur dû.
Distances fatales 7 étoiles

La narratrice se sent lointaine de son mari. Etrangère, elle doit se faire à un nouveau climat, de nouveaux types de rapports sociaux et matrimoniaux, à la maternité. Et rien ne colle. Elle ne se fait pas à cette vie, à laquelle elle a consentie, ... du bout des lèvres peut-être.
Et son marie chérit sa fille comme personne, ce qui n'est pas pour arranger les choses dans leur couple. Et, à partir de là, tout va à vau-l'eau, tout choit, en pente douce, mais certaine.

Le style est minimaliste, sa platitude le rend clinique, mais il fait bien ressentir la vacuité de cette existence, l'ampleur du désarroi intérieur.
Ce roman est étrange, à la fois fin et glacial, subtil et distant, lucide et déroutant tour à tour. Il mérite d'être lu, ce qui prend peu de temps, et laisse aussi songeur qu'évasif.
C'est l'autopsie d'une vie de famille.

Veneziano - Paris - 46 ans - 28 mai 2012