Le bonheur en Allemagne ? de Michel Tournier

Le bonheur en Allemagne ? de Michel Tournier

Catégorie(s) : Littérature => Biographies, chroniques et correspondances

Critiqué par Bolcho, le 9 septembre 2011 (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 75 ans)
La note : 4 étoiles
Moyenne des notes : 5 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 3 étoiles (55 218ème position).
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Bonheur très mitigé en ce qui concerne la lecture


Les aléas de la vie ont procuré à Michel Tournier toutes sortes de raisons d’avoir un lien très particulier et intime avec l’Allemagne. Idem pour le lecteur que je suis d’où mon intérêt.

Mais c’est la déception qui prime.
Des considérations générales sur quelques grandes figures (Bismarck, Guillaume II, Mitterrand…). Pas de l’Histoire donc, plutôt des images d’Epinal. D’autres considérations très générales et approximatives sur les qualités et défauts des Allemands, des Français. Pour le coup, on n’est jamais loin du cliché.
Et puis quelques remarques profondément « réac », sur les fonctionnaires, sur le marxisme. On est même dans le quasi « beauf ».
Des anecdotes sur les rencontres de l’auteur avec des célébrités diverses (j’ai déjà oublié lesquelles).
Et en plus, Tournier se répète – presque mot pour mot sur 100 pages -, à propos de la période 1770-1830, très politique en France et très artistique en Allemagne. Cela, au moins, c’était intéressant : autant le dire deux fois donc…
Reste un texte vite lu avec quelques réflexions plaisantes ici ou là.
A propos des athlètes féminines d’Allemagne de l’Est, il se distancie de la ritournelle sur le dopage (ben oui, chez nous aussi, aujourd’hui…) et il développe quelques remarques sympathiques sur les femmes, en train de rattraper les hommes sur le plan des performances sportives. Oui, c’est vrai, tous les chiffres le disent.
J’ai gardé le meilleur pour la fin.
Tournier rappelle qu’à deux reprises (1952 et 1959), l’URSS a proposé la réunification de l’Allemagne assortie d’une seule condition : la neutralité de l’Allemagne, pas d’armes, pas d’alliances militaires. C’était la sagesse même, non ? Mais, dit l’auteur « c’était condamner toute la politique d’américanisation à outrance d’Adenauer. Il ne répondit même pas à l’offre. Alors ce fut le mur de Berlin (…) ».
C’est bizarre : on en parle très peu dans les livres d’histoire de nos écoles…

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Un lien intime avec l’Allemagne

6 étoiles

Critique de Tistou (, Inscrit le 10 mai 2004, 67 ans) - 22 avril 2013

On sait que Michel Tournier a développé, très tôt, un lien étroit, charnel, intime, avec l’Allemagne. Il s’en explique dans « Je m’avance masqué » :

« Mes parents s’étaient rencontrés à la Sorbonne autour de leurs études d’allemand. Notre mère nous emmenait tous les étés en Allemagne, d’abord dans un foyer catholique de Fribourg-en-Brisgau qu’elle fréquentait depuis toujours. Puis je suis allé en Thuringe, à partir de 1934, dans la famille de Maria Montag, notre jeune fille au pair qui ne nous parlait qu’en allemand. »

Il va donc connaître l’Allemagne nazie d’avant la guerre, puis la période de la guerre et verra la fin de celle-ci en 1944 quand il aura 20 ans. Autrement dit, assez vieux pour avoir été conscient des enjeux et des évènements, suffisamment jeune pour n’avoir pas été directement impliqué.
Il passe rapidement là-dessus et débouche directement sur la période « Tübingen », la ville dans l’université de laquelle il part sitôt la fin de la guerre étudier Kant et Hegel :

« Nous étions une dizaine d’étudiants français, parmi lesquels Claude Lanzmann et pour peu de temps Gilles Deleuze. Nous formions avec les étudiants allemands une génération de « rescapés » de la guerre et nous nous regardions avec une stupeur heureuse, ayant peine à croire que nous n’étions là que pour étudier l’histoire, la littérature, la philosophie, les sciences sans plus de soucis vitaux. »

On peut donc supposer qu’ayant ainsi passé sa jeunesse avec ces liens avec l’Allemagne, Michel Tournier ait quelques compétences à nous donner son avis. Il le fait et de manière plaisante puisque n’ayant pas peur de propos iconoclastes, ne semblant pas faire partie de telle ou telle chapelle …
Notamment ce passage, à propos de la BDR et de la DDR (ex-Allemagne de l’Ouest et de l’Est), qu’on pourra interpréter comme on le souhaite : occasion manquée ou miroir aux alouettes ?

« Le 10 mars 1952 –sous Staline – et en janvier 1959 – sous Khroutchev -, l’URSS propose la réunification, assortie il est vrai d’une condition : la neutralité de l’Allemagne. Pas une arme, pas un uniforme, pas une alliance. C’était la solution idéale qui avait fait ses preuves en Finlande et en Autriche. L’Allemagne serait devenue entre l’Est et l’Ouest un formidable pôle de paix et de prospérité obligeant par le dynamisme de son économie les pays voisins – Europe de l’Ouest et Russie – à réduire leurs dépenses d’armement pour lutter à armes égales avec ce formidable concurrent. C’était la sagesse même. Mais c’était aussi condamner toute la politique d’américanisation à outrance d’Adenauer. Il ne répondit même pas à l’offre. Alors ce fut le mur de Berlin … »

Il faut dire que Michel Tournier est particulièrement sensible à la triste situation que vécurent les allemands dits « de l’Est » puisque la Thuringe dont il est question plus haut, cette famille de la jeune fille au pair chez laquelle il se rendait annuellement, c’était dans la partie orientale.
En tant qu’observateur privilégié de « la chose allemande », il nous explique par exemple la différence entre la presse française et l’allemande, comparant deux journaux de nature similaire : Paris Match et le Stern. Qualifiant Paris Match de douceâtre quand le Stern n’hésite pas à montrer des photos d’actualité non édulcorées …
Il raconte également la relation privilégiée, d’écrivain à écrivain, qu’il eût avec François Mitterand, celui-ci lui rendant grâce d’une connaissance privilégiée de la réalité est-allemande …
Il raconte beaucoup de choses. Il en interprète aussi. Et c’est un bonheur de lire ses considérations, lui qui vécût ces heures particulières de l’Allemagne, de 1934 à nos jours …

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